4.2.2 Résultats obtenus et commentaires

4.2.2.1 Les déterminants de l’émergence de la grève

Table 1 : L’établissement a-t-il connu une grève ?
Modèle binomial de type : PROBIT
Estimation par maximum de vraisemblance
Variable expliquée : GREV, l’établissement a t- il connu une grève ?
Données empilées
Nombre d’observation : 621
Log de vraisemblance : -288,0595
Log de vraisemblance restreinte : -371,1320
Pseudo R2 (Mc Fadden) : 22,38%
Pourcentage de variables correctement prédites : 76,32%
LR test statistique : 166,1449
Degrés de liberté : 7
Significativité : 0,0000000
Log de vraisemblance avec correction d’héteroscédasticité : -281,4488
LRH test statistique : 13,2214
Degrés de liberté : 7
Significativité : 0,006689
LM test statistique : 284,008958
Degrés de liberté : 7
Significativité : 0,0000
Panel non cylindré de 395 entreprises
Log vraisemblance incluant effets aléatoires : -281,8567
LREA test statistique : 12.40556
Degrés de liberté : 1
Significativité : 0,0042
Pseudo R2 (Mc Fadden) : 24,05%
Pourcentage de variables correctement prédites : 76,16%
Résultats sans effet aléatoire
Variable Signification de la variable Coef. Ecart-type t Seuil
ONE Constante -4,1566 0,5513 -7,5391 0,0000
LSALETAB Logarithme du nombre de salariés dans l’établissement 0,3017 0,0581 5,1972 0,0000
TXPARTI Taux de participation à la dernière élection 0,0157 0,0038 4,1686 0,0000
DSENTR Délégués syndicaux dans l’entreprise 0,8815 0,3591 2,4547 0,0141
DSETAB Délégués syndicaux dans l’établissement 0,7260 0,2009 3,6131 0,0003
CLIMAT Bon climat social -0,6963 0,1610 -4,3257 0,0000
EVEMP L’établissement diffuse de l’information sur l’emploi -0,2545 0,1282 -1,9843 0,0472
ECVSAL L’établissement diffuse de l’information sur l’évolution des salaires 0,3279 0,1402 2,3394 0,0193
Prédites total
Effectives 0 1
0 401 43 444
1 104 73 177
Total 505 116 621
Résultats avec effet aléatoire
Variable Signification de la variable Coef. Ecart-type t Seuil
ONE Constante -5,3071 0,8327 -6,3737 0,0000
LSALETAB Logarithme du nombre de salariés dans l’établissement 0,4313 0,0950 4,5378 0,0000
TXPARTI taux de participation à la dernière élection 0,0201 0,0052 3,8808 0,0001
DSENTR Délégués syndicaux dans l’entreprise 1,0657 0,4888 2,1802 0,0292
DSETAB Délégués syndicaux dans l’établissement 0,8984 0,2696 3,3320 0,0009
CLIMAT Bon climat social -0,8541 0,2178 -3,9205 0,0001
EVEMP l’établissement diffuse de l’information sur l’emploi -0,1903 0,1669 -1,1404 0,2541
ECVSAL l’établissement diffuse de l’information sur l’évolution des salaires -0,0022 0,0019 -1,1632 0,2448
Rho 0,4219 0,1096 3,8498 0,0001
Prédites Total
Effectives 0 1
0 405 40 444
1 108 71 177
Total 513 111 621

Les estimations et tests que nous avons conduits sur la probabilité que l’entreprise ait connu une grève au cours des trois années précédant l’enquête montrent que les entreprises de grande taille sont plus sujettes au risque de grève que les petites, et que la force du syndicat décrit ici par le taux de participation et la présence de délégués syndicaux au sein à la fois de l’établissement et de l’entreprise influencent positivement le risque de grève. Plus les syndicats sont présents dans l’entreprise et plus leur légitimité est grande, plus la négociation sera conflictuelle. On retrouve une illustration du propos de Hicks sur la grève comme arme traditionnelle du syndicat. Les régressions mettent par ailleurs en évidence le fait qu’un bon climat social peut être un barrage à la grève.

Il est à noter qu’aucune variable d’organisation de la production, notamment les variables de gestion des stocks, ni celles d’appartenance sectorielle ne semblent influencer l’entrée en grève.

Par ailleurs, nous ne disposons d’aucune variable pouvant caractériser la conjoncture à laquelle l’entreprise doit faire face. Des données sur la conjoncture auraient pu être collectées mais elles n’auraient jamais pu être spécifiques à l’entreprise, et refléter l’appréciation de l’employeur ou des représentants des salariés sur cette conjoncture.

Les variables sur la diffusion de l’information présentes dans l’enquête permettent de proposer un test direct des modèles de discrimination. En effet, plus les canaux de diffusion de l’information dans l’entreprise sont développés, plus l’entreprise porte un soin particulier à diffuser de l’information, plus l’asymétrie d’information, qui se trouve au centre de la théorie de la grève dans les jeux séquentiels, devrait être réduite. Ce type de variables devrait donc réduire la probabilité de grève et sa durée.

Seulement deux variables de diffusion de l’information ressortent de nos estimations : le fait que l’entreprise diffuse de l’information sur l’emploi et sur l’évolution des salaires semble avoir un impact sur le risque de grève. Si les estimations sont conduites sur données empilées, alors seul le signe de la diffusion de l’information sur les salaires est celui attendu par la théorie.

