2.1 LE PROTOCOLE DE PARTICIPATION

Avant de présenter le protocole de participation établi avec les différentes institutions coopérant à cette recherche, exposons l'organisation savoyarde des dispositifs de suppléance familiale.

En Savoie, parmi les différents services départementaux ayant pour mission d'assurer la prévention et la protection de l'enfance, ce sont les équipes de la "Mission enfance, jeunesse, famille" (EJF) qui assurent la fonction de référent de l'ASE auprès des lieux d'accueil résidentiel. Le département est découpé en sept territoires 446 . Dans chacun d'entre eux, chaque éducateur spécialisé ou assistant social assure de trente cinq à quarante références. Seize institutions constituent le dispositif de suppléance familiale en accueil résidentiel. Hormis le foyer départemental de l'enfance, toutes les institutions sont gérées par des associations. Deux d'entre elles, l'association "Belle Etoile" et "l'Association Départementale Savoyarde pour la Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence" (ADSSEA) disposent chacune du tiers des places de ce dispositif. Plus du tiers des adolescents accueillis dans les institutions gérées par la "Belle Etoile" sont originaires de départements hors région. Le service départemental de Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) ne gère aucun établissement. Trois lieux de vie ou structures d'accueil non traditionnelles, d'une capacité totale d'accueil de 16 places, sont implantés en Savoie. Un service social spécialisé et un service de prévention spécialisée, tous deux gérés par l'ADSSEA, complètent cette organisation départementale. Les deux tableaux suivants indiquent les maisons d'enfants à caractère social (MECS) constituant ce dispositif.

Association Structure Habilitation Age Places
Association "Belle Etoile" Centre Technique Educatif - Ordonnance du 2.2.45
- Art 375 du Code Civil & agrément conseil général
- Décret du 18.2.75 & A.P.J.M.

de 14 à 21 ans
80
mixte
Association "Belle Etoile" Centre technique hôtelier id. de 14 à 21 ans 55
mixte
Association "Belle Etoile" Centre Scolaire Educatif id. de 12 à 16 ans 48
mixte
Association "Belle Etoile" Foyer d'Accueil d'Urgence id. de 13 à 21 ans 11
garçons
Association "Le Gai Logis" La Maison du Chaudan id. de 3 à 21 ans 64
mixte
Association Départemen-tale Savoyarde pour la Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence


L'Etape



id.


de 14 à 21 ans



65
garçons

id.
La Cordée (Accueil éducatif avec hébergement)
id.
de 13 à 21 ans
35
filles
Association Structure Habilitation Age Places
Association Départemen-tale Savoyarde pour la Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence

La Cordée, Interlude (service d'accueil d'urgence)


- Ordonnance du 2.2.45
- Art 375 du Code Civil & agrément conseil général
- Décret du 18.2.75 & A.P.J.M.



de 13 à 21 ans



17
mixte

id.

Espace 18

id.
de 12 à 21 ans
40
mixte

id.

Delta

id.
de 14 à 21 ans
45
mixte
Association "Le Gai Logis" L'Accueil à Bourg Saint Maurice - Art 375 du Code Civil & agrément conseil général
- Décret du 18.2.75 & A.P.J.M.
de 3 à 21 ans 45
mixte
Association "La Maison Familiale"
La Providence

id.
de 3 à 21 ans
60
mixte
Fondation du "Bocage" Maison d'Enfants à Caractère Social id. de 3 à 21 ans 55
mixte
Association "Le Relais Familial" Maison d'Enfants à Caractère Social - Agrément conseil général & APJM de 5 à 21 ans
35
mixte
Association du "Val de Crène" Maison d'Enfants à Caractère Social id. de 5 à 21 ans 36
mixte
Géré par le département Foyer départemental de l'enfance   de O à 16 ans 10
mixte
        soit un total de 691

Au cours du quatrième trimestre 1998, 359 jeunes étaient placés en Savoie. Tous ne sont pas originaires de ce département.

Age 0 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans 18 à 21 ans Total
nombre de jeunes placés 138
(65 filles et 73 garçons)
104
(36 filles et 68 garçons)
86
(41 filles et 45 garçons)
31
(13 filles et 18 garçons)
359
(155 filles et 204 garçons)
Pourcen-tage 38 % 29 % 24 % 9 % 100 %
(filles 43% et garçons 57%)

Nous avons fait le choix de nous appuyer sur plusieurs établissements pour effectuer notre recueil de données, pensant inenvisageable de nous adresser à une seule équipe éducative. En effet, nous ne serions vraisemblablement pas parvenu, en ce cas, à convaincre cinq adolescents et leurs éducateurs référents de participer à notre recherche.

Mi-juin 1997, nous avons contacté les directeurs respectifs de quatre institutions et, en octobre ou novembre, leur avons présenté notre projet. Pour sélectionner ces institutions dans l'ensemble du dispositif de protection de l'enfance savoyard, nous avions retenu les critères suivants : aucun plan de restructuration ou de révision du projet éducatif en cours ou prévu dans les mois à venir, un accès facilité depuis Chambéry, et la possibilité de faire participer des filles et des garçons d'âges différents.

