§ 2 : L’objectivation des décisions patronales.

A : Evolution :

182. Jusqu’en 1973, la principale limite au pouvoir patronal de direction résultait de l’application du mécanisme de la censure de l’abus de droit. L’employeur était libre de ses choix qu’il n’avait pas à justifier. La sanction éventuelle de l’abus de droit supposait que le salarié demandeur établisse l’existence d’un abus constitutif d’une faute imputable à l’employeur et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi 669 . L’obligation de justification va se construire avec la protection légale du salarié contre le licenciement.

Le droit de résiliation d’un contrat de travail répond au principe de prohibition des engagements perpétuels, 670 protecteur de la liberté individuelle. Jusqu’en 1958, ce droit de résiliation était reconnu de façon identique aux deux parties. La loi du 19 février 1958 dissocie le régime de la démission de celui du licenciement en imposant à l’employeur la notification du licenciement par lettre recommandée et le préavis. L’ordonnance du 13 juillet 1967 crée l’indemnité légale de licenciement. Ce sont les lois du 13 juillet 1973 et du 3 janvier 1975 qui vont mettre en place un véritable droit du licenciement. La loi du 13 juillet a introduit deux innovations majeures : l’exigence d’une procédure préalable d’entretien avec le salarié et une cause suffisante pour licencier le salarié. Le législateur de 1973 avait choisi de n’imposer l’énonciation des motifs ni dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, ni dans la lettre de licenciement.

La loi du 30 décembre 1986 impose à l’employeur d’énoncer les motifs dans la lettre de licenciement lorsqu’il s’agit d’un licenciement pour motif économique ou disciplinaire. Pour les autres motifs, la notification a lieu à la demande du salarié. C’est la loi du 2 août 1989 qui étend l’obligation d’énonciation des motifs à tous les licenciements (Art. L.122-14-2 al 1 CT).

L’employeur est donc tenu d’expliquer pourquoi il a décidé de telle ou telle mesure. Le juge doit pouvoir appréhender ces motifs, par conséquent, des éléments objectifs doivent venir les expliciter. Le juge doit rechercher des éléments, des explications, des précisions sur ce qui a conduit l’employeur à prendre la mesure litigieuse. Il doit, dans sa mission de contrôle, s’appuyer sur des éléments précis. L’exigence de justification s’entend comme le devoir pour l’employeur d’apporter des éléments objectifs permettant de contrôler le bien-fondé de sa décision.

Notes
669.

Voir G. Couturier, Droit du travail, t.II, op. cit., p.210, n°120.

670.

Voir A. Jeammaud, Le licenciement , Dalloz, 1993.