2. L’importance de la prise en compte de l’option d’attente

2.1 L’alternative négociation - grève

Cramton & Tracy (1992) modélisent l’option d’attente comme une menace alternative à la grève. Au moment où le contrat arrive à expiration, les salariés ont deux possibilités durant la phase de négociation : soit déclencher une grève, soit continuer à travailler sous les termes de l’ancien contrat. La menace choisie (grève ou option d’attente) s’appliquera jusqu’à ce qu’un accord soit conclu.

Le modèle met en relation deux joueurs : un syndicat et un employeur négocient le salaire versé au syndicat pendant le nouveau contrat d’une durée T. Le salaire de réservation du syndicat, défini comme le salaire que reçoivent les employés pendant la grève23, est connu de tous. V représente la valorisation du travail par l’entreprise pendant toute la durée T du nouveau contrat. La distribution F et la densité f de cette valorisation sur l’intervalle [l,h] sont, elles aussi, de connaissance commune, alors que la réalisation de V est connue de l’employeur uniquement.

Le jeu commence par la détermination de la menace qui sera exercée par le syndicat durant toute la négociation : message URL form184.gif. Le jeu consiste à fixer trois paramètres message URL form185.gif: la date à laquelle le nouveau contrat sera signé, le salaire négocié, ainsi que la menace exercée par le syndicat.
A chaque menace est associé le paiement x ϑ pour le syndicat et message URL form186.gif pour l’employeur avec aϑ ∈[0,1] et bϑ≥0. Le terme (1-aϑ) représente le coût du conflit qui mesure le manque à gagner par rapport à l’optimum de Pareto subi par les joueurs quand ils recourent à la menace ϑ.

Les paiements des joueurs lorsque le syndicat a choisi l’option d’attente sont donnés par le couple (w 0 ,a H V-w 0) où w 0 est le salaire versé pendant l’ancien contrat, et où il est supposé que b H =x H =w 0 car l’option d’attente n’engendre pas de coût spécifique direct pour l’employeur. On suppose néanmoins que a H <1 : l’option d’attente engendre un coût d’opportunité pour l’employeur (qui réduit le paiement qu’il reçoit pendant la négociation) liés à des problèmes d’efficience. En effet, en se conformant strictement aux termes de l’ancien contrat, les salariés ne sont pas incités à coopérer et à fournir un effort supérieur à la norme établie (grève du zèle). De plus, les clients peuvent être réticents à l’idée de négocier avec une entreprise en option d’attente.

Les paiements totaux sont calculés comme une combinaison du paiement pendant la négociation et du paiement après l’accord.

Le paiement total du syndicat est message URL form187.gif et celui de l’employeur est message URL form188.gif la durée escomptée (au taux r>0 commun aux joueurs) de conflit si un accord est trouvé en t. Les agents sont supposés être neutres face au risque.

Tout au long de la négociation, les joueurs font des offres et des contre-offres alternées, avec t0 le délai minimum entre chaque proposition. Le syndicat fait la première proposition. Le jeu proposé par Cramton & Tracy (1992) est donc un jeu séquentiel de signal, tel que nous l’avons défini dans le chapitre préliminaire.

Cramton & Tracy (1992) montrent que la menace de grève est choisie si les coûts associés à la mise en oeuvre de la menace de grève (qui sont plus élevés que ceux associés à l’option d’attente) sont compensés par l’établissement d’un salaire plus élevé après une grève. Ainsi, si le salaire versé pendant le précédent contrat est suffisamment bas (en dessous d’un niveau message URL wtilde.gif qui dépend du taux d’escompte de la durée du contrat négocié et de la fonction de distribution de la valorisation du travail par l’employeur24), le syndicat choisira la grève comme menace alors que, dans le cas contraire, il choisira l’option d’attente.

Notes
23.

Ce salaire peut être le salaire concurrentiel (non-syndical) issu d’un emploi temporaire ou l’allocation versée pendant une période de chômage, ou encore une compensation versée par le syndicat aux grévistes.

24.
message URL formnote8.gif