§ 1 : Distinction entre changement dans les conditions de travail et modification du contrat de travail.

144. Le contentieux en matière de modification du contrat de travail est à l’origine de la construction jurisprudentielle du contenu obligationnel et surtout du champ contractuel du contrat de travail.

Jusqu’en 1992, la Cour de cassation opère la distinction entre modifications substantielles et non substantielles du contrat de travail. Il s’agit alors pour les juges d’apprécier l’importance de la modification. Si cette dernière menace l’équilibre du contrat, ou affecte les conditions de vie du salarié, le consentement de ce dernier est requis. A l’inverse, si la modification est jugée mineure, elle s’impose au salarié. Avant 1987, la Cour de cassation contrôlait le caractère de la modification qui affectait le contrat de travail. Par un arrêt en date du 5 novembre 1987 534 , la chambre sociale abandonne ce contrôle et s’en remet au pouvoir souverain des juges du fait. Cette position est remise en cause ultérieurement. Ainsi, la Cour de cassation rétablit-elle son contrôle sur le caractère de la modification du contrat de travail en décidant que la décision de ‘’’mise au chômage partiel du personnel, pendant la période d’indemnisation…..ne constitue pas une modification des contrats de travail’’’ 535 .

Cette jurisprudence suppose que le régime du contrat de travail ne s’applique qu’aux seuls changements qualifiés d’importants par les juges sous le contrôle ou non de la Cour de cassation. Les autres sont considérés comme une manifestation du pouvoir de direction.

Aujourd’hui, à l’opposition entre modifications substantielles et non substantielles du contrat de travail s’est substituée celle du simple changement dans les conditions de travail et de la modification du contrat de travail. Dans deux arrêts en date du 10 juillet 1996, la Cour de cassation a en effet considéré que ‘"le refus par le salarié de continuer le travail ou de le reprendre après un changement de ces conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue, en principe, une faute grave qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement’" 536 .

Deux décisions en date du 24 et 25 juin 1992 avaient déjà amorcé ce revirement 537 . Dès lors, il ne s'agit plus pour les juges d'apprécier l'importance de la modification mais sa nature. S'il s'agit d'une modification du contrat, le consentement du salarié est requis et, à l'inverse, si l'on est en présence d'un changement dans les conditions de travail, l'exercice du pouvoir de direction prime. Cette jurisprudence commande de définir ce qui appartient à la sphère contractuelle. Cette recherche du contenu du contrat laisse apparaître deux types d'éléments différents : les éléments ’’contractualisés’’ 538 et les éléments contractuels par nature.

Notes
534.

Cass. Soc., 5 nov. 1987, Bull. n°620.

535.

Cass. Soc., 18 juin 1996, Bull. n°252 (pour d’autres exemples, voir P. Waquet, Tableau de la jurisprudence sur le contrôle de la modification du contrat de travail, Dr. soc., 1999, p.566 et suiv.).

536.

Cass. Soc., 10 juillet 1996, Dr. soc., 1996, p.976, obs. H. Blaise ; JCP 1997, Ed G., II, 22768, note Y Saint-Jours ; Dr. ouvrier, 1996, p.457, note P. Moussy.

537.

Cass. Soc., 24 et 25 juin 1992, Bull. n°413 et 419 ; Ph Waquet, Un tournant dans la jurisprudence relative à la modification du contrat de travail, CSBP, 1993, p.57.

538.

P.H. Antonmattei, Les éléments du contrat de travail, Dr. soc., 1999, p.331.