2.5.2 L'exercice, par les parents, de leur autorité

L'autorité parentale est définie, selon la loi du 4 juin 1970 152 , comme ‘"l'ensemble des droits et devoirs attribués au père et à la mère sur leur enfant légitime ou naturel jusqu'à sa majorité ou son émancipation pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité’ " 153 . Les droits et devoirs des parents à l'égard de leur enfant sont les suivants :

La mesure d'assistance éducative n'a pas pour objectif d'enlever aux parents leurs droits sur leur enfant, mais vise à assister l'autorité parentale défaillante afin de la restaurer et l'affermir. L'article 375-7 du code civil prévoit que les parents conservent cette autorité et en exercent tous les attributs conciliables avec l'application de la mesure. Mais le placement du mineur fait perdre à ses parents leur droit de garde, dont le magistrat a obligation de réglementer les modalités. Cette situation constitue bien, selon Michel Alaix 154 , magistrat et Thilo A. Firchow 155 , une atteinte au libre exercice de l'autorité parentale.

Un arrêt de la Cour de cassation d'octobre 1998 156 rappelle que le juge ne peut laisser au service ou à l'institution auquel le mineur est confié, le choix des modalités pratiques des relations entre le mineur et ses parents. Les membres de l'équipe éducative n'ont donc aucune compétence pour exercer ce droit.

L'intérêt de l'intervention du juge des enfants est de provoquer obligatoirement un débat entre les différentes parties concernées (adolescent, parents, représentants du lieu d'accueil), et de protéger ainsi la famille d'un risque d'arbitraire de la part des intervenants. Mais, il paraît évident que le juge n'est pas là pour assurer, à longueur d'année, la gestion quotidienne de ces relations. En effet, toute décision concernant cet aspect de l'intervention éducative, doit, par exemple, prendre en compte la qualité de la relation entre l'adolescent et sa famille, ce qui n'est pas possible pour le magistrat. La seule manière légale et réaliste de gérer ce type de décision consiste donc à autoriser les membres de l'équipe éducative et les parents à négocier. Ce n'est qu'en cas de désaccord que le juge intervient. Ainsi, pour toutes les décisions importantes concernant l'évolution de l'adolescent (scolarité ou formation professionnelle, santé,...), l'accord des parents est sollicité par les intervenants. Deux cas se présentent : soit la position des parents va dans le sens de l'intérêt de leur enfant, et leur choix s'impose aux membres de l'équipe éducative ; soit ces derniers estiment que le choix des parents est néfaste pour le mineur, et ils saisissent le juge des enfants qui énonce son avis. Les membres de l'équipe éducative ne possèdent donc qu'un pouvoir d'influence, alors que les parents conservent leur pouvoir de décision, auquel seul le juge peut s'opposer.

Quant aux actes usuels de la vie quotidienne de l'adolescent, le lieu d'accueil les organise selon ses propres règles. Celles-ci, qui constituent des repères pour l'adolescent, méritent d'être portées à la connaissance des parents dans la perspective d'un partenariat éducatif. Il est évident que les règlements des services et institutions sont connus et approuvés, à travers les habilitations, par les services de l'ASE et de la PJJ.

Ainsi, la législation encadrant un dispositif de suppléance familiale en accueil résidentiel offre-t-elle des opportunités d'interactions entre les parents, l'adolescent et l'équipe éducative. Mais bien que les modalités d'accueil d'un adolescent dans une institution donnent fréquemment l'occasion de solliciter les parents, il demeure très rare que des contentieux entre intervenants et parents soient portés devant le juge des enfants. Michel Huyette 157 , magistrat, propose trois hypothèses face à cette carence : soit les avis des parents sont toujours opportuns ou convergent avec ceux des intervenants, soit les négociations parents-intervenants aboutissent toujours, soit les parents ignorent leurs droits. L'auteur, qui n'est pas en mesure de valider une de ces hypothèses, pense que les trois situations se présentent dans la réalité. Cependant, sa longue pratique de juge des enfants lui a permis de remarquer que les intervenants de l'éducation spécialisée ne maîtrisent pas la législation.

La précarité économique fragilise l'autorité parentale : ‘"l'hymne aux responsabilités parentales, écrit Jean-Pierre Rosenczveig, ne palliera jamais la capacité d'une famille de vivre dignement de sa force de travail’ " 158 . Les parents doivent disposer d'un minimum de sécurité et de bien-être social pour exercer pleinement leur responsabilité éducative 159 . Les membres de l'équipe éducative ne peuvent que prendre en compte la situation dans laquelle évolue chaque personne concernée pour envisager l'organisation de certains aspects du dispositif de suppléance familiale. Il en est ainsi pour la participation des parents aux frais de transport, lors des retours en famille de leur enfant.

Notes
152.

Article 371-2 du Code Civil, Loi n° 70-459 du 4 juin 1970 : "L'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé, sa moralité. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation".

153.

BALLAND, V. et al. (1999). L'autorité parentale. ASH, hors série, juil. p. 5.

154.

ALAIX, M. (1990). Sur la déontologie du travail social. Informations sociales, jan-fév, n° 1. p. 25.

155.

FIRCHOW, T-A. (1993). Retrait familial et placement de l'enfant. In VAILLANT, M. et al. (sous la responsabilité de). L'hébergement éducatif. Vaucresson : CNFE de la PJJ. p. 135.

156.

Journal officiel de la République Française. (1998). Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation n° 8 Chambres Civiles, Sept-Oct. Arrêt du 13/10/98 de la 1ère Chambre Civile. n° 297."S'il a été nécessaire de placer l'enfant hors de chez ses parents, ceux-ci conservent un droit de visite dont le juge doit fixer les modalités. Dès lors, méconnaît l'étendue de ses pouvoirs, le juge qui confie un mineur à un service départemental des affaires sociales et accorde aux parents des droits de visite, sortie et hébergement, dont les modalités seront gérées par le service". p. 206.

157.

HUYETTE, M. (1997). Guide de la protection judiciaire de l'enfant. Paris : Dunod. p. 356.

158.

ROSENCZVEIG, J-P. (1998). Délinquance des jeunes. Une sortie (heureuse) d'hibernation pour rendre justice aux jeunes. Journal du droit des jeunes, n° 175, mai. p. 6.

159.

DUQUESNE, C. (1998). Quand le social expulsé par la porte revient par la fenêtre. Journal du droit des jeunes, n° 178. p. 17.