3.2.2 La résolution du modèle

L’attente ne prend fin que dans les cas A et B dans la matrice.

Lorsque l’employeur est leader et le syndicat follower, l’équilibre de Nash en stratégies pures implique 2 conditions :

D’une part, la stratégie [2] domine la stratégie [1] pour le syndicat, soit :

FS(t)> ;SS(t) et SS(t)> ;LS(t)

D’autre part, la stratégie [1’] domine la stratégie [2’] pour l’employeur, soit :

FE(t)> ;SE(t) et SE(t)> ;LE(t)

Les conditions suivantes doivent alors être respectées :

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Or, ces conditions ne peuvent être remplies simultanément.

Lorsque l’employeur est follower et le syndicat leader, l’équilibre de Nash en stratégies pures implique 2 conditions.

D’une part, la stratégie [1] domine la stratégie [2] pour le syndicat, soit :

FS(t)< ;SS(t) et SS(t)< ;LS(t)

D’autre part, la stratégie [2’] domine la stratégie [1’] pour l’employeur, soit :

FE(t)> ;SE(t) et SE(t)> ;LE(t)

Ceci implique les mêmes conditions que dans le cas A, qui ne peuvent être remplies simultanément.

L’examen des cas possibles d’arrêt de jeu en stratégies pures montre qu’il est impossible d’obtenir un équilibre de Nash en stratégies pures. Il convient donc de rechercher d’éventuels équilibres en stratégies mixtes.

En stratégies mixtes, chaque joueur affecte une distribution de probabilité à ses stratégies: Q(t) pour l’employeur et P(t) pour le syndicat. La recherche des équilibres consiste alors à identifier le couple de densité de probabilités optimales (p*(t), q*(t)) tel qu’il satisfasse le programme suivant :

pour le syndicat :

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pour l’employeur :

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La modélisation de base adoptée pour modéliser les comportements de négociation de l’employeur et du syndicat est assortie d’un nombre important de paramètres libres. Ceci rend la recherche de solutions analytiques peu aisée et lui confère un caractère peu intelligible. La simulation paraît être une méthode plus adaptée à l’interprétation des résultats d’un tel jeu de négociation.

Cinq paramètres exogènes ont été spécifiés. Compte tenu des hypothèses formulées sur les préférences des joueurs, une asymétrie entre les taux d’actualisation au bénéfice de l’employeur est introduite. En effet, un statu-quo procure un gain positif à l’employeur, alors que le syndicat n’obtient rien en pareil cas. L’employeur ressent donc moins fortement la prolongation de l’attente. Les taux d’actualisation sont fixés respectivement à δE=0.1 pour l’employeur et δE=0.2 pour le syndicat. Il est à noter que les résultats de la simulation apparaissent ultérieurement peu sensibles aux modification de ces paramètres.

Les options de sortie sont également précisées. Par souci de simplification, des valeurs certaines leur ont été affectées. Une asymétrie est introduite au bénéfice du syndicat puisqu’il fait pression sur l’employeur par la grève. L’employeur a beaucoup à perdre si une grève est déclenchée. Même s’il peut avoir recours à une main d’oeuvre de remplacement, la productivité sera moins élevée qu’avec les insiders composant le syndicat. De plus, il y a un risque que ses clients ne lui renouvellent pas leur confiance pendant une grève. Le syndicat a, quant à lui, moins à perdre en déclenchant une grève, puisque le différentiel entre la part de la rente qu’il revendique et celle qu’il détient avant la négociation est maximum. Les salariés peuvent par ailleurs recevoir des indemnités de leur syndicat ou chercher un emploi dans le secteur concurrentiel. Si tel n’était pas le cas, ces gains peuvent être interprétés comme la satisfaction que trouve le syndicat à punir un employeur qui refuse de céder en entrant en grève. Les gains anticipés après un conflit gagné par le syndicat peuvent en outre justifier cette asymétrie dans l’option de sortie. On fixe U S =1 pour l’employeur et UE=5 pour le syndicat.

