§ 2 : Les décisions administratives relatives aux droits et libertés des salariés.

162. Afin de garantir l’exercice des droits et libertés des salariés au sein de l’entreprise, le législateur a prévu l’intervention de l’autorité administrative dans les procédures relatives à l’élaboration du règlement intérieur et au licenciement des salariés soumis à protection spéciale.

L’article L.122-36 al. 3 du code du travail prévoit la saisie de l’inspecteur du travail, avant l’entrée en vigueur du règlement intérieur ou de sa modification. L’inspecteur contrôle le contenu du règlement intérieur au regard des dispositions des articles L.122-34 et L.122-35 du code du travail. En vertu de ce second texte, il doit apprécier si cet acte n’introduit pas des restrictions injustifiées et disproportionnées aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives. L’administration préconise une appréciation de la légalité du règlement intérieur au cas par cas 598 .

Destinataire de l’avis des représentants du personnel, l’inspecteur du travail va analyser les justifications patronales portant sur des raisons de sécurité ou sur l’intérêt de l’entreprise. S’il constate l’existence de dispositions illicites, il peut en ‘’’exiger le retrait ou la modification’’’ (article L.122-37 du code du travail). L’employeur qui ne donne pas suite à ces injonctions se rend coupable de l’infraction réprimée par l’article R. 152-4 599 . Le silence de l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à une remise en cause ultérieure de la licéité du règlement intérieur. En effet, celui-ci peut faire l’objet d’un contrôle à tout moment. Le délai nécessaire à l’examen exercé par l’administration n’est pas suspensif.

L’intervention publique dans l’élaboration du règlement intérieur se concrétise donc par un contrôle de proportionnalité des mesures portant atteinte aux droits et libertés des personnes, conformément aux termes de l’article L.122-35 du code du travail.

La protection des droits des salariés est également assurée à travers celle des salariés titulaires d’un mandat au sein de l’entreprise. La protection légale exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée en faveur de ces salariés subordonne la décision de licenciement de l’employeur à l’autorisation de l’inspecteur du travail. Cette procédure spéciale s’ajoute aux procédures de droit commun. La demande d’autorisation présentée par l’employeur énonce les motifs de licenciement. Il appartient à l’inspecteur du travail d’en apprécier le bien fondé. A travers de nombreux arrêts, le Conseil d’Etat est venu préciser l’objet du contrôle exercée par l’administration 600 . La décision de l’employeur doit être sans lien avec les fonctions syndicales ou représentatives du salarié. Lorsqu’elle est motivée par une faute du salarié, celle-ci doit être d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement et il appartient à l’inspecteur du travail de tenir compte des exigences propres à l’exécution du mandat dont est investi l’intéressé 601 .

S’agissant d’une demande d’autorisation de licenciement économique d’un salarié protégé, le contrôle portera sur la réalité et le sérieux du motif invoqué par l’employeur 602 dans le cadre de l’ensemble de l’entreprise 603 ainsi que sur les efforts accomplis par l’employeur pour reclasser le salarié 604

Le contrôle de l’inspection du travail porte donc à la fois sur le caractère discriminatoire ou non de la mesure envisagée et sur le bien-fondé du motif invoqué.

En outre, le Conseil d’Etat réserve la faculté pour l’administration de refuser son autorisation pour des motifs d’intérêt général 605 , ce qui ouvre la porte à une certaine appréciation de l’opportunité de la mesure. Une circulaire ministérielle en date du 3 décembre 1996 rappelle que le motif d’intérêt général, qui doit être indiqué de façon précise et complète dans la décision administrative, est entendu de manière stricte. Il peut correspondre à l’intérêt des salariés, à celui de l’entreprise ou encore à celui de la collectivité. Ce motif ne peut être retenu que si le licenciement du représentant considéré entraîne la disparition de l’institution 606 .

Les décisions prises par l’inspecteur du travail sont susceptibles de recours hiérarchiques et contentieux.

Notes
598.

Circulaire DRT n°5-83 du 15 mars 1983 ; Rep. Masson, A.N. 29 juillet 1991.

599.

Cass. Crim., 1er Décembre 1987, Dr. ouvrier, 1989, p.138.

600.

C.E., 5 mai 1976, arrêt Safer d’Auvergne, Dr. soc., 1976, p.346 concl. Dondoux,
n. Vénézia ; D. 1976, 583, n. H. Sinay ; C.E., 18 février 199,7 arrêt Abellan, Dr. soc., 1977, p.166, concl. Dondoux ; Lebon, p.97 (Ces deux arrêts inaugurent la jurisprudence du Conseil d’Etat sur l’objet du contrôle exercé par l’inspecteur du travail en matière de licenciement d’un salarié protégé) ; voir sur ce point, G. Couturier, Droit du travail, t.2, op. cit., p.239, n°118.

601.

C.E., 7 déc. 1990, D. 1991, inf. rap., p.5 ; C.E., 1er avril 1992, Dr. soc., 1992, p.689.

602.

C.E. 18 février 1977, Abellan, op. cit.

603.

C.E. 18 juin 1997, RJS 8-9/97, n°994.

604.

C.E. 10 juin 1998, RJS 8-9/98, n°1017.

605.

C.E., 5 mai 1976, arrêt Safer d’Auvergne, op. cit. ; C.E., 19 nov. 1980, Rec., 1980, p.432.

606.

Circ. Min. n°96-11, 3 dec. 1996.