3.2.3 Le lien direct entre tous les membres de l'équipe éducative

L'assistante sociale assurant la mesure d'AEMO, dans le site 2, a participé à trois rencontres, à la Cordée. A l'occasion d'un bilan clinique, elle a partagé la réflexion de l'équipe de l'institution à propos des séjours familiaux d'Elsa et a contribué à la détermination d'un choix portant sur l'organisation des vacances de Pâques 1998. Elle a également pris part à deux rencontres avec les parents et l'adolescente : l'une, au cours de laquelle l'organisation de la période d'été a été planifiée ; l'autre, pour faire le bilan de ces mêmes vacances. Si l'organisation et le déroulement de ces temps s'inscrit dans la perspective d'un travail conjoint des deux composantes du dispositif de suppléance familiale, intéressons-nous à l'organisation du bilan clinique, à l'origine d'un abus de droit commis par l'équipe éducative.

Au cours de cette réunion, en l'absence de l'adolescente et de ses parents, l'organisation des vacances d'Elsa a été envisagée. Les membres de l'équipe ont problématisé la situation familiale, pour arrêter un choix qui ne devait pas être remis en cause ultérieurement. Quelques jours plus tard, ils se sont réunis avec la jeune fille et ses parents, en vue de planifier la période de congé. A cette occasion, aucun d'entre eux n'a entendu l'argumentation de la famille en désaccord avec les propositions faites. Alors que cette rencontre constituait une opportunité pour partager une réflexion sur la situation familiale, la détermination de l'équipe à imposer le choix retenu en bilan clinique a annihilé tout échange. En imposant leur choix, les membres de l'équipe éducative ont non seulement commis un abus de droits mais ils se sont privés de l'apport de certaines informations que seule la famille détenait. Au cours des vacances correspondantes, l'adolescente et ses parents ont opéré leur propre choix. Informée par la mère de la modification du planning, l'assistante sociale assurant l'AEMO n'a pas contesté ce changement.

En tenant l'adolescente et ses parents à l'écart des phases d'analyses et de résolution, cette situation remet en question le lien direct entre les membres de l'équipe de l'institution et l'intervenant assurant la "double-mesure". Mais quelles raisons poussent les membres d'une équipe éducative à agir en l'absence des intéressés et à écarter les acteurs concernés au premier chef en sous-entendant qu'ils ne sont pas en mesure de prendre part aux échanges ? Si la question de la protection d'un enfant se pose par rapport à certaines informations, la situation est différente pour un adolescent. Or Elsa, âgée de dix sept ans, est au fait de tous les événements familiaux. Les intervenants qui se privent ainsi de l'expertise des intéressés, entretiennent un lien direct entre eux et finissent par former une coalition difficilement supportable pour les membres de la famille. Il ne s'agit aucunement de faire participer l'ensemble des personnes à tous les temps d'élaboration, mais d'éviter que l'adolescent et sa famille aient le sentiment que tout est organisé "dans leur dos", et de faire en sorte qu'ils puissent disposer de temps distincts avec des interlocuteurs différents pour envisager leur situation sous plusieurs angles et construire des points de vue complémentaires. Tel est l'intérêt d'un vrai partenariat entre les différentes composantes du dispositif de suppléance familiale.