4. La grève et le temps à l’épreuve des faits

La structure du jeu spécifiée par les modèles séquentiels avec asymétrie d’information n’est pas directement observable mais données de grève et prédictions théoriques peuvent être confrontées grâce aux réponses qu’elles apportent à deux questions simples : quels sont les déterminants de l’émergence des grèves ? Quels sont les facteurs qui influencent les caractéristiques des conflits, i.e. leur durée et le salaire après grève ?

De nombreuses études traitent des problèmes des grèves car comme le souligne Kennan (1989) “les travaux empiriques sur la grève sont vieux de plus de cent ans”. Notre objectif n’est pas une présentation exhaustive de toutes ces études, mais le but est de faire apparaître la diversité des méthodes et des données employées ainsi que les principales conclusions tirées quant à la vraisemblance des modèles théoriques.

La plupart des tests sont conduits sur données canadiennes et américaines car ces pays disposent de larges bases de données individuelles sur les conflits.

Les enquêtes REPONSE 92 et 98 fournissent aujourd’hui le moyen d’estimer ces modèles. Les données dont nous disposons se démarquent de celles utilisées dans la majeure partie des études économétriques, spécifiquement dans le cas français, puisqu’elles sont propres à chaque entreprise. Nos fichiers contiennent notamment des variables liées aux canaux de diffusion de l’information dans l’entreprise telles la diffusion d’un journal interne, des stratégies de l’entreprises ou encore de l’évolution souhaitée des salaires et de l’emploi. Par contre, les enquêtes ne contiennent aucune information sur le salaire établi après une négociation ou sur les revendications des salariés. Ainsi nos données ne nous permettent que de tester l’influence de la réduction des asymétries d’information sur l’émergence et la durée de la grève, et de voir si ces modèles retracent la négociation française dans ses grandes lignes. Hypothèse est donc faite que plus ces canaux sont développés, plus l’information circule, moins l’asymétrie d’information est grande entre employeur et salariés. Ces variables devraient donc avoir une influence majeure sur la probabilité d’apparition d’un conflit et sur la durée de la grève si le conflit a lieu, et leur impact devrait être négatif dans les deux cas.