43. L’employeur se définit formellement comme la personne qui a conclu le contrat de travail. Mais, les juges ne s’arrêtent pas à ce critère formel. Ils recherchent celui qui donne des ordres et contrôle le travail 165 . Par conséquent, la qualité d’employeur n’est pas exclusivement attachée à la participation à l’acte d’embauchage. Ainsi la qualité d'employeur peut-elle être attribuée à une société qui n'a pas conclu le contrat de travail 166 . Dans certains cas, cette solution s'explique par l'idée de représentation d'une société par une autre dans la conclusion du contrat de travail. Il en est ainsi lorsque l'embauche est effectuée par une société spécialisée dans la gestion du personnel pour le compte d'une autre entreprise. Mais cette idée de représentation ne rend pas compte de toutes les situations dans lesquelles le salarié se trouve mis en relation avec plusieurs sociétés postérieurement à la conclusion de son contrat de travail.
Il est en effet concevable, en particulier dans les situations de groupes, qu’une société embauche le salarié mais que celui-ci soit placé sous l’autorité d’une autre société, voire des deux 167 . Dans ces hypothèses, l’attribution de la qualité d’employeur est alors, en droit, indifférente au critère de participation à la conclusion du contrat de travail. Sera désigné comme employeur celui au profit duquel le travail est accompli et qui a de ce travail le contrôle et la direction. C’est l’analyse des conditions d’accomplissement de la prestation de travail qui permettra d’affirmer l’existence ou l’absence d’un rapport de subordination et parallèlement de déterminer l’employeur. Plusieurs éléments, d’une importance variable, sont susceptibles de caractériser la subordination juridique. Si la prise en charge des obligations patronales fait présumer la qualité d’employeur, tout comme la conclusion du contrat de travail, elle n’est pas exclusivement déterminante. Ainsi a été reconnue employeur une société qui ne prenait pas en charge la rémunération du salarié 168 La lecture des décisions de la Cour de cassation fait apparaître plusieurs indices révélateurs de la qualité d’employeur.
Ainsi est considérée comme une manifestation du pouvoir de direction de l’employeur le fait de donner des instructions 169 , de fixer des horaires de travail 170 , d’exiger des comptes rendus d’activité 171 , d’imposer un lieu d’exécution du travail 172 , de fournir du matériel 173 . Le pouvoir d’affectation du salarié est aussi présenté comme l’une des prérogatives caractéristiques du pouvoir de l’employeur 174 .
Dans tous les cas, la valeur des indices est appréciée par le juge eu égard aux circonstances de la cause. Ainsi, la reconnaissance de la qualité d’employeur à celui qui adresse des directives ne saurait être systématique dans la mesure où des directives peuvent également être adressées à un mandataire. De même, la contrainte du lieu d’exécution de travail n’est pas spécifique au contrat de travail. En d’autres termes, le rapport salarial ne saurait se résumer à l’existence de sujétions qui sont inéluctables à tout contrat synallagmatique 175 . Pour cela, l’autorité patronale, qui s’exprime notamment à travers le pouvoir de modifier unilatéralement les conditions de travail et celui de sanctionner, sera-t-elle souvent constatée par la conjonction de plusieurs indices.
Cette recherche du lien de subordination conduit les juges à examiner les relations des sociétés entre elles. L’existence de liens étroits entre les sociétés voire d’activités confondues est prise en compte par le droit du travail qui passe outre l’apparente autonomie juridique des sociétés pour désigner le ou les employeurs.
Cass. Soc., 23 février 1977, Bull. civ. V, n°136.
Cass. Soc., 29 mai 1973, Bull. civ. V, n°346.
Y. Chalaron, Groupes de sociétés, éd. tech. juris-classeurs, 1992, Fasc. 16-25, 8, p.3.
Cass. Soc., 19 février 1980, Bull. civ. V, n°141 ; Cass. Soc., 9 mai 1990, RJS 6/1990, n°449 (hypothèse des enseignants d’établissement privé sous contrat d’association qui ont pour employeur l’établissement alors qu’ils sont rémunérés par l’Etat).
Cass. Soc., 29 mars 1994, Bull. civ. V, n°108; Cass. Soc., 22 mai 1997, cité par Liaisons sociales, mémo social 1999, n°561.
Cass. Soc., 9 octobre 1990, Bull. civ. V, n°422.
Cass. Soc., 14 mars 1991, Bull. civ. V, n°139.
Cass. Soc., 29 mars 1994, op. cit.
Cass. Soc., 14 juin 1989, Bull. civ. V, n°451.
J. Vacarie, Dr. soc., 1989, p.463.
A. Jeammaud, note sous Cass. Ass. Plen., 18 juin 1976, D. 1977, p.173, II. B.