3.3.2.3 Les modèles de signal en double asymétrie d’information

Cramton (1992) a proposé une analyse de ce type de situation. Employeur et syndicat négocient le salaire qui s’appliquera lors du prochain contrat de travail. Mais leur évaluation du bien travail est différente et leur valorisation de ce bien est une information privée. Chaque joueur dispose d’une distribution de probabilité F(.)reflétant ses croyances au sujet du type de son adversaire. F(.)admet une densité positive sur un intervalle borné dont les limites sont définies par les cas extrêmes de la typologie des comportements de son adversaire. Cramton (1992) considère le cas où les distributions sont symétriques et où leur densité est définie sur [0,1]. Les agents préfèrent conclure un accord immédiatement, plutôt que le même contrat plus tard. L’impatience des agents est donnée par r, le taux d’escompte identique pour les deux joueurs. Le taux d’escompte ainsi que la distribution de probabilité sont de connaissance commune. Les délais entre les propositions sont librement manipulables par les agents, qui révèlent par ce biais leur information privée. L’accord intervient dès qu’une proposition est acceptée et ce contrat s’appliquera indéfiniment. Une stratégie pure d’un joueur i est σi . caractérise la décision de l’agent i d’accepter ou de refuser la proposition wn de son adversaire et le délai Δn+1 s’écoulant avant que le joueur i ne fasse une contre proposition wn+1. σi est défini pour chaque histoire Hn du jeu, quand le joueur i doit prendre une décision. Le système de croyance est noté message URL form60.gif .

Cramton (1992) déclare que : “l’information est révélée par la séquence des offres, qui est déterminée par des contraintes incitatives simples, ainsi toutes les offres sont des offres de type Rubinstein en information complète pour un couple spécifique d’agents. Un équilibre est trouvé après deux offres au maximum, car la durée du délai avant de faire une contre-proposition révèle entièrement l’information privée des agents. Tout se passe donc comme si le jeu était constitué de trois étapes, décrivant une diminution de l’asymétrie d’information. Dans une première période, après une période d’attente, l’agent le plus impatient fait une proposition qui révèle entièrement son information privée. Cette phase peut être analysée comme un guerre d’usure, puisque l’agent le plus impatient cède le premier et délivre toute l’information en sa possession ; il perd alors tout avantage sur l’autre joueur. Dans une deuxième étape, le joueur le moins impatient se retrouve dans un jeu de signal avec simple asymétrie d’information. S’il souhaite faire une contre-offre, il différera la date à laquelle il fera une offre, de manière à révéler son information privée. Lors d’une troisième étape, son adversaire prendra sa décision en information complète. Les deuxième et troisième étapes ayant déjà fait l’objet d’une étude, seule la première phase sera ici analysée.

Le but est de construire un équilibre séparateur tel que le temps qui sépare le début du jeu de la première offre soit une fonction monotone de la valorisation du travail de l’agent qui fait cette offre. Cramton (1992) suppose que la fonction F a une densité positive sur [0,1], telle que pour tout message URL form61.gif 3 et ceci afin d’assurer l’unicité de la solution.
Si le syndicat fait la première offre après un délai Δ et si le syndicat pense que la valorisation de l’employeur est comprise entre 0 et y’, il fera une offre d’équilibre w(L’,y*) avec y*∈(L’,y’) qui satisfait : message URL form62.gif sachant que message URL form63.gif et que δ tend ici vers 1. Le délai au terme duquel il fera une offre est : message URL form64.gif avec y*∈[L,1-L’].

Ce modèle met en avant le fait qu’un conflit avec double asymétrie d’information conduit les joueurs à subir des délais de négociation. Ceux-ci seront plus importants que ceux rencontrés quand un seul joueur détient une information privée. Ces délais sont incompressibles, car nécessaires pour que les agents révèlent leur information. La pérennisation des conflits trouve encore ici un fondement. L’utilisation d’un modèle de signal, quel qu’il soit, permet d’expliquer la grève et sa durée. Cette formalisation de l’intuition de Hicks quant au dépassement de son paradoxe semble être la seule solution pour échapper au problème des grèves virtuelles.

Notes
3.

avec L’ la croyance de l’employeur quant à la valorisation du syndicat et y’ celle du syndicat de la valorisation de l’employeur