Si nous incorporons l’hypothèse de différenciation syndicale dans un schéma de négociation à horizon infini type Hart (1989), nous retrouvons les conclusions de Kuhn & Gu (1999) quant au résultat de la première négociation.
Si p1<b1, alors le syndicat n’a rien appris. Il ne révisera pas sa croyance initiale. La différenciation des croyances et celle du rapport de profit impliquent que les durées de grève subies, la séquence des propositions, les durées maximum de négociation ainsi que les salaires espérés seront différents selon la négociation.
Si p1>b1, alors le syndicat 2 va réviser sa croyance initiale.
S’il y a eu grève dans la première négociation, la croyance révisée du syndicat 2 est p2r=(1-α)p2. Il faut que le syndicat 2 soit dans ce cas très optimiste pour que sa proposition soit séparatrice. Puisque p2r=(1-α)p2<p2, la diffusion de l’information va diminuer, la durée de grève sera alors réduite en comparaison avec la situation de négociation isolée. La durée de négociation subira le même effet et les propositions de salaires seront diminuées. On ne retrouve pas ici les prédictions de Dunlop sur la règle du « toujours plus ». La croyance du syndicat 1 n’étant pas un déterminant de la croyance révisée du syndicat 2, il n’y a pas, dans ce cas, d’erreur possible due à une mauvaise estimation de p1. La différenciation des syndicats n’a pas d’effet sur la diffusion de l’information dans le cas où il y a eu grève lors de la première négociation.
Dans cette situation, une mauvaise estimation par le syndicat 2 de la croyance du syndicat 1 a alors des conséquences. Si le syndicat 2 est optimiste et surestime p1, toutes les valeurs calculées par le modèle augmentent par rapport à une situation sans diffusion de l’information, mais moins que si la croyance du syndicat 1 avait été correctement estimée. En effet, il apparaît que la croyance révisée du syndicat 2 est une fonction décroissante de la probabilité estimée du syndicat 1. Le biais d’estimation a atténué l’effet de « leapfrogging ».
Différentes propositions testables émergent de nos résultats :
Table 2 :La grève a-t-elle été le conflit le plus marquant ?
La durée d’un conflit doit être une fonction décroissante du nombre de conflits qui sont apparus dans les négociations précédentes et de la durée moyenne de grève dans les conflits précédents.
Plus le degré de corrélation entre les firmes est grand (appartenance au même secteur ou à la même région, liens de sous-traitance), plus ces effets doivent être renforcés.
La durée d’un conflit doit être une fonction croissante du nombre de négociations précédentes n’ayant pas abouti à une grève et de leur durée moyenne, mais cet effet doit être atténué si les syndicats négociant ne sont pas identiques.
L’identité du syndicat négociateur dans les négociations précédentes, si elles ont donné lieu à un conflit, ne doit pas jouer sur les résultats de la négociation qui a suivi.
Cette extension du modèle de Kuhn & Gu (1999) permet d’apporter plus de réalisme à la modélisation de la négociation en considérant que les syndicats peuvent appartenir à des organisations syndicales. Ainsi, nous considérons des cas où la diffusion de l’information n’est pas parfaite ; quand les syndicats appartiennent à des organisations syndicales différentes, le deuxième syndicat ne dispose que d’une évaluation de la croyance du premier syndicat.
Cette étude confirme les conclusions de Kuhn & Gu (1999), quant à la portée limitée du phénomène de « leapfrogging ». On constate même qu’une estimation optimiste de la croyance du syndicat 1, lorsqu’il n’y a pas eu grève dans la première entreprise conduit le syndicat 2 à modérer sa demande. Ce fait revient à amoindrir d’autant la portée de la règle du « toujours plus ».
Nous gardons ici les estimations faites sur le taux d’intérêt annuel (10%) et sur la longueur d’une période (1 jour), et les approximations de calcul faites précédemment.