3.3.2.2 Modèle de signal en asymétrie simple d’information et variation des paiements de conflit

A l’instar du modèle de Hart (1989), hypothèse est faite que les coûts associés à une période de grève supplémentaire dans un conflit court ne sont pas les mêmes que ceux d’un conflit long. Cramton & Tracy (1994) proposent une modélisation de cette hypothèse. Leur modèle concernant la non stationnarité des paiements pendant le conflit est une version modifiée de leurs travaux de 1992 présentés ci-dessus. Ils considèrent alors que le conflit comporte deux phases indexées par g et que le type de conflit choisi est déterminé de manière exogène, mais l’hypothèse d’asymétrie simple et le déroulement du jeu restent inchangés.

Le conflit peut être considéré de court terme s’il prend fin avant τ et de long terme dans le cas inverse. τ représente le point charnière de Hart (1989) mais son interprétation par Cramton & Tracy (1994) est différente. Alors que pour Hart (1989), durant la seconde phase de négociation la probabilité que la firme subisse une grève était positive, la deuxième phase de négociation n’est associée chez Cramton & Tracy (1992-1994) qu’à un changement dans les paiements. Ces derniers peuvent connaître une augmentation ou une diminution. Ce modèle se veut donc plus général que celui de Hart. τ peut représenter la date à laquelle les grévistes sont susceptibles de bénéficier des allocations chômage ou le moment où l’employeur décide d’embaucher des intérimaires, ou encore le point au-delà duquel le destockage commence. En fonction des justifications données à ce seuil, τ peut être considéré comme endogène ou exogène. Il est de toute façon de connaissance commune.

Une issue du jeu est un ensemble de trois éléments : la date à laquelle intervient l’accord, le salaire établi par ce contrat et le seuil τ. La fraction de gain qu’il reste quand un accord a lieu à la date t est message URL form55.gif avec r le taux d’escompte, T la date à laquelle le nouveau contrat est signé et d(τ)=δ.
Si le syndicat fait une offre message URL form56.gif, il existe un équilibre bayesien parfait tel qu’avec m<y, la firme accepte immédiatement l’offre du syndicat. Dans le cas contraire m>y, l’employeur refuse la proposition. Deux cas se présentent :
Lorsque y≥yτ avec message URL form57.gif, l’employeur attend message URL form58.gif avant de faire une contre-offre. Sa proposition sera immédiatement acceptée par le syndicat et la seconde phase du conflit ne sera jamais atteinte.
Lorsque y≥yτ, l’employeur attend message URL form59.gif avant de faire une contre-proposition d’une valeur w2(y) qui sera immédiatement acceptée. La deuxième phase des négociations sera atteinte dans ce cas là.

Ce modèle permet de retrouver le contexte et les conclusions du modèle de Hart (1989). Si a1>a2, alors une période supplémentaire de conflit est moins coûteuse dans la première phase que dans la deuxième. La durée de grève est alors plus importante, le taux d’accord et la baisse des salaires à court terme plus faibles que si les paiements étaient stationnaires.

Ce modèle permet aussi de tenir compte de la situation opposée, i.e. quand le coût de la grève est inférieur dans la deuxième phase du conflit. Les situations où l’employeur a l’opportunité d’embaucher du personnel intérimaire, celle où les salariés peuvent trouver un emploi dans le secteur concurrentiel, celles où les syndiqués sont bénéficiaires d’allocations chômage après une durée de grève définie sont des exemples vérifiant l’hypothèse a1<a2. Cramton & Tracy (1994) montrent que les grèves seront alors de plus courte durée et le taux d’accord et la baisse des salaires à court terme seront plus élevés que lorsque les paiements de grève sont stationnaires.

L’introduction de l’hypothèse de variation des paiements au cours de la négociation permet d’apporter plus de réalisme aux modèles de signal, et d’expliquer certains phénomènes contre-intuitifs comme, par exemple, le parallèle entre l’augmentation de la durée de grève et celle des coûts de la grève à long terme. Ces modèles mettent surtout en évidence le fait que la détermination du salaire négocié est principalement basée sur les menaces de long terme. Globalement, les modèles de signal en asymétrie apportent une explication satisfaisante des grèves. Le choix du type de conflit, la durée de celui-ci, ainsi que ses conséquences sur le salaire y sont exposés. Cependant, l’hypothèse d’asymétrie unilatérale peut être critiquée, et les modèles de signal étendus à l’hypothèse de double asymétrie qui peuvent être considérés comme le cas le plus général et permettent à ce titre de couvrir le plus de situation.