Section 2 : La liberté contractuelle.

29. La seconde assise juridique du pouvoir patronal de direction est le principe de la liberté contractuelle implicitement consacrée par l’article 6 du Code civil. Le droit des contrats est dominé par ce principe de la liberté contractuelle selon lequel un individu est libre de contracter ou non ’’mais encore et surtout de déterminer à son gré le contenu du contrat’’ 84 . La liberté contractuelle puise elle-même sa justification dans l’idée d’autonomie de la volonté développée par les hommes de la Révolution 85 . Ainsi, employeur et salarié ont tous deux une volonté libre et de la rencontre de ces deux volontés peut naître un accord. Celui-ci est nécessairement juste car les deux parties sont aptes à défendre leur intérêt propre. ’’Nul n’est injuste envers lui-même’’, écrivait J. J. Rousseau 86 . L’application du principe de la liberté contractuelle garantit donc la justice dans les rapports entre individus dans la mesure où ’’si une obligation imposée peut être injuste, une obligation acceptée ne peut pas l’être’’ 87 . Cette doctrine individualiste et contractualiste est cependant plus avantageuse pour ’’celui qui dispose de la force de travail que pour celui qui la propose’’ 88 .

Ainsi le principe de la liberté contractuelle est-il fort éloigné de la théorie institutionnelle de l’entreprise, puisqu’il conduit à considérer l’employeur et le salarié comme deux parties à un contrat et non comme des membres d’une même communauté.

Formellement, l’application du principe de la liberté contractuelle reconnaît à chaque contractant la liberté ou non de s’engager et fonde les parties à définir le contenu de leur engagement.

Cette représentation égalitaire, surtout en période de sous-emploi, ne correspond pas à la réalité 89 . En effet, le demandeur d’emploi n’est pas en mesure, sauf exception, de faire accepter des conditions qu’il souhaiterait et les termes du contrat lui sont en général dictés par l’employeur. Aussi, afin de rééquilibrer le jeu des volontés individuelles entre employeurs et salariés, le droit de travail a-t-il imposé un ordre public social qui ne saurait, cependant, remettre en cause ’’la liberté d’entreprendre de l’employeur qui, responsable de l’entreprise doit pouvoir en conséquence choisir ses collaborateurs’’ 90 .

Les pouvoirs de l’employeur se manifestent avant la conclusion du contrat de travail par la décision de recruter ou non un salarié. Le principe de la liberté patronale dans le recrutement est fondé sur le droit des obligations et sur la liberté d’entreprendre.

La liberté contractuelle permet aussi aux parties de définir le contenu du contrat de travail, sous réserve du respect de l’ordre public. Le contrat de travail devient un instrument de gestion. La présence de nombreuses clauses spécifiques dans le contrat de travail démontre sa grande adaptabilité.

Notes
84.

J. Carbonnier, Droit Civil, Les obligations ,24ème ed., PUF, t.4, 2000, p.36.

85.

G. Aubin, J. Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, 1ère éd., PUF, 1995,
p.98 et suiv.

86.

J. J. Rousseau, Le Contrat Social, Gallimard, 1993, liv. I, chap.6

87.

F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit Civil, Les obligations, 6ème éd., Dalloz, 1996, p.23.

88.

P. Moussy, Les motifs personnels de la modification du contrat de travail, Dr. Ouvr., 1996,p.50.

89.

P. Moussy, Un pas en avant, deux pas en arrière (à propos de l’effet boomerang du renouveau du contrat de travail), Dr. Ouvr., 1999, p.4.

90.

Cons. Const., 20 Juillet 1988, Dr. soc. 1988, p.755, note X. Pretot ; D. 1989, p.269,
note F. Luchaire.