b- La légalisation des machines à sous en France

Autoriser les machines à sous dans les casinos apparaît en 1987 comme le moyen de leur survie. En effet, les jeux traditionnels n'étaient plus fréquentés que par une clientèle vieillissante, peu nombreuse et les casinos rencontraient de plus en plus de difficultés financières notamment à cause des pressions fiscales qui sont très élevées en France. Les casinos français avaient été pendant longtemps les plus beaux d'Europe, mais ils vieillissaient et ne pouvaient pas se moderniser à cause de leurs difficultés financières mais aussi à cause de la législation française trop stricte sur la réglementation des jeux. Les machines à sous avaient déjà fait leur apparition dans les autres pays Européens et y rencontraient un vif succès. Les introduire en France par le biais des casinos représentait pour l'État un moyen de contrôle, puisque c'est le ministère de l'intérieur qui réglemente les jeux dans les casinos 72 . De toute façon, sans cela, les casinos allaient à leur perte. La part du produit des jeux des casinos français (2%) dans l'ensemble des jeux de hasard était dérisoire par rapport à celle des casinos allemands (9%). La France, première par le nombre de ses casinos, n'était qu'à la sixième position en Europe quand on considère le produit total des jeux (le produit des jeux de casino par habitant était 2 fois moins élevé qu'en Hollande, 3 fois moins qu'en Allemagne, en Espagne ou au Royaume-Uni et 6 fois moins qu'en Espagne). La plupart des casinos en Europe avaient un produit des jeux supérieur à 50 MF, en France, seuls 4 casinos sur 138 avaient un produit des jeux supérieur à 50 MF. En outre, il n'existait pratiquement aucun casino en Europe ayant un produit des jeux inférieur à 5 MF alors qu'en France 75% des casinos étaient dans ce cas. Le produit des jeux avait connu un fort développement entre 1985-87 en Espagne, au Portugal, en Italie, il avait doublé en Hollande. En France, il n'avait fait que baisser. La fréquentation des casinos était, elle aussi, plus faible que dans les autres pays européens, à cause du timbre fiscal dont doit s'acquitter toute personne voulant rentrer dans la salle des jeux traditionnels. La législation française sur les jeux de casino était beaucoup plus contraignante que dans les autres pays de la communauté européenne, notamment pour l'implantation des casinos, la nature des jeux, la nécessité d'un accord contractuel avec la ville d'accueil, la gestion des activités annexes (loi de 1907). La discussion à l'assemblée nationale en 1987 fût assez mouvementée, mais les intérêts économiques l'ont emporté, car environ 10 000 emplois sont en jeu, ainsi que des ressources fiscales non négligeables pour l'Etat et surtout pour les communes qui possédent un casino. Les députés RPR, UDF et FN réunis en mai votent la légalisation des machines à sous et Charles Pasqua signe le décret en 1987, juste avant de quitter le gouvernement (cf. deuxième partie).

1987 est une année charnière pour les casinos.

  1. La loi n° 87-306 du 5 mai 1987 apporte une dérogation à l'interdiction totale d'exploiter des appareils de jeux de hasard automatiques qui avait été instituée par Gaston Deferre en 1983.- Recueil des textes relatifs à la réglementation des jeux dans les casinos, Travaux de recherches et mise à jour effectués sous la direction de Maître Laurence Lichtmann, Avocat à la cour de Paris, éditions a.m.i., décembre 1987. Loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 modifiée par la loi du 5 mai 1987. Art 1er. Sont interdites l'importation, la fabrication de tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et qui permet éventuellement par l'apparition de signes, de procurer moyennant un enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit, même sous forme de partie gratuite. Sont également interdites la détention, la mise à disposition de tiers, l'installation et l'exploitation de ces appareils sur la voie publique et ses dépendances, dans les lieux publics ou ouverts au public, et dans les dépendances, même privées, de ces lieux publics. Est aussi interdite toute exploitation ou mise à disposition de tiers par une personne privée, physique ou morale, dans des lieux privés.Il en est de même des appareils de jeux dont le fonctionnement repose sur l'adresse et dont les caractéristiques techniques font apparaître qu'il est possible de gagner plus de cinq parties par enjeu ou un gain en espèces ou en nature. L'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 interdisant certains appareils de jeux est complété par un alinéa au terme duquel l'interdiction d'exploiter les machines à sous est levée au seul bénéfice des casinos qui obtiendront une autorisation du ministère de l'intérieur: "Sont également exceptés des dispositions du présent article les appareils de jeux proposés au public dans les casinos autorisés où est pratiqué au moins un des jeux prévus par la loi. Ces appareils ne peuvent être acquis par les casinos qu'à l'état neuf. Toute cession de ces appareils entre exploitants de casinos est interdite et ceux qui ne sont plus utilisés doivent être exportés ou détruits"- Réglementation des jeux dans les casinos, les éditions des journaux officiels, édition mise à jour le 30 avril 1997..
  2. Le décret du 20 août 1987 (modifiant le décret n°59-1489 du 22 décembre 1959) ajoute à la liste des jeux déjà exploitables dans les casinos la roulette anglaise, le punto banco et les machines automatiques dites machines à sous L'accès des casinos est autorisé aux majeurs de plus de 18 ans (avec une exception pour les jeux traditionnels comme nous le verrons par la suite). L'accès à la boule qui était payant depuis 1953 redevient gratuit.
  3. L'arrêté du 26 août 1987 (modifiant l'arrêté du 23 décembre 1959) définit les modalités d'application de la loi et du décret précédents. Il détermine les conditions d'établissement et d'instruction des demandes d'autorisation de jeux, les modalités d'administration et de fonctionnement des casinos, les règles de fonctionnement des jeux et en particulier celles concernant l'exploitation des machines à sous, les principes de surveillance et de contrôle.

Pierre Joxe qui prend sa succession ne remet pas la décision de Charles Pasqua en question, mais limite à 16 le nombre de casinos autorisés à les exploiter 75 . : Amneville, Cannes-croisette, Charbonnières-les-Bains, Cherbourg, Deauville (uniquement l'été), Divonnes-les-Bains, Dunkerque, Evian, Lacanau, Le mont Dore, Lons-le-Saunier, Luc-sur-Mer, Mandelieu Loew's, Nice casino club et Nice Rhul, Pau. Leur succès est éclatant, le produit brut des jeux pour l'année 1988-89 connaît une augmentation foudroyante de 59,5% uniquement grâce aux recettes des machines à sous de ces 16 casinos 76 . Cette autorisation sera étendue à tous les casinos en 1991 (ils sont 83 en 1992 et plus de 150 maintenant). Les casinos ont trouvé dans les machines à sous le moyen de rétablir leur équilibre financier en attirant une clientèle qui auparavant ne fréquentait pas les casinos. Celle-ci est aussi à l'origine de nombreux changements dans le mode de fonctionnement des casinos en France.

Notes
72.

-- Article "Les mutations du marché des casinos Français", Bir Frédéric, consultant Domino finance, casino et tourisme , cahiers espaces , n°38.

75.

.- Martignoni-Hutin Jean-Pierre, Faites vos jeux, Collection "logiques sociales", l'Harmattan, 1993. PORTE Guy, "L'autorisation des machines à sous dans les casinos : une mesure de survie pour la profession", Le Monde , 22/12/1986.

76.

-- Casinos et tourisme , Les cahiers espaces , n°38, octobre 1994.