2.6.2 Les limites de ce partenariat

Le maintien des liens entre l'enfant et ses parents biologiques est au coeur des rapports officiels et des interrogations sur le terrain. J-P. Assailly, dans une optique de psychologie du développement, a réalisé une étude épidémiologique auprès d'"enfants placés à l'Aide Sociale à l'Enfance" 197 . Il a constaté que, si des contacts réguliers et l'absence totale de contacts entre l'enfant et ses parents sont associés à des caractéristiques positives du développement de l'enfant, des contacts irréguliers et l'évolution vers une absence de contacts sont corrélés à des caractéristiques négatives, notamment en ce qui concerne l'antisocialité. Ces résultats permettent de conclure que le concept de conservation des liens est hétérogène et très relatif.

Il existe des situations dans lesquelles les parents ne se manifestent pas, malgré les sollicitations répétées de l'équipe, et des situations dans lesquelles ils agissent dans un sens systématiquement opposé à l'intérêt de l'adolescent. Mais seul le juge peut décider de modifier les conditions d'exercice de l'autorité parentale. Le processus de substitution, conséquent à une telle modification, a alors toute sa raison d'être en attendant une éventuelle occasion d'envisager une reprise de partenariat entre parents et équipe éducative. Si le retour en milieu naturel est impossible, la mission " ‘conserve un sens si l'invalidation est explicitée et comprise par la famille. (...) Même si la rupture avec son histoire doit être consacrée et qu'un travail de deuil est à l'ordre du jour, le développement harmonieux de l'enfant supposera que le placement ait respecté ce "cheminement" qui va de la compréhension précise des motifs de l'invalidation parentale à l'acceptation de l'imposibilité de la revalidation compte-tenu de la persistance des carences’ " 198 .

Les situations où les liens avec la famille d'origine ne peuvent être maintenus ou celles dans lesquelles une évolution positive des dysfonctionnements familiaux s'avère inenvisageable, constituent un critère d'orientation vers une famille d'accueil. En effet, il est alors légitime de penser que la mesure d'aide sera de longue durée.

Ainsi, la mise en place d'un dispositif de suppléance familiale en accueil résidentiel constitue l'opportunité, pour un adolescent en situation de difficulté, de prendre de la distance par rapport à ses proches. En favorisant une réflexion sur cette séparation, en proposant un cadre susceptible de permettre l'acquisition de nouvelles compétences, en prenant en compte les autres membres de la famille par une relation partenariale avec eux, l'équipe éducative évite non seulement une rupture entre l'adolescent et sa famille, mais contribue à l'amélioration de leur relation et vise un retour du premier dans son milieu de vie habituel.

Dans le chapitre suivant, nous abordons la notion de pouvoir d'agir susceptible d'enrichir celle de suppléance familiale.

Notes
197.

ASSAILLY, J-P. (1989). op. cit. p. 59.

198.

FIRCHOW, T-A. (1993). op. cit. pp. 138-139.