5. Conclusion

Le modèle de Kuhn & Gu (1999) permet de sortir du cadre strict de la négociation intra-firmes. Il montre comment l’observation des négociations antérieures offre la possibilité au syndicat de réduire l’asymétrie d’information dont il souffre. Les informations qu’il collecte par ce biais l’autorisent à mieux évaluer sa demande et permettent de diminuer le risque de grève. En cas de diffusion de l’information, l’utilité des agents augmente. Kuhn & Gu (1999) montrent que la diffusion de l’information n’a, en général, pas les effets pervers attendus par Dunlop : la règle du « toujours plus » ne s’applique que dans des situations limitées.

Pourtant, ce modèle ne tient que s’il y a unicité syndicale, c’est-à-dire lorsque les syndicats de différentes firmes partagent ou peuvent partager les mêmes croyances. Cette hypothèse ne semble pas réaliste dans le cas français où plusieurs syndicats se font concurrence.

Pour plus de réalisme, nous avons étendu le modèle de Kuhn & Gu (1999) au cas où les syndicats ne partagent pas la même croyance. Dès lors, si les syndicats sont distincts, le deuxième syndicat ne dispose que d’une croyance sur la croyance du premier syndicat. Dans le cas du pluralisme syndical, nous retrouvons les conclusions de Kuhn & Gu (1999). L’observation des négociations antérieures permet, dans le cas où il y a eu grève dans la première négociation, d’améliorer simultanément les gains des second négociants et de diminue leur risque de conflit. Il est possible de montrer que l’effet du « toujours plus » est encore plus limité en présence de pluralisme syndical. En effet, dans le cas où le deuxième syndicat a une idée très optimiste de la croyance du premier syndicat, l’effet de leapfrogging est alors atténué.

Force est de constater que ces résultats économétriques nous font douter de la validité de notre modèle théorique ainsi que de celle de Kuhn & Gu (1999) appliqués au cas français. Si les effets d’apprentissage restent indéniables, leur influence n’est pas univoque.

Toutefois, l’influence de la corrélation entre entreprises et de la personnalité du négociant syndical sont certaines.

Les estimations économétriques n’apportent pourtant pas plus de crédit à la règle du « toujours plus ».

L’hypothèse d’une erreur de mesure dans la variable syndicat liée à la difficulté de cerner la personnalité du négociant dans les négociations en France doit être envisagée. C’est pour cette raison que nous avons développé un protocole expérimental. Il nous sera alors possible de créer des situations où les syndicats sont différents. Ainsi nous pourrons distinguer ce qui relève de l’erreur de mesure de la non validité du modèle théorique.

Par ailleurs, à l’instar de Kuhn & Gu (1999) nous avons retenu l’hypothèse simplificatrice d’un processus séquentiel de négociation au sein de l’entreprise, et on peut se demander si, dans le cas français, ce type de modélisation est adapté.