I- La rupture de 1987

A- La situation avant 1987

Grâce aux machines à sous, les casinos ont retrouvé une bonne santé économique. En effet, depuis les années 70, ils étaient, du moins en France, en déclin financier constant. Ils se trouvaient soumis à la pression fiscale la plus élevée d'Europe d'une part, et de l'autre la clientèle des jeux traditionnels ne représentait plus un marché suffisant pour leur permettre d'être rentables. Nous ne reprenons ce point que pour mémoire, puisque nous l'avons abondamment développé dans la première partie. Pourtant on ne peut affirmer qu'il y ait eu une véritable désaffection du secteur des jeux d'argent par la clientèle, puisqu'environ 50 milliards de francs y avaient été investis pendant l'année 87. Mais il faut noter que seulement 1 milliard (soit 2% des enjeux) était consacré aux jeux de casino cette année-là contre 49 milliards pour les jeux d'État de la Française des jeux et le PMU 113 . Les jeux de casino, soumis à une règlementation extrêmement sévère, n'avaient pu suivre l'évolution du marché, et le seul produit qu'ils proposaient, les jeux traditionnels, était de plus en plus inadapté à l'évolution des mentalités. Les casinos étrangers, grâce à une pression fiscale moins élevée et à une législation moins contraignante, étaient déjà entrés dans une phase de mutation due à l'exploitation des machines à sous qu'ils étaient autorisés à utiliser, contrairement aux casinos français où leur exploitation demeurait radicalement interdite. Comme nous avons pu le voir dans la première partie, les jeux traditionnels nécessitent non seulement l'apprentissage de règles, de stratégies mais aussi un investissement financier de base beaucoup plus important que celui des autres jeux, de type PMU ou Française des Jeux. Le timbre fiscal, dont doit s'acquitter le joueur pour entrer dans la salle de jeu, constituait un frein supplémentaire à la fréquentation des casinos par les petits joueurs qui trouvaient dans les autres jeux un produit mieux adapté à leurs attentes. Pourtant si l'on examine les taux de redistribution des différents jeux, on s'aperçoit que ceux des casinos sont largement plus favorables aux joueurs que les autres (51% seulement pour le Loto contre 97,3% pour la roulette, 71% pour le PMU contre 94,1% pour le Black Jack). Si les joueurs désertaient alors les casinos c'est donc qu'ils n'y rencontraient pas un type de jeux correspondant à leurs goûts.

Enfin les casinos présentent aussi un enjeu économique appréciable. Ils constituent une source de revenus importante non seulement pour l'Etat ( prélèvements sur le produit brut des jeux et impôt sur les bénéfices), mais aussi pour les communes (taxe professionnelle et prélévement communal) qui les accueillent sur leur territoire. Donc la prospérité des casinos intéresse directement la fiscalité locale et nationale. Ce constat n'est pas à négliger et sera particulièrement mis en avant lors du débat sur le projet de loi autorisant les machines à sous en 1987 au Sénat puis à l'Assemblée Nationale comme nous le verrons dans le chapitre suivant.

On peut donc considérer que, les casinos souffrant d'un véritable déclin, la diminution des revenus qu'ils apportent à l'Etat s'aggravait et leur déclin pouvait participer à l'accroissement du chômage. Il était donc urgent de trouver une solution qui relance l'activité des casinos en attirant un nouveau public.

Produit brut des jeux de 1974 à 1986
Produit brut des jeux de 1974 à 1986

Notes
113.

- Ginoux Pierre, "Le renouveau des casinos en France", Les cahiers Espaces , Casinos et Tourisme n° 38, octobre 1994.