69. En fonction des besoins et des stratégies de l'entreprise, l'employeur va ajuster ses effectifs. Cet ajustement s'effectue tout d'abord par le choix du type de contrat de travail. L'employeur peut proposer un contrat à durée indéterminée ou un contrat à terme.
Certes, le contrat à durée indéterminée est la technique contractuelle de droit commun, ce qui signifie que tout contrat conclu sans spécification est un contrat à durée indéterminée. Ceci étant, dés lors que l'employeur respecte les conditions qui s'attachent aux contrats spécifiques, son pouvoir de direction reste entier. En présence de la diversité des techniques juridiques d'usage de la main-d’œuvre, rien ne l'oblige à choisir la formule la plus protectrice pour le salarié. A défaut de respect des cas d'ouverture prévus par la loi ou des conditions de forme, le contrat sera requalifié en contrat à durée indéterminée à temps complet. Il reste que cette liberté de gestion dans les mouvements de personnel autorise l’employeur à pratiquer les remplacements dits ’’en cascade’’. Ainsi, l'employeur qui conclut un contrat de travail à durée déterminée ou un contrat de travail temporaire pour compenser l'absence d'un de ses salariés n'est pas obligé d'affecter le salarié recruté au poste laissé vacant par le salarié absent, il peut procéder à un glissement interne d'emploi.
La licéité de principe de la pratique des remplacements en cascade a été posée par une circulaire du ministère du travail 284 et consacrée par la chambre sociale de la Cour de cassation 285 . La flexibilité de la main-d’œuvre obtenue par l'utilisation des contrats précaires permet à l'employeur une adaptation rapide aux circonstances.
70. Le licenciement est un autre instrument de maîtrise des effectifs. En vertu de son pouvoir de direction, l'employeur peut décider de licencier un salarié pour des raisons économiques ou inhérentes à la personne du salarié. Le licenciement est la manifestation la plus dramatique pour le salarié du pouvoir de diriger reconnu à son cocontractant.
En matière économique, l'employeur peut pratiquer des licenciements dans les circonstances prévues à l'article L.321-1 du code du travail. Ce texte prévoit plusieurs motifs constitutifs de licenciement économique, la suppression ou transformation d'emploi ou la modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. En interprétant l'adverbe ’’notamment’’, la Cour de cassation considère que la réorganisation de l'entreprise peut également justifier un licenciement pour motif économique dès lors qu'elle a pour but de sauvegarder la compétitivité de celle-ci 286 .
L'employeur peut aussi décider de rompre un contrat de travail en cas de faute du salarié, ou lorsque celui-ci perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise sans qu'il y ait comportement fautif.
71. La faute du salarié est souvent invoquée comme motif de licenciement. Dans ce cas, l'employeur fonde cet acte d'exercice de son droit de résiliation unilatérale du contrat de travail sur son pouvoir disciplinaire.
Certes, le pouvoir de direction proprement dit est également concerné puisque l'employeur doit assurer le bon fonctionnement de la communauté de travail dans l'intérêt de l'entreprise. Or, la faute révèle une mauvaise intégration à cette collectivité de travail et peut, dans certaines conditions, justifier la rupture du contrat. Mais, en licenciant un salarié pour faute, l'employeur exerce d'abord son pouvoir de sanctionner. Aussi ce type de licenciement ne sera pas étudié dans le cadre présent.
72. D'autres motifs tenant à la personne du salarié peuvent fonder la décision patronale de licencier. Il s'agit de la maladie du salarié, de son insuffisance professionnelle et de son comportement (perte de confiance, mauvaise entente avec la direction). Ces derniers en eux-mêmes ne suffisent pas à justifier un licenciement. Il faut des éléments objectifs étayant ces motifs qui ne sauraient à eux seuls constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement 287 . Mais dés lors que ces situations présentent des incidences sur le fonctionnement de l’entreprise, l'employeur peut décider de rompre le contrat. La maladie du salarié n'est pas une cause de rupture du contrat de travail puisqu’elle le suspend. Cependant, une absence prolongée du salarié due à son état de santé, peut présenter des risques et inconvénients importants pour l'entreprise. Le remplacement d'un salarié absent pour une longue durée par la conclusion de contrats précaires, peut se révéler d'un coût financier trop lourd pour l'entreprise.
Or, le partage du travail de la personne malade entre les autres salariés n'est pas toujours possible. L'employeur peut alors envisager un remplacement définitif dans l'intérêt de l'entreprise.
Circulaire DRT n°18-80 du 30 octobre 1990, BO du minist. du travail n°96/24 du 18 décembre 1990, p.45.
Cass. Soc., 22 novembre 1995, RJS n°1, 1996, p.13.
Cass. Soc., 5 avril 1995, Dr. soc., 1995, p.488, ("lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité") ; Cass. Soc., 14 mai 1997, RJS 6/97, n°657 ; Cass. Soc., 23 mai 1995, Dr. soc., 1995, p.678.
Les décisions de justice concernant la perte de confiance sont nombreuses. Voir notamment Cass. Soc., 29 novembre 1990, D. 1991, p.190, note J. Pélissier (Dans cet arrêt Mme Fertray, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et exige que la perte de confiance repose sur des faits objectifs) ; Cass. Soc., 25 juin 1991, RJS 10/91, n°1081 ; Cass. Soc., 14 janvier 1998, RJS 3/98, n°292.