4.1 Comportement attendu dans la première négociation

On s’attend donc à ce que le premier syndicat suppose que la somme à partager est toujours de 100. Il fait une demande séparatrice et revendique un salaire élevé de 100-ε. Si la conjoncture est bonne, l’employeur accepte la demande du syndicat, préférant gagner εplutôt que 0. Si la conjoncture est mauvaise, l’employeur refuse la demande du syndicat et les gains des sujets sont nuls. La probabilité de grève dans l’entreprise 1 est de 0.3. L’espérance d’utilité du syndicat est de 70, et l’espérance de profit est alors de 0.

La prise en compte des travaux de recherche sur l’UBG permet d’ores et déjà de remettre en cause ces résultats. En effet, toutes les expérimentations en UBG montrent que les agents ne sont pas seulement motivés par l’égoïsme : les partages observés dévient de l’équilibre dans le sens d’une répartition plus égalitaire des gains entre les sujets, et les rares partages conformes à l’équilibre parfait sont systématiquement rejetés. Güth, Schmittberger et Schwarze ont établi dès 1982 que les demandes des proposants sont en moyenne égales à 69% de la somme à partager, et que peu de proposants (13%) annoncent des partages qu’ils n’accepteraient pas eux-mêmes. Les agents seraient animés par des considérations de bienveillance (fairness) envers les autres sujets, respectant ainsi la devise Kantienne : « Traites les autres comme tu souhaiterais être traité toi-même ». Le partage n’est cependant pas égalitaire puisque le proposant exploite en général le bénéfice de jouer en premier. Roth (1995) montre que les répondants dans un UBG n’acceptent pas des offres en dessous de 40% en moyenne. Camerer & Thaler (1995) ont établi que ces régularités expérimentales ne peuvent être imputées à une mauvaise compréhension des règles du jeu : la déviation de l’équilibre est due à des comportements volontaires des sujets, la connaissance de la solution d’équilibre du jeu ne veut pas dire que les participants s’y conforment.

Ainsi, on s’attend à ce que le syndicat qui négocie en premier suppose que la somme à partager est de 100 et à ce que ses demandes soient comprises entre 50 et 70. Ces demandes peuvent être considérées comme séparatrices au sens où un employeur faisant face à une mauvaise conjoncture ne peut les accepter, alors que cet employeur les accepterait s’il connaissait un bon état de la nature.

Quel que soit le traitement retenu, le comportement du premier couple de négociateurs doit répondre à ces règles.