2.2 LE CAS D'ELSA, ACCUEILLIE A LA CORDEE

De façon générale, l'organisation des vacances de Pâques 1998 a été imposée aux parents et à leur fille, par les membres de l'équipe éducative, contrairement aux congés suivants. En outre, si les deux parents ont exercé leur pouvoir de décision pour l'organisation de l'été, la mère n'a pas rempli cette tâche pour les vacances de Noël 1998 et de Pâques 1999. Début décembre 1998, le juge des enfants a reconduit l'ordonnance de placement jusqu'à la majorité d'Elsa, en mai 1999, tout en fixant son hébergement chez le père. A cette même époque et durant les mois suivants, la mère a connu d'importantes difficultés qui l'ont empêchée de rencontrer sa fille pendant plusieurs semaines. Ainsi, seul le père a exercé son pouvoir de décision pour l'organisation de ces deux périodes de vacances. Quant à Elsa, elle a fortement contribué à l'organisation de ces périodes.

Le tableau suivant, regroupant les résultats du sixième traitement des quatre organisations de vacances 459 , indique ce qu'il en est de l'exercice d'un pouvoir d'agir, par Elsa, ses parents et les membres de l'équipe éducative.

  Pâques 98 Eté 98 Noël 98 Pâques 99


Adoles-cente : exercice d'un pouvoir de persua-sion basé sur l'argumen-tation
- sur l'ensemble de l'organisation :

NON
(participation obligatoire au camp et proposition d'organisation de son séjour en famille refusée)

- sur un aspect de l'organisation :

OUI
(à propos du retour en famille après le camp)
- sur l'ensemble de l'organisation :

OUI
(proposition d'organisation globalement acceptée)



- sur un aspect de l'organisation :
- sur l'ensemble de l'organisation :

OUI
(proposition d'organisation acceptée)




- sur un aspect de l'organisation :
- sur l'ensemble de l'organisation :

OUI
(proposition d'organisation acceptée)




- sur un aspect de l'organisation :



Parents : exercice d'un pouvoir de décision basé sur l'argumen-tation
- sur l'ensemble de l'organisation :

NON


- sur un aspect de l'organisation :

OUI
(l'ordre des séjours chez l'un et chez l'autre)
- sur l'ensemble de l'organisation :

OUI


- sur un aspect de l'organisation :
- sur l'ensemble de l'organisation :

- le père : OUI
- la mère : NON

- sur un aspect de l'organisation :

- la mère : OUI
(accord sur le partage de Noël)
- sur l'ensemble de l'organisation :

- le père : OUI
- la mère : NON

- sur un aspect de l'organisation :

- la mère : NON





Membres de l'équipe éducative : mise en oeuvre des condi-tions favora-bles
- au niveau de l'adolescente :

OUI
(participation à l'élaboration)

- au niveau des parents :

NON
(participation à l'élaboration mais choix imposé)

- au niveau de l'adolescente :

OUI
(participation à l'élaboration)

- au niveau des parents :

OUI
(participation à l'élaboration)

- au niveau de l'adolescente :

OUI
(participation à l'élaboration)

- au niveau du père :

OUI
(participation à l'élaboration)

- au niveau de la mère :

NON
(pas de sollicitation pour participer à l'élaboration)
- au niveau de l'adolescente :

OUI
(participation à l'élaboration)

- au niveau du père :

OUI
(participation à l'élaboration)

- au niveau de la mère :

NON
(pas de sollicitation pour participer à l'élaboration)

Elsa, ses parents et les membres de l'équipe éducative ont-ils développé un pouvoir d'agir ?

Elsa a exercé un véritable pouvoir de persuasion lors de l'organisation de ses vacances de Pâques 1998 : elle est parvenue à faire changer d'avis l'éducateur, chargé d'assurer son retour de camp. En effet, celui-ci ne voulait pas l'accompagner en début de journée chez sa mère ; il préférait la conduire directement chez son père en soirée. L'adolescente a mis en avant le propre intérêt de l'éducateur, en particulier un retour plus rapide chez lui, afin qu'il modifie sa décision. Elsa a également convaincu son père de la laisser passer le Nouvel An avec des amis.

L'adolescente s'est toujours montrée capable de profiter des instances mises à sa diposition. Elle s'est présentée à tous les entretiens avec ses référents, de même qu'aux réunions auxquelles elle était invitée. Elle est parvenue, en dehors de ces temps, à modifier avec les éducateurs les modalités insatisfaisantes. Elle a également demandé à ses référents de l'épauler dans sa réflexion portant sur des questions délicates, comme l'organisation de la soirée de Noël en famille ou la conduite à tenir après les retrouvailles avec ses grands-parents, au cours des vacances de Pâques 1999. Elle a su s'appuyer sur la logistique de la Cordée pour travailler au cours de l'été. Lors des vacances de Pâques 1998, elle a contribué à "brouiller les pistes" pour provoquer la modification du planning imposé par l'équipe éducative. Elsa a manifestement développé un pouvoir de persuasion basé sur l'argumentation.

Les parents, eux, ont tenu leur place dans la prise des décisions portant sur l'organisation des deux premières périodes de vacances, mais il n'en a pas été de même pour les deux suivantes, la mère se retirant alors du jeu.

Ils n'ont pas exercé de pouvoir de décision lors de l'organisation des vacances de Pâques 1998, qui leur a été imposée par l'équipe éducative. Néanmoins, le planning arrêté n'a pas été respecté : Elsa a bien participé au camp de groupe, mais n'a pas séjourné chez son père aux dates prévues, préférant rester chez sa mère. Les parents ont invoqué l'emploi du temps professionnel du père pour justifier leur conduite.

L'organisation des vacances d'été a permis aux parents d'exercer un pouvoir de décision : leurs propositions ont été retenues, les choix mis en oeuvre et une évaluation réalisée à la rentrée.

En revanche, la mère n'a que ponctuellement participé à l'élaboration des choix concernant les vacances de Noël. Dans une situation personnelle difficile, elle n'a pas trouvé les ressources pour prendre part aux négociations familiales. Elle n'a été consultée par sa fille qu'à propos de la soirée de Noël. Le père a donc déterminé seul les choix à cette occasion, de même que pour les vacances de Pâques 1999.

Ainsi, au cours de cette année, le père a exercé à trois reprises un pouvoir de décision portant sur l'ensemble de l'organisation. A contrario, la mère n'en a fait de même qu'une seule fois. Si le père a développé un pouvoir d'agir au cours des décisions étudiées, il n'en a pas été de même pour la mère.

Les membres de l'équipe de la Cordée et l'assistante sociale exerçant la mesure d'AEMO ont outrepassé leurs droits à l'occasion de l'organisation des vacances de Pâques 1998, en imposant un planning à la famille. Ce choix fut arrêté en réunion de "bilan clinique", l'équipe éducative estimant important de différencier nettement les séjours d'Elsa chez ses parents, en cours de séparation. Sans porter de jugement sur la validité de ce motif, on peut s'interroger sur l'argumentation avancée par les référents pour expliciter leur point de vue, qui n'a aucunement été pris en compte par l'adolescente et ses parents. Le juge, qui était seul en mesure de trancher le différend, n'a pas été informé de la situation.

L'équipe éducative n'a pas reproduit un tel abus de pouvoir, lors de l'organisation des autres vacances. Dès le mois de janvier, elle a épaulé Elsa dans la recherche d'une activité pour l'été. Elle a mis à profit les entretiens hebdomadaires pour soutenir l'adolescente et, lors d'une rencontre de planification du temps estival, les propositions familiales ont été retenues. En effet, l'adolescente avait prévu, en accord avec ses parents, de séjourner chez sa marraine. Dès le mois de septembre, les parents, leur fille et les référents ont fait le bilan de ces vacances et envisagé l'organisation de l'automne. Ainsi, pour l'été, le pouvoir d'influence des éducateurs a bien porté sur la mise en oeuvre des conditions favorisant la négociation entre Elsa et ses parents, et la détermination du choix par ces derniers.

Lors de l'organisation des deux périodes de vacances suivantes, les membres de l'équipe éducative ont permis à Elsa et à son père d'élaborer et de mettre en oeuvre leurs propres choix. Mais la mère a été exclue. En effet, suite à l'audience judiciaire de décembre, les référents ont laissé les problèmes se résoudre en famille, ne permettant pas à la mère de profiter d'un espace de parole dans le cadre de la Cordée. Le pouvoir d'influence de l'équipe éducative a porté sur la mise en oeuvre des conditions favorisant la négociation entre Elsa et son père, et la détermination des choix par ce dernier. La mère, elle, n'a bénéficié de cette dynamique que lors d'une seule décision.

L'adolescente et son père ont pleinement développé un pouvoir d'agir, contrairement à la mère et aux membres de l'équipe éducative.

Envisageons maintenant les actions éducatives initiées par l'équipe de la Cordée, ou par l'assistante sociale d'AEMO, ou conjointement par ces deux parties du dispositif.

L'assistante sociale assurant l'AEMO a participé à l'élaboration des décisions concernant les deux périodes de vacances couvertes par sa mission. Lors d'un "bilan clinique", elle est tombée d'accord avec l'équipe de la Cordée à propos de l'organisation des séjours en famille d'Elsa, pour les vacances de Pâques 1998. Elle a également participé à l'élaboration et à l'évaluation des vacances d'été, dans le cadre de deux réunions avec l'adolescente, ses parents et des membres de l'équipe de la Cordée. Mais son rôle s'est avéré plus ténu, semble-t-il, lors de cette seconde prise de décision. Elle n'a pas été convoquée pour assister à l'audience de décembre 1998 au tribunal, et la mesure qu'elle assurait n'a pas été reconduite. Elle n'était donc pas concernée par l'organisation des deux autres périodes de vacances.

Les deux tableaux 460 suivants mettent en évidence que, si l'assistante sociale assurant l'AEMO a agi conjointement avec l'équipe de l'institution, elle n'a pas initié d'actions au niveau de la prise des décisions concernant l'organisation des vacances d'Elsa.

Vacan-
ces

Elaboration

Détermination
Accompagne-ment de la
mise en oeuvre

Evaluation










Pâques 98
- L'équipe Cordée et l'AS assurant l'AEMO : bilan clinique ;
- Les éducateurs organisent une discussion avec le groupe d'adolescentes pour définir le lieux de camp ;
- Les éducateurs référents échangent avec Elsa, en entretien hebdomadaire ;
- L'équipe Cordée organise une réunion avec Elsa, ses parents et l'AS assurant l'AEMO.









- L'équipe Cordée et l'AS assurant l'AEMO.









- En partie, l'équipe Cordée (camp).








- Les éducateurs référents font avec Elsa le bilan des vacances, en entretien hebdomadaire .








Eté 98
- Dès janvier, les éducateurs référents assistent Elsa dans sa recherche de travail ;
- Plusieurs entretiens hebdomadaires et discussions entre Elsa et les éducateurs concernent l'été ;
- La Cordée organise une réunion avec Elsa, ses parents et l'AS assurant l'AEMO.








- L'équipe de la Cordée et l'AS assurant l'AEMO acceptent les propositions des parents.








- En partie, la Cordée (mois de juillet).





- Les éducateurs référents font le point, fin juillet avec ELsa ;
- La Cordée organise un bilan de l'été avec Elsa, ses parents et l'AS assurant l'AEMO.
Vacan-
ces
(Suite)

Elaboration
(Suite)

Détermination
(Suite)
Accompagne-ment de la
mise en oeuvre
(Suite)

Evaluation
(Suite)




Noël 98
- L'éducateur référent échange avec Elsa ;
- L'éducateur référent échange avec Elsa et son père ;
- L'éducateur référent échange avec la mère, par téléphone.






- En entretien hebdomadaire, Elsa et les éducateurs référents font le bilan des vacances.







Pâques 99




- Les éducateurs référents assistent Elsa dans la mise en oeuvre de sa participation au stage BAFA.
 





- En partie, la Cordée (organisation du BAFA).
- En soirée, l'éducatrice référente reparle des vacances avec Elsa ;
- Lors d'une réunion à la Cordée, à propos de l'aide jeune majeur, les éducateurs référents reparlent des vacances avec Elsa et son père.

Notes
459.

Les cinq premiers traitements sont présentés en annexe.

460.

Rappel : dans chaque tableau, les actions dues à l'institution sont portées en police ordinaire ; celles relevant de l'intervenant assurant la "double mesure", en italique ; celles menées conjointement, en caractères gras.