3.1.4 La différenciation des rôles de l'institution et de la "double mesure"

Le même référent du service EJF intervient en site 4, dans le cadre de l'accueil provisoire de Thomas, et en site 5, pour la tutelle d'Etat de Maurice.

En site 4, l'adolescent et sa mère ont élaboré le planning des périodes de vacances, en s'appuyant sur ce référent qui a pris une part active dans ces décisions. L'institution ne s'y est associée que dans un second temps pour traiter les aspects matériels de l'organisation envisagée. Ce mode de fonctionnement a exigé de l'équipe de l'institution un temps d'adaptation pour dépasser ce qu'elle vivait comme une dépossession, mais dorénavant on peut parler de relations partenariales entre les deux composantes du dispositif.

En site 5, le référent gère tous les contacts avec la famille d'accueil dans laquelle l'adolescent séjourne de plus en plus souvent. Dans la mesure où les décisions concernant Maurice ont toutes donné lieu à des négociations ouvrant sur un consensus, il s'agit bien ici d'un partenariat entre l'équipe de l'institution et le référent du service EJF. Aucune des composantes du dispositif de suppléance familiale ne s'est sentie manipulée par l'autre. Les nombreuses rencontres entre l'équipe de la Providence et le référent EJF ont amené les participants à élaborer un choix satisfaisant, dont l'adolescent a bénéficié pleinement.

Dans ces deux sites, la pratique professionnelle des membres de l'équipe de l'institution s'appuie sur la vie de groupe. Les éducateurs considèrent indispensable la participation à certains temps forts de l'année. L'intervenant assurant la "double mesure" est susceptible d'envisager la situation de l'adolescent d'un autre point de vue. Pour le camp d'été, par exemple, le référent EJF a encouragé Maurice à profiter au maximum des activités mises en place par l'institution. En revanche, entendant la mère de Thomas déclarer qu'elle n'obligerait pas son fils à participer à ce camp, il l'a assistée pour l'organisation de la période correspondante. L'équipe de la Providence a respecté son point de vue, l'assurant de son assistance en cas de difficultés. Le référent du service EJF a contribué à réduire le risque de rivalité entre l'institution et la mère. Cette dernière disposait, grâce à la "double mesure", d'un lieu de réflexion dégagé des enjeux liés à la collectivité. Ainsi, a-t-elle pu mettre à profit ses rencontres avec le référent pour envisager, dans des conditions différentes, la participation de son fils au camp de la Providence. Pour Maurice, le référent a autorisé une prise en compte de la famille d'accueil que l'équipe de l'institution n'aurait peut-être pas pu réaliser.

Dans ces deux sites, il est intéressant de remarquer que la communication entre les différents intervenants a intégré la mère de Thomas et Maurice lui-même. Il n'y a pas eu de lien direct entre l'institution et le référent EJF, pas de dialogue sans participation des principaux intéressés. Pour Thomas, le référent EJF a élaboré le planning des vacances de l'adolescent avec la mère avant sa présentation à l'équipe de l'institution. Grâce à une telle démarche, le détenteur de l'autorité parentale ne se retrouve pas face à une coalition des intervenants. Les seuls contacts directs ont porté sur des détails de l'organisation. De même, Maurice a réfléchi à ses vacances avec le référent EJF. Ce mode de relation empêche que l'accord des différents intervenants se fasse au détriment de l'adolescent ou de ses parents.

Dans ces deux sites, la relation entre les deux composantes du dispositif de suppléance familiale est de type partenarial. Elle enrichit l'analyse de la situation en procurant à l'adolescent et ses proches plusieurs points de vue pour élaborer la décision. En effet, une organisation autorisant des temps d'élaboration dégagés du collectif et gérés par l'intervenant assurant la "double mesure", favorise la problématisation de la situation et l'expression des différents points de vue. Ce partenariat limite les conséquences des deux dangers inhérents au système relationnel, soulignés par Richard Josefsberg, à savoir la proximité et la rigidité, ainsi que le risque de surprotection institutionnelle souligné par Michèle Lepage-Chabriais. Il favorise également la prise en compte de la parole de l'adolescent, contribuant ainsi au respect de ses droits.