2- La télévision,....

....elle aussi, a eu un effet non négligeable dans le processus de banalisation du jeu. Selon un constat de François Seligman 100 , les années 80 ont marqué une modification des concepts et des contenus des jeux télévisés. Auparavant, ceux-ci étaient d'avantage fondés sur des qualités intellectuelles ou physiques (par exemple "le mot le plus long" ou "la tête et les jambes"), désormais ce sont les gains qui priment sur le contenu. Il classe en 5 catégories les jeux diffusés par le petit écran :

Tous ces jeux représentent 10% des grilles de programmes. Ils respectent trois règles : il doivent être faciles de compréhension, ils doivent être faits de manière à impliquer le spectateur dans la recherche de la réponse en même temps que le candidat sur le plateau et donc le faire vivre au rythme du jeu. Les jeux, à la différence des films, sont liés dans l'esprit des spectateurs à la chaîne qui les diffuse. Par exemple, le spectateur qui a comme jeu favori Le juste prix sait parfaitement que ce dernier est programmé par la première chaîne, ce qui entraîne un fidélisation grâce au jeu. En résumé, un jeu télévisé, pour remporter du succès et obtenir un maximum d'audience, doit être simple d'accès et rapporter des gains substantiels. L'exemple le plus illustrateur de notre époque est le Bigdil. On retrouve dans ces caractéristiques celles des produits de la Française des jeux.

Le rôle de le télévision est important dans la représentation des jeux. D'une part elle est le premier loisir dans la vie quotidienne des français (avec une moyenne de 3 heures par jour) et d'autre part la plupart des divertissements à l'heure actuelle passent par une mise en écran (le sport, la culture...) 101 . Les jeux ne sont pas en reste. Par le biais de la télévision le joueur consomme des jeux d'argent comme Le juste prix, La roue de la fortune, le Bigdil dont nous avons parlé précédemment... Il existe deux niveaux d'intervention de la télévision : le premier est la place du jeu dans la grille des programmes ; le deuxième consiste dans la mise en scène du joueur qui en fait un personnage valorisé. Cette télévision selon Pierre Chazaud 102 , "‘popularise, dédramatise, banalise les jeux d'argent, elle intervient dans la manière de regarder les choses en proposant un nouvel imaginaire du jeu. Cela a de multiples influences, notamment en matière de loisirs, surtout si la télévision devient, beaucoup plus qu'un cadre de référence, une nouvelle manière de "vivre sa vie". Ce constat sociologique n'est certes pas nouveau, mais c'est à partir de là que la culture du jeu a changé" [...]. "Sous l'effet de la télévision et de la culture de masse, les jeux d'argent sont en train de changer de statut, comme du reste de multiples loisirs qui se médiatisent’" 103 . On peut donc dire, en effet, que le jeu d'argent a conquis une autre image que son image traditionnelle, grâce à l'effet dédramatisant de la pratique du jeu par la télévision qui le présente comme un divertissement, un spectacle ou un loisir.

Ainsi, grâce à l'action de la Française des Jeux et à celle de la télévision, l'image du jeu a beaucoup changé par rapport à celle d'il y a 10 ou 20 ans. Le fait qu'on en parle, que le jeu sorte de l'obscurité à laquelle il était confiné lui a conféré une sorte de légitimation sociale à travers des instances reconnues. Celles-ci ont contribué à une banalisation du jeu qui a aussi profité à l'extension des jeux de casinos car les tabous qui étaient liés aux jeux de pur hasard cèdent devant cette sorte d'officialisation". Enfin et tous les acteurs économiques l'ont compris, que ce soit la Française des jeux avec le Loto ou les jeux instantanés, ou les casinos avec les machines à sous, la meilleure publicité est celle que font les gagnants. En effet ceux-ci sont brandis par la télévision comme les héros du jour et deviennent des modèles pour les autres joueurs.

Notes
100.

- L'état des médias , collectif sous la direction de Jean-Marie Charon, ed. La découverte/ Médiaspouvoir/ CFPJ, Paris, 1991.

101.

- Chazaud Pierre, "Faut-il repositionner l'offre des casinos", Casinos et tourisme , Les cahiers espaces , n°38, octobre 1994.

102.

- Ibid.

103.

- Ibid.