Après avoir obtenu l'accord des directeurs, nous avons rencontré, lors d'une des réunions hebdomadaires tenues dans chaque institution, les membres des équipes éducatives pour présenter les grandes lignes de notre travail et nos attentes. Puis, trois ou quatre semaines plus tard, nous avons revu les personnes intéressées, pour préciser les modalités de leur participation. Nous leur avons délégué le choix des adolescents susceptibles de s'engager dans les entretiens. D'une institution à une autre, nous avons cherché, comme prévu, à obtenir la participation d'adolescents d'âges différents. A l'issue de l'échange entre éducateurs et adolescents, nous avons rencontré les seconds, pour leur signifier que chacun d'entre eux pouvait, à tout moment, mettre fin à sa participation, sans avoir à s'en justifier. Lors de notre prise de contact, une adolescente a d'ailleurs changé d'avis lorsque l'éventualité d'un entretien avec ses parents a été évoquée. Nous sommes également convenu avec chaque adolescent qu'un changement de groupe à l'intérieur de l'institution ou qu'un accueil dans un autre établissement, en cours d'année, ne signerait pas la fin de sa participation. Dans l'une des quatre institutions contactées, aucun adolescent n'a désiré s'engager. Nous n'avions préalablement eu aucun contact avec deux des établissements impliqués. Quant au troisième, la Cordée, nous en sommes salarié, mais exerçons notre activité professionnelle dans un service indépendant de l'accueil éducatif avec hébergement où sont accueillies les deux adolescentes ayant accepté de participer aux entretiens.

A ce stade du protocole, nous n'avons pas contacté les parents des adolescents volontaires, laissant le soin aux éducateurs de les informer : tenant à perturber au minimum l'action éducative en cours, nous pensions alors qu'ils étaient les mieux placés pour juger de l'opportunité de telle ou telle participation parentale. Nous abandonnerons cette stratégie en cours de recueil. Nous n'avons pas non plus consulté de dossier concernant les adolescents avant d'entreprendre les entretiens ou au cours du recueil. Les participants nous ont fait part des informations qu'ils estimaient utiles de porter à notre connaissance.

Nous nous sommes engagé, auprès de chaque personne participant à ce recueil, ainsi qu'auprès des autres intervenants intéressés, à une restitution des résultats, selon les recommandations de Paul Durning 447 . Nous avons d'emblée affirmer qu'il ne s'agissait aucunement de comparer les différentes institutions mais de s'appuyer sur plusieurs contextes pour tenter de repérer des invariants. Il est évident, par ailleurs, que les informations recueillies concernent l'institution à un moment donné de son histoire 448 .

A partir de ces trois établissements différents, nous avons constitué cinq sites de recueil de données. Un adolescent et son ou ses éducateurs référents composent le noyau de chacun de ces sites, d'autres personnes pouvant, en effet, en faire partie. Ces sites, dont trois concernent des garçons, les deux autres, des filles, n'ont pas été retenus en fonction de critères représentatifs de la situation savoyarde.

Il fut convenu, avec les référents des adolescents, que nous nous adresserions à eux pour éventuellement contacter les parents. A l'issue des deux premières séries d'entretiens portant sur l'organisation des vacances de Pâques 1998 et de celles d'été de la même année, nous avons perçu les inconvénients inhérents à cet engagement initial. D'une part, nous ne possédions pas la maîtrise de l'organisation du recueil, d'autre part, nous risquions de mettre les référents en difficulté en leur demandant de juger de l'opportunité de rencontrer les parents et d'effectuer une tâche susceptible d'alourdir leur intervention. Après négociation avec les équipes éducatives, nous avons donc décidé de nous adresser nous-même aux parents que nous estimions utile de rencontrer. A partir de ce moment, nous sommes directement entré en relation épistolaire avec eux.

Cette modification de protocole a coïncidé avec notre prise de conscience de la confusion que nous vivions entre notre statut de chercheur et celui d'éducateur. Au départ, nous raisonnions en éducateur qui n'apprécie pas que l'on perturbe ses plans et qui s'appuie sur ses collègues pour réaliser une tâche liée à leur pouvoir : juger de l'intérêt et de la possibilité d'une rencontre. Nous avons désormais augmenté la distance entre l'objet de cette recherche et notre activité professionnelle. Cependant, nous n'avons pas eu, après cette modification, davantage de contacts avec les parents.

C'est en nous appuyant sur trois des institutions citées plus haut que nous avons organisé notre recueil de données.

Notes
446.

Les Sept territoires sont : Moustiers, Albertville, Saint Jean de Maurienne, Aix-les-Bains, Avant Pays savoyard, Couronne chambérienne et Chambéry.

447.

DURNING, P. (1984). La restitution aux équipes de résultats de recherches les concernant. Note méthodologique. Handicaps et inadaptations. Les cahiers du C.T.N.E.R.H.I., n° 28.

448.

DURNING, P. (1987). Entre l'expérimentation en extériorité et l'intervention institutionnelle : la recherche clinique de terrain. Connexions, n° 49. p. 116.