§ 1 : L’absence d’un principe général d’égalité.

79. L’employeur est lié à ses salariés par des règles contractuelles. Certes au contrat de travail s’appliquent nombre de règles étatiques ou conventionnelles mais celles-ci ’’laissent indéterminés divers aspects concrets du rapport et, au surplus, tolèrent des dérogations conventionnelles favorables au salarié, sans faire obstacle à la prévision de certaines obligations accessoires ou de certaines modalités affectant les obligations du salarié’’ 314 .

L’organisation juridique de l’entreprise n’impose pas l’égalité des salariés. Et, les différentes règles étatiques qui font prévaloir une égalité de traitement entre certains salariés ou celles qui prohibent certains critères de décisions ne font que mieux ressortir l’absence d’un principe général d’égalité dans l’entreprise.

Contrairement à l’Administration qui est tenue d’assurer l’égalité des citoyens, des usagers du service public ou celle des fonctionnaires, l’employeur peut donc décider d’opérer des différences de traitement entre salariés. Dans les rapports de droit privé entre employeur et salariés, ’’la liberté chasse l’égalité’’ 315 .

La dimension contractuelle du rapport de travail 316 offre donc un terrain pour l’individualisation des conditions d’emploi et de travail 317 . L’employeur peut s’engager à faire bénéficier un salarié, intuitu personal, de certains avantages. Il peut par exemple attribuer des avantages en nature, des stocks options à un salarié. Les différences de traitement peuvent être l’objet du contrat initial entre les parties mais aussi être décidées pendant l’exécution du contrat. Sauf discrimination, l’employeur est donc libre de singulariser la situation des salariés 318 , à cet égard, son pouvoir est considérable. La notion de discrimination sera précisée lorsque nous étudierons l’encadrement du pouvoir de direction.

Tous les aspects de la relation de travail peuvent faire l’objet de mesures individualisées. En guise d’incitation, l’employeur peut privilégier un salarié en matière de rémunération, formation ou promotion. Il peut également organiser des concours destinés à récompenser les salariés les plus méritants 319 . L’individualisation des salaires retiendra notre attention.

Notes
314.

A. Jeammaud, Th. Kirat, M.C. Villeval, Les règles juridiques, l’entreprise et son institutionnalisation : au croisement de l’économie et du droit, Rev. Internationale de droit économique, 1996, p.99.

315.

D. Loschak, Réflexion sur la notion de discrimination, Dr. soc., 1987, p.778.

316.

A. Jeammaud, Les polyvalences du contrat de travail, in Les transformations du droit contemporain, Etudes offertes à G. Lyon-Caen, Paris, Dalloz, 1989, p.299.

317.

A. Lyon-Caen, Actualité du contrat de travail, Dr. soc., 1988, p.540.

318.

Cass. Soc., 18 mai 1999, Dr. soc., 1999, p.747, obs. C. Radé (exemple d’individualisation sans discrimination).

319.

Cass. Soc., 18 janvier 2000, Dr. soc., 2000, p.436, obs. C. Radé.