4.1.3 L’issue de la grève

Les modèles de discrimination escomptent une baisse du salaire négocié au cours de la grève, reflétant les courbes de concession.

McConnell (1989) teste cette relation sur données américaines de 1970 à 1981. Sa base de données comprend 3001 négociations de contrat par 883 couples employeur- syndicat différents ; 518 de ces négociations débouchent sur une grève. L’auteur distingue deux composantes dans la fixation des salaires. La première est une fonction de toutes les variables qui sont observables par les deux négociateurs. La deuxième composante du salaire dépend de la rente mise en jeu qui est non observable par le syndicat. Ainsi, si le salaire est utilisé comme un moyen de discriminer entre les entreprises, les grèves ne doivent être liées qu’à la deuxième composante. La première composante du salaire peut être considérée comme le salaire généré par une équation de salaire, alors que la deuxième composante est représentée comme le résidu de l’équation. Les modèles de discrimination prédisent en fait une corrélation négative entre la grève et ce résidu.

Les variables exogènes de ce modèle sont : les taux de chômage national et régional qui résument l’état du marché du travail, le taux annuel de chômage dans l’industrie qui approxime l’état du marché du produit et le taux de salaire réel moyen dans l’industrie qui renseigne sur les opportunités extérieures du syndicat. McConnell (1989) introduit en plus des variables de politique économique afin de cerner l’effet de rattrapage qui peut exister si le contrat antérieur n’était pas totalement indexé. L’auteur propose comme variable explicative la moyenne du niveau des prix ainsi que sa valeur espérée tout au long de l’ancien contrat. Notons aussi qu’elle prend en compte dans sa dernière régression des dummies afin de capter l’effet régional.

Il faut remarquer que l’introduction de variables muettes captant l’effet de l’appartenance à une industrie particulière ainsi que celui de la personnalité du couple de négociateurs ne fait qu’améliorer la part de la variance totale expliquée du taux de salaire réel espéré.

Pour étudier la vraisemblance de l’hypothèse selon laquelle l’activité de grève aurait une influence sur la détermination du taux de salaire réel espéré, McConnell (1989) ajoute aux variables explicatives de la première régression une variable dichotomique reflétant l’émergence du conflit et la durée de ce conflit.

Ainsi elle montre que le salaire négocié diminue de 0,03% chaque fois que la grève augmente d’un jour et que le taux annuel de concession est estimé à 8,6%.

Ces résultats permettent de conclure que la durée de grève plus que l’émergence d’une grève (dont le coefficient n’est jamais significatif) est un facteur important de la détermination du salaire négocié. La liaison est négative lorsque l’estimation comprend des effets individuel et temporel.

L’auteur conclut que cette étude ne permet pas de réfuter l’hypothèse selon laquelle la durée de grève aurait une influence négative sur le salaire négocié.

Card (1990) utilise une modélisation identique à celle de McConnell (1989) pour tester le lien entre durée de grève et salaire négocié, sur données canadiennes de 1964 à 1985. Cet échantillon comprend 2258 négociations de contrat par 299 couples employeur-syndicat différents. Card (1990) introduit un effet fixe dans sa régression, représentant la composante invariante du salaire d’un couple donné, mais il estime par MCO en utilisant les différences premières. Le taux de chômage est négativement corrélé au salaire négocié et l’état de l’industrie ainsi que le taux de salaire du contrat antérieur ont des effets positifs sur le salaire négocié, ce qui confirme les résultats obtenus par McConnell (1989). Par contre, l’émergence des grèves a un effet positif sur le salaire à l’inverse de ce que prédit la théorie. L’auteur décompose la durée de grève en différentes périodes, et met en lumière une influence non linéaire de la durée de grève sur le salaire. En effet, en deçà de 148 jours de grève, le coefficient des durées de grève est positif et au-delà de ce seuil, négatif. Ces résultats réfutent les modèles simples de discrimination et s’opposent aux conclusions de McConnell (1989). Il est possible de relier l’existence de ce seuil à un modèle de discrimination avec variation des paiements. Ce seuil correspondrait alors au point charnière de Hart (1989).