Un test portant sur la comparaison des logarithmes des maximum de vraisemblance du modèle sur données empilées et sur le modèle en panel montre toutefois qu’il est judicieux d’incorporer un effet aléatoire spécifique à l’entreprise. Il apparaît, après correction des biais engendrés par la non prise en compte d’un tel effet, que la diffusion par l’entreprise d’information sur l’évolution des salaires a le signe négatif attendu. Mais considérer un effet spécifique individuel entraîne la non significativité des deux variables de diffusion de l’information.

Le fait que peu de variables de diffusion de l’information soient significatives et que l’effet de celles qui le sont ne soit pas sans équivoque permet de douter du réel impact des variables de diffusion et donc du rôle joué par l’asymétrie d’information ainsi mesurée dans l’entrée en grève.

Cette première estimation permet de mettre en doute la validité des modèles de diffusion de l’information dans le cadre institutionnel français. La faiblesse des pseudo R2 laisse à penser que des variables importantes pour l’explication des grèves en France n’ont pas été prises en compte par le modèle.

Modèle binomial de type : PROBIT
Estimation par maximum de vraisemblance
Variable expliquée : MGREV, la grève a été le conflit le plus marquant
Données Empilées
Nombre d’observations : 787
Log de vraisemblance : -381,7621
Log de vraisemblance restreinte : -438,3901
Pseudo R2 (Mc Fadden) : 12.92%
Pourcentage de variables correctement prédites : 76,24%
LR test statistique : 113,2560
Degrés de liberté : 6
Significativité : 0,0000
Log de vraisemblance avec correction d’hétéroscédasticité : -376,2638
LRH test statistique : 124,2525
Degrés de liberté : 6
Significativité : 0,0884
LM test statistique : 365,726982
Degrés de liberté : 6
Significativité : 0,0000
Panel non cylindré de 518 entreprises
Log vraisemblance incluant effets aléatoires : -378,2811
LREA test statistique : 6,962031
Degrés de liberté : 1
Significativité : 0,0083
Pseudo R2 (Mc Fadden) : 14.17%
Pourcentage de variables correctement prédites : 76,23%
Résultats sans effet aléatoire
Variable Signification de la variable Coef. Ecart-type t Seuil
ONE constante -3,2045 0,4034 -7,9430 0,0000
JOURBUL l’établissement distribue un journal d’entreprise 0,2294 0,1095 2,0943 0,0362
ECVSAL l’établissement diffuse de l’information sur l’évolution des salaires 0,2157 0,1183 1,8237 0,0682
STRAT l’établissement diffuse de l’information sur ses stratégies -0,2458 0,1156 -2,1255 0,0335
CLIMAT Bon climat social -0,5107 0,1365 -3,7399 0,0002
LSALETAB Logarithme du nombre de salariés dans l’établissement 0,3596 0,0456 7,8785 0,0000
TXPARTI taux de participation à la dernière élection 0,0132 0,0031 4,2626 0,0000
Prédites total
Effectives 0 1
0 564 30 594
1 155 38 193
Total 717 68 787
Résultats avec effet aléatoire
Variable Signification de la variable Coef. Ecart-type t Seuil
ONE constante -3,7532 0,5253 -7,1453 0,0000
JOURBUL l’établissement distribue un journal d’entreprise 0,2633 0,1274 2,0676 0,0387
ECVSAL l’établissement diffuse de l’information sur l’évolution des salaires 0,2181 0,1352 1,6133 0,1067
STRAT l’établissement diffuse de l’information sur ses stratégies -0,5376 0,1459 -3,6840 0,0002
CLIMAT Bon climat social -0,2440 0,1383 -1,7638 0,0778
LSALETAB Logarithme du nombre de salariés dans l’établissement 0,4170 0,0627 6,6475 0,0000
TXPARTI taux de participation à la dernière élection 0,0152 0,0035 4,3273 0,0000
Rho 0,2456 0,1148 2,1402 0,0323
Prédites total
Effectives 0 1
0 564 30 594
1 157 36 193
Total 721 66 787

Si nous retenons comme indicateur de l’émergence des grèves le fait que la grève connue par l’entreprise peut être considérée comme le conflit le plus marquant, les résultats sont identiques à ceux obtenus précédemment quant à l’influence de la taille de l’entreprise, du climat social ou de la représentativité et de la force des syndicats. Ces variables sont significatives et influencent le risque de grève de la même manière. La stabilité des ces résultats laisse donc à penser que ces éléments sont importants dans l’analyse de l’émergence des conflits.

Parmi les variables de diffusion de l’information, trois seulement sont significatives. L’introduction d’un effet aléatoire individuel améliore la qualité de la régression, mais ne change pas les résultats obtenus. La diffusion d’un journal d’entreprise ainsi que la diffusion d’information sur l’évolution des salaires influencent positivement le risque de grève, contrairement à ce que prévoit la théorie. La connaissance des stratégies de l’entreprise permet quant à elle de réduire la probabilité d’un conflit. Connaître et comprendre les fondements des décisions de l’employeur semble être un rempart à des grèves marquantes. La diffusion d’informations sur les stratégies de l’entreprise, en réduisant l’asymétrie d’information dont souffrent les salariés, permet certainement d’adhérer davantage aux choix de la direction.

Cette estimation confirme le fait que les modèles de discrimination rendent peu compte de l’émergence des grèves en France.