3.1.3 Les effets du pluralisme syndical

Dans le cas où le syndicat 1 est différent du syndicat 2, ce dernier ne dispose que de sa propre évaluation de la croyance du syndicat 1. Si le syndicat 2 surestime la probabilité que l’entreprise 1 ait fait face à un bon état de la nature, ses décisions vont en être affectées.

Si sa croyance a priori est message URL form120.gif, le syndicat 2 a une représentation tronquée à la hausse de la probabilité de 1, il va opter ceteris paribus pour une faible demande sur une plus grande plage, et inversement s’il est pessimiste. L’erreur d’estimation aura un effet modérateur sur la proposition du syndicat 2, la valeur de la borne étant plus importante. Il surévaluera par ailleurs le profit espéré.
Si sa croyance a priori est message URL form121.gif ,la probabilité de conflit sera plus importante bien que la plage d’application soit réduite (la borne basse ayant augmenté) et le syndicat 2 fera une estimation faussée à la hausse de tous les gains espérés.
Enfin, si sa croyance a priori est message URL form122.gif, l’erreur d’estimation n’a alors aucun effet sur la probabilité de grève, ni sur le salaire espéré, ni sur le profit espéré ; seule l’utilité espérée du syndicat est biaisée à la hausse.

Par ailleurs, la surestimation de p1aura un effet plus important sur la probabilité de grève dans la deuxième firme, s’il n’y a pas eu grève dans la négociation précédente. Les deux probabilités sont cependant faussées à la hausse. L’estimation du profit estimé subit le même effet, alors que sur l’espérance d’utilité, le biais est plus important quand il y a eu grève.

Pour mieux comprendre les effets que peut avoir une estimation erronée de la croyance du syndicat 1, nous avons simulé les seuils minimaux à partir desquels le syndicat 2 demande un salaire élevé.

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Graphique 3 :Il y a eu grève dans l’entreprise 1
Quand il y a eu grève lors de la première négociation, le seuil minimal pour que le syndicat 2 demande un salaire élevé ne dépend pas de la croyance du syndicat 1 ; il est égal à message URL form123.gif.
D’une part, ce seuil est croissant avec le ratio message URL form124.gif. Plus le rapport entre le profit dans l’hypothèse de conjoncture basse et celui en conjoncture haute est grand, i.e. plus message URL PIB.gif est proche de message URL PIG.gif, plus le syndicat 2 devra avoir une forte croyance en un bon état de la nature pour demander un salaire élevé. Sa propension à ne réclamer qu’un salaire faible, acceptable quel que soit le type de la firme est d’autant plus grande que ce salaire est proche du salaire élevé. Tout se passe comme si le manque à gagner engendré par cette décision, si la conjoncture se révèle être bonne, ne suffisait pas à supporter le risque d’un conflit. Le syndicat se révèle prudent, et ne prend pas le risque d’une grève, alors que le salaire qu’il peut obtenir avec certitude et sans supporter de coûts de grève, est proche du salaire risqué.

D’autre part, le seuil minimal dépend de la corrélation entre les deux entreprises. Plus celle-ci est importante, plus le seuil sera élevé. Une mauvaise situation lors de la négociation précédente modère la revendication syndicale. Le syndicat 2 est d’autant plus prudent que les situations subies par les entreprises sont proches et que la conjoncture s’est avérée mauvaise.

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Graphique 3, Graphique 4,Graphique 5 : Il n’y a pas eu grève dans l’entreprise 1. Simulations pour différentes croyances du syndicat 1
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Quand il n’y a pas eu grève lors de la première négociation, le seuil minimal de croyance à partir duquel le syndicat 2 a une revendication de salaire élevé dépend du rapport de profit, du coefficient de corrélation entre les entreprises et de la croyance du syndicat 1 en un bon état de la nature ou tout du moins de l’estimation que le syndicat 2 a de cette probabilité. Le seuil est égal à message URL form125.gif.

Les simulations mettent en évidence une décroissance du seuil avec le taux de corrélation entre les entreprises. Plus les situations semblent liées, plus le syndicat 2 sera audacieux et demandera un salaire élevé alors que ses croyances initiales ne le forçaient pas à l’optimisme. Plus la corrélation est forte entre les entreprises, et que la conjoncture dans la première négociation s’est avérée favorable, plus le syndicat 2 révisera à la hausse ses croyances en un bon état de la nature.

Le rapport de profit joue dans le même sens que s’il y avait eu grève dans la première négociation. Ainsi moins la différence entre profit en conjoncture basse et profit en conjoncture haute est grande, moins le syndicat 2 sera incité à faire une demande séparatrice qui pourrait le conduire à un conflit.

Par ailleurs, on constate que plus la corrélation entre les entreprises est faible, plus l’écart entre les seuils selon les rapports de profit est important. Quand la corrélation entre les entreprises augmente, l’effet rapport de profit semble ne pas être dominant, il est lissé.

Les simulations mettent aussi en avant le rôle déterminant joué par la croyance du syndicat 1. Le lissage de l’effet rapport de profit est de moins en moins présent quand la croyance du syndicat 1 dans un bon état de la nature augmente.

Les simulations montrent que l’effet de la corrélation s’estompe aussi avec une augmentation de p1. L’impact de la croyance du syndicat 1 apparaît comme dominant, gommant l’influence de la corrélation entre les entreprises. Quand la croyance du syndicat 1 augmente, le seuil converge vers un taux fixe qui dépend uniquement du rapport des profits; le seuil est alors d’autant plus élevé que le rapport de profit est grand. Si le syndicat 2 pense que le syndicat 1 a fait preuve d’optimisme bien que la négociation 1 n’ait pas débouché sur une grève (le syndicat 2 sait p1>p, mais il pense que p1 était surévalué), le syndicat 2 sera prudent. Il faudra que ses croyances initiales soient très optimistes pour prendre le risque d’un conflit alors que l’enjeu est peu important. L’influence d’une erreur d’estimation de la croyance du syndicat 1 est encore renforcée par cette conclusion. On voit ici combien un biais d’estimation peut peser sur les décisions prises par le syndicat 2.