b- Les débats au Sénat

La discussion sur la proposition de loi pour introduire les machines à sous dans les casinos et les autoriser à avoir autant de licences qu'ils ont de débits de boissons a eu lieu pendant la séance du 28 avril 1987. Elle reprend les mêmes arguments de type économique que celle qui a eu lieu à l'Assemblée Nationale. L'introduction de M. Yves Galland est très claire à ce sujet : "‘la proposition de loi qui vous est présentée vise à rétablir la situation d'un secteur important pour l'industrie touristique et la balance des paiements de notre pays’". Il renchérit en soulignant que ce secteur d'activité en crise dégage un volume d'affaires de 2 milliards de francs et qu'il est un gros fournisseur d'emplois. Le rapporteur, Paul Girod, souligne le fait que la fréquentation des casinos frontaliers est en baisse du fait que les autres pays européens exploitent les machines à sous et sont donc plus attractifs pour la clientèle ; cela représente une perte conséquente de devises étrangères pour la France : "‘Cette proposition de loi a donc pour objet d'autoriser à nouveau ce que deux lois opportunes’ ‘ 115 ’ ‘ ont interdit sur l'ensemble du territoire en permettant à ces établissements de retrouver une clientèle qui a tendance à aller ailleurs’". Les oppositions soulevées sont uniquement d'ordre moral 116 (mauvaise réputation des casinos et de leurs jeux) 117 et seront inefficaces face aux enjeux économiques.

Dans ces deux débats, la présentation et la discussion ont pris une orientation essentiellement économique. Les casinos ne trouvent apparemment leur légitimité que par rapport à cette argumentation qui prévaut en leur faveur, et qui leur permet d'outrepasser toute opposition morale en leur défaveur. Les élus reconnaissent que leur poids dans l'économie n'est pas négligeable notamment du fait des taxes qu'ils rapportent à l'Etat. Il est tout à fait remarquable que l'essence même de ce qui fondait dans le passé l'interdiction des jeux (cf. 1ère partie) est ici complètement passée sous silence par les représentants du gouvernement. Ce quasi-total renversement de perspective - on verra plus loin (cf. 3ème partie) que députés et sénateurs maintiennent pour une part les réserves anciennes - est extrêmement significatif de l'attitude des gouvernements actuels pour qui la gestion des finances publiques et de l'emploi est absolument prioritaire sur les "valeurs" sociales que leurs prédécesseurs brandissaient (de plus ou moins bonne foi, il est vrai). Par la suite (3ème partie), nous verrons que les dirigeants locaux ont exactement la même attitude.

Notes
115.

- Lois de 1937 et 1983 sur l'interdiction de certains types de jeux sur le territoire dont les machines à sous.

116.

- Elles seront développées dans la partie 3 de cette thèse.

117.

- Intervention de madame Jacqueline Fraysse, du groupe communiste : "Ce petit texte d'apparence anodine ne dépare pas du reste de votre arsenal qui encourage les activités les plus viles ou l'argent est joué, gâché et blanchi autant que de besoin", "Ce texte, loin de résoudre les problèmes posés au personnel des casinos, tend à développer des activités et des comportements parasitaires", "vous tentez d'accréditer l'idée selon laquelle il serait possible de prospérer voir de s'enrichir non pas en travaillant mais en jouant" (cf. 3ème partie)..