DEUXIEME CHAPITRE
LA SUPPLEANCE FAMILIALE

Paul Durning définit la suppléance familiale comme " ‘l'action auprès d'un mineur visant à assurer les tâches d'éducation et d'élevage habituellement effectuées par les familles, mises en oeuvre partiellement ou totalement hors du milieu familial dans une organisation résidentielle’ " 76 . S'appuyant sur une analyse suggérée par Jacques Derrida, il distingue " ‘la suppléance qui suppose simultanément un manque et un supplément qui ne vient pas combler à l'identique le manque, et la substitution qui réfère à un remplacement du même par le même"’ 77 . La substitution ne s'applique alors que dans la seule situation de l'adoption ; elle consiste à remplacer les parents. La suppléance permet à la famille de garder ou de retrouver sa place, en la sollicitant dans un certain nombre d'actes éducatifs.

Afin de spécifier la fonction de suppléance familiale en internat, Paul Durning 78 propose une typologie en termes de tâches. Il établit celle-ci à partir d'une comparaison entre la représentation courante de l'éducation d'un enfant dans sa famille et les activités mises en place dans un dispositif de suppléance familiale. Sont retenues des tâches "domestiques" (préparation des repas, entretien du linge, ménage,etc), "techniques" (réparation ou aménagement des locaux), "de garde" (surveillance), d'"élevage" (nourrir, habiller, laver, etc), "éducatives" (apprentissages, acquisition de comportements sociaux adaptés, stimulation), de "suivi ou de coordination" (santé, scolarité, etc) et de "référence sociale" (différents choix que l'adulte peut être amené à effectuer). Cette typologie permet de spécifier la fonction de suppléance familiale par rapport à celles qui relèvent, entre autres, des domaines pédagogique, médical, thérapeutique, et qui sont susceptibles d'être également assurées dans le cadre d'un tel dispositif.

Dans les paragraphes suivants, nous exposons d'abord quelques caractères fondant toute action éducative. Puis nous abordons la séparation comme spécificité de la suppléance familiale. Nous envisageons ensuite successivement le cadre juridique de celle-ci, l'accueil résidentiel et l'exercice des droits de l'enfant et de l'autorité parentale dans un tel dispositif. Nous en venons enfin à la nécessité et aux limites d'une relation partenariale entre famille et équipe éducative.

Notes
76.

DURNING, P. (1986). Education et suppléance familiale en internat. Paris : CTNERHI. p. 102.

77.

DURNING, P. (1994). Les séparations thérapeutiques en 1993 ? De l'importance des processus éducatifs en jeu avant, pendant et après le placement. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 42 (8-9). p. 663.

78.

DURNING, P. (1995). Education familiale ; acteurs, processus et enjeux. Paris : PUF. pp. 234 à 237.