a- Historique d'un casino agé de plus de 100 ans

Pour mieux comprendre l'évolution de ce casino, nous devons d'abord revenir à ses débuts en 1881.

La source de Charbonnières dites de Laval est découverte le 30 septembre 1778 par l'abbé Marsonnat. Il observe que des animaux qui ont bu l'eau de cette source ont été épargnés par une épidémie ayant fait des ravages dans le cheptel bovin. Des analyses sont effectuées et confirment que cette eau ferrugineuse est excellente pour nettoyer l'estomac et les intestins. L'abbé Marsonnat teste donc l'efficacité de cette eau sur lui-même et s'aperçoit très vite de ses bienfaits. C'est cette découverte qui un siècle plus tard va permettre la création d'un casino.

A partir de 1800 les premiers curistes commencent à affluer. En 1828, le tarif fixé pour un verre d'eau est de un cachet (qui vaut un centime à l'époque). En 1850 est créé le premier service de bains ; il rencontre un tel succès que la construction d'un établissement de bains devient indispensable pour faire face à l'afflux des curistes. Il est constitué de deux piscines chauffées, une pour chaque sexe, et d'une galerie de glaces déformantes qui va rencontrer un vif succès. Vers 1860, ils sont environ 20000 curistes à venir prendre les eaux, d'où l'obligation de limiter le bain à une heure. Charbonnières-Les-Bains se dote d'hôtels et de bars et commence son expansion. En 1873, le train fait son apparition dans la commune avec l'ouverture de la ligne Lyon Saint-Paul à Montbrison. Le trafic était sans doute important puisqu'un système de double voie a été rapidement mis en place. Enfin, en 1881, la municipalité, face à cette prospérité nouvelle de la commune et voulant offrir à ces curistes de nouvelles distractions (la marche à pied étant la seule jusqu'alors), décide la construction d'un casino. Cette décision est rendue possible grâce au décret de 1806 qui permet de déroger à l'interdiction absolue des maisons de jeux. En effet ce décret fait une exception pour les lieux où il existe des eaux minérales et Charbonnières en fait partie. L'ouverture de ces casinos est saisonnière. Un seul problème, et qui ressurgira plus tard, tient au fait que la propriété du casino s'étend sur quatre communes : Charbonnières, Marcy l'Etoile, La Tour de Salvagny et Dardilly.

Après un an de travaux, le casino ouvre ses portes en 1882. Il a été construit à partir de matériaux provenant de la démolition d'un pavillon de l'Exposition Universelle utilisant des reliquats de la tour Eiffel. Cela lui donne déjà un certain prestige. En 1899, une Société Anonyme (SA) au capital de 1 million de francs (2000 actions de 500 Fr) est créée pour gérer l'exploitation du casino. Son premier président est le maire de Charbonnières de l'époque, Antoine Girard. Dès son ouverture le casino connait une période florissante qui durera jusqu'à la première guerre mondiale. Pendant la guerre le casino est fermé pour laisser place à un centre de soins pour convalescents.

En 1919, il rouvre ses portes. Sa situation financière après cinq ans de fermeture est désastreuse. La Société Anonyme qui l'exploite est contrainte de fusionner avec la Société Fermière qui exploite la station thermale. Cette fusion donne naissance à la Société des Eaux minérales de Charbonnières-Les-Bains qui se transformera ensuite en la Sathel. En 1928 se pose la question de l'ouverture d'un second casino sur la commune. Le propriétaire d'une brasserie demande l'autorisation au conseil municipal de créer un casino qui s'appelerait "Casino municipal de Charbonnières". Cette demande est approuvée par le conseil municipal mais sera rejetée par le ministère de l'intérieur.

En 1928, les frères Bassinet prennent la direction de la société. Le bâtiment du casino est totalement rénové. Georges Bassinet décide la construction du Grand Cercle à la place du théâtre existant au premier étage. C'est aussi l'année où est décidée la construction de l'hippodrome dont les travaux coûteux et l'échec de son exploitation vont plonger la Société Minérales des Eaux dans une situation financière désastreuse en 1931.

La seconde guerre mondiale voit à nouveau la fermeture du casino car les bâtiments sont réquisitionnés pour l'accueil des convalescents. Le reste de la ville est occupé par les allemands qui réquisitionnent les plus belles propriétés pour y loger leurs officiers généraux.

La guerre finie, le casino ne réouvrira ses portes qu'en 1946. Pendant les six années de fermeture la société détentrice du casino s'est reconvertie dans l'exploitation forestière et l'agriculture. Geoges Bassinet qui en est toujours le président va reprendre les choses en mains et entreprendre toute une série d'actions pour relancer le casino. Des séances de Guignol ainsi que toutes sortes d'attractions vont se développer. Le Grand Cercle devient le lieu d'accueil de galas prestigieux qui reçoit des vedettes célèbres comme Edith Piaf, Fernandel ou encore Yves Montand.

En 1947, le premier Rallye Lyon-Charbonnières a lieu. Il deviendra, par la suite, une épreuve internationale incontournable dans le calendrier de la compétition automobile. Il fait partie, avec le casino, des éléments qui contribuent à la notoriété de la ville.

En 1950, le bâtiment "La Rotonde" qui abrite la boule au rez de chaussée et le restaurant au premier étage sont construits. Des bureaux administratifs sont installés au premier étage du batiment initial. L'entrée du casino est transformée et une salle de cinéma est aménagée. Le pré Voltaire qui deviendra plus tard le parking du casino est racheté par la commune.

En 1952, le casino ouvre toute l'année pour la première fois de son existence.

En 1953, les nouveaux thermes sont inaugurées par le ministre de la santé, Paul Ribeyre. La casino ouvre la même année une salle de danse, "Le Copa Cabana", pouvant accueillir jusqu'à 300 personnes. Un festival de musique populaire réunissant près de 800 musiciens y est organisé. En 1955, c'est un festival de théâtre qui prendra place au casino. Les années 50 sont une période faste pour le casino qui deviendra un lieu de passage incontournable pour les artistes de l'époque comme Tino Rossi, les Platters, Joséphine Baker, etc