La forme de la fonction de rente revêt un aspect primordial car elle doit incorporer les hypothèses fondamentales utilisées pour la modélisation de la négociation.

On utilisera ici la fonction de rente retenue pour la modélisation de la grève. Quel que soit le mode de négociation choisi, le syndicat considère qu’un employeur ne lui cédant pas ne veut pas le reconnaître. Le niveau de la rente dépend positivement de la part octroyée au syndicat à l’issue de l’option d’attente (a) par le biais de l’effort qu’il met en oeuvre. La fonction d’effort n’est pas précisée explicitement mais est induite par la forme de la fonction de rente par rapport à a. Celle-ci est croissante jusqu’à un maximum au-delà duquel la valeur de la rente créée n’augmente plus (Rmax). Au total, on a R’a(a,t)>0 et R’aa(a,t)<0.

La structure du jeu de négociation impose également que la taille de gâteau à se partager décroisse à taux croissant au fur et à mesure que la négociation se prolonge dans le temps : R’t(a,t)>0 et R’tt(a,t)<0.

De façon réaliste, il existe cependant un seuil (Rmin) en deçà duquel le syndicat ne peut dégrader la rente, quel que soit la part du gâteau qu’obtient le syndicat et quel que soit le temps passé à négocier.

La forme suivante de la fonction de rente est alors retenue :

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Les paramètres choisis sont les suivants :

Rmax = 50 ; Rmin = 2 ; α = 0.1 ; β = 0.1 ; λ = 0.005 ; μ =0.001

Le graphique suivant représente la sensibilité de la fonction de rente par rapport à ses deux arguments.

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Graphique 1 : la fonction de rente

Des simulations ont été conduites pour toutes les valeurs de a par pas de 0.1.

Les résultats obtenus sont présentés ici sous forme de graphiques.

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Graphique 2 : La distribution de probabilités du syndicat
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Graphique 3 : La densité de probabilité du syndicat

Les schémas ci-dessus représentent respectivement les fonctions de distribution et de densité de la probabilité du syndicat de déclencher une grève (P(t) et p(t)). La courbe la plus à droite des deux graphiques correspond à l’hypothèse de partage de rente la plus défavorable au syndicat (a=0.1). Toute courbe située plus à gauche correspond à une hypothèse de partage qui lui est plus favorable.

Le syndicat décide, quelle que soit sa demande de partage, de déclencher la grève avant que 90% du temps de jeu ne soit écoulé. En outre, sa probabilité de grève est croissante avec la durée de l’attente.

En général (∀a<0.8), la probabilité pour que le syndicat entre en grève avant que la moitié du temps total ne soit écoulée est très basse, puisqu’elle ne représente que 20% de chance. Plus la revendication du syndicat est faible, plus il sera patient. Après une période d’attente, tout se passe comme si le syndicat devenait impatient, sa probabilité de grève subit une forte accélération. Ce seuil de “ tolérance” apparaît d’autant plus rapidement que la revendication du syndicat est élevée.

Pour a>0.8, la probabilité de déclencher la grève est beaucoup plus élevée et l’accélération se produit dès le début du jeu. Dans ce cas, il n’y a pas d’option d’attente avant le déclenchement d’une grève. Le syndicat choisira d’être leader (p>0.5) avant que la moitié du temps total de jeu ne soit écoulée. Les simulations mettent en avant, dans ce cas encore, l’importance de l’enjeu de la négociation. Le fort coût d’opportunité lié à la phase de statu-quo incite le syndicat à entrer en grève. En effet, il diminue sa croyance dans la possibilité de trouver un accord pendant la phase d’attente. Le syndicat préférera alors faire pression sur l’employeur via la grève, plus coûteuse pour ce dernier, plutôt que de voir l’option d’attente perdurer et la négociation s’enliser.

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Graphique 4 : La distribution de probabilités de l’employeur
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Graphique 5 : La densité de probabilités de l’employeur

Les schémas ci-dessus représentent respectivement la fonction de distribution et la fonction de densité de la probabilité de l’employeur d’accepter la demande de partage du syndicat (Q(t) et q<(t)). La courbe la plus à gauche correspond à l’hypothèse de partage de rente la plus favorable à l’employeur. Toute courbe située plus à droite relève d’un coefficient de partage plus favorable au syndicat.

En général (a>0.1), l’employeur décide de mettre fin à l’attente avant que 90% du temps de jeu total ne se soit écoulé. Jusqu’à 70% du temps total, la probabilité pour que l’employeur accepte la demande du syndicat est très faible (<20%). L’employeur retarde l’accord, profitant au maximum d’un partage de profit en sa faveur, puisque dans le partage initial de rente, la part du syndicat est supposée nulle. Il faut remarquer que la phase d’attente est suivie d’une très courte période durant laquelle la probabilité d’accord augmente fortement. Entre 70% et 90% du temps total de jeu, l’employeur choisira majoritairement d’être leader et donc de céder aux revendications du syndicat (q(t)>0.5).

Les résultats obtenus avec une demande du syndicat a=0.1 sont fortement atypiques. Le faible enjeu lié à un tel taux de partage incite l’employeur à accepter tout de suite la demande du syndicat. Aussi, la probabilité d’arriver à un accord en tout début de jeu est alors très forte, et augmente très rapidement avec la durée de l’attente. Avant que 20% de temps de jeu ne soit atteint, l’employeur aura choisi avec quasi certitude d’accéder à la demande du syndicat. L’attente est alors de très faible durée et l’accord très vite atteint.

Ces résultats montrent dans leur ensemble que, quelle que soit la demande du syndicat (à l’exception des cas polaires), le statu-quo ou option d’attente apparaît jusqu’à plus de 50% du temps total de jeu mais se termine avec certitude avant la fin du jeu.

Une étude comparée des valeurs des probabilités des deux joueurs de mettre fin à l’option d’attente renseigne sur la conclusion d’une option d’attente : grève ou accord.

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Graphique 6 : Evolution de la probabilité de grève quand a=0.1
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Graphique 7 : Evolution de la probabilité de grève quand a=0.3
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Graphique 8 : Evolution de la probabilité de grève quand a=0.5
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Graphique 9 : Evolution de la probabilité de grève quand a=0.7
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Graphique 10 : Evolution de la probabilité de grève quand a=0.9

Les graphiques ci-dessus montrent que pour les cas polaires de partage de rente (a=0.1 et a=0.9), l’issue de l’attente est clairement déterminée. Pour a=0.1, l’employeur cédera le premier, la revendication du syndicat sera acceptée et les agents trouveront donc un accord. La probabilité de l’employeur de mettre fin à l’option d’attente est, en effet, bien plus élevée que celle du syndicat. Pour a=0.9, la probabilité du syndicat de déclencher une grève est plus élevée que la probabilité de l’employeur de mettre fin à l’option d’attente. Ainsi, il y a de fortes chances qu’une revendication très forte du syndicat débouche sur une grève.

Pour les autres cas, il n’est pas aisé de déterminer comment finira l’option d’attente. En dessous de a=0.5, l’employeur a plus de chances de céder à la revendication du syndicat, alors que dans le cas contraire, la négociation a plus de chance d’aboutir à une grève. Cependant, l’issue de la négociation n’est pas certaine, et à la différence des cas polaires, une grande marge d’erreur de prévision subsiste. Il est toutefois important de souligner que le recours à l’option est confirmé. On remarque ainsi qu’en dehors des deux cas extrêmes, il est peu probable qu’une négociation commence par une grève, ou que les parties arrivent tout de suite à trouver un accord. L’option d’attente peut être dès lors considérée comme une première étape de négociation.