CINQUIEME PARTIE
LA DIFFICILE SYNERGIE ENTRE LES DIFFERENTS POUVOIRS D'AGIR

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Après avoir constaté l'invalidation de notre hypothèse, nous étudions ce qu'il en est de chacune des dimensions constitutives de ses composantes et des articulation entre elles. Nous nous intéressons d'abord au pouvoir d'agir développé par les cinq adolescents et à l'exercice, par défaut, d'un pouvoir de décision par les parents, puis examinons les conditions ayant provoqué cette situation.

L'étude de la mise en place et du fonctionnement du conseil d'établissement au Relais Familial et à la Cordée prolonge notre réflexion sur l'intérêt de la référence à la notion de pouvoir d'agir dans un dispositif de suppléance familiale en accueil résidentiel.

Selon notre hypothèse, deux conditions sont nécessaires pour autoriser l'exercice, par l'adolescent, d'un pouvoir de persuasion basé sur l'argumentation, dans le cadre des décisions le concernant : d'une part, ses parents doivent exercer un pouvoir de décision basé sur une démarche de même nature, d'autre part, l'équipe éducative doit exercer un pouvoir d'influence portant sur la mise en oeuvre des conditions favorisant à la fois la participation de l'adolescent et de ses parents à toutes les phases du processus décisionnel, la négociation entre le premier et les seconds, et la détermination du choix par les seconds.

Pour éprouver la validité de cette hypothèse nous nous sommes efforcé de cerner le rôle tenu par chaque participant, dans le cadre d'une vingtaine de décisions. Nous avons inféré ce qu'il en était de l'exercice d'un pouvoir d'agir. Que peut-on en conclure ? Nous présentons, dans le tableau suivant, la synthèse des résultats des traitements réalisés.

Site Adolescent Parents Equipe éducative

1
François


A développé un pouvoir de persuasion basé sur l'argumentation


N'ont pas développé de pouvoir de décision basé sur l'argumentation
- A développé un pouvoir d'influence à l'égard de l'adolescent

- N'a pas développé de pouvoir d'influence à l'égard des parents

2
Elsa


A développé un pouvoir de persuasion basé sur l'argumentation
Père : A développé un pouvoir de décision basé sur l'argumentation.

Mère : N'a pas développé de pouvoir de décision basé sur l'argumentation.
- A développé un pouvoir d'influence à l'égard de l'adolescente et de son père

- N'a pas développé de pouvoir d'influence à l'égard de la mère

3
Louise


A développé un pouvoir de persuasion basé sur l'argumentation
Père : N'a pas développé de pouvoir de décision basé sur l'argumentation.

Mère : A développé un pouvoir de décision basé sur l'argumentation.
- A développé un pouvoir d'influence à l'égard de l'adolescente

- N'a pas développé de pouvoir d'influence à l'égard des parents
4
Thomas
A développé un pouvoir de persuasion basé sur l'argumentation Mère : A développé un pouvoir de décision basé sur l'argumentation. A développé un pouvoir d'influence à l'égard de l'adolescent et de sa mère
5
Maurice
A développé un pouvoir de persuasion basé sur l'argumentation
X
A développé un pouvoir d'influence à l'égard de l'adolescent

Si chacun des cinq adolescents a réussi à développer un pouvoir d'agir, seuls deux mères et un père en ont fait de même. Dans les trois sites comportant deux parents, l'équipe éducative n'a pas mis en oeuvre les conditions permettant à ceux-ci de développer conjointement leur pouvoir. Une synergie ne s'est donc déployée que dans le site 4 : l'influence de l'équipe de la Providence et du référent EJF a permis à Thomas et à sa mère de développer leur pouvoir d'agir respectif. S'agissant du site 5 466 , Maurice et ses éducateurs ont vu leurs pouvoirs respectifs évoluer favorablement.

Ces résultats indiquent que le développement, par l'adolescent, d'un pouvoir de persuasion basé sur l'argumentation ne serait pas lié à l'essor, chez ses parents, d'un pouvoir de décision basé sur une même démarche. En effet, même lorsque l'équipe éducative se substitue aux parents en leur interdisant d'exercer leur autorité, l'adolescent développe un pouvoir d'agir. C'est seulement lorsque l'équipe éducative a mis son influence au service du développement d'un pouvoir d'agir tant chez l'adolescent que chez ses parents que la dynamique synergique s'est avérée possible. Quand elle a négligé ce processus pour les parents, seul l'adolescent a profité des conditions mises en oeuvre. Cependant, une démarche de substitution a empêché les parents et leur enfant de négocier ensemble, et n'a donc pas contribué à l'amélioration des relations familiales.

Cette situation nous conduit à réexaminer les différentes dimensions de chacune des trois composantes en interaction dans l'hypothèse. Nous étudions donc successivement les modalités de développement d'un pouvoir d'agir par chaque adolescent ; l'exercice, par défaut, d'un pouvoir de décision parental ; les carences du pouvoir d'influence exercé par l'équipe éducative.

Notes
466.

Rappel : dans ce site, par décision judiciaire, le père ne doit pas participer aux décisions concernant son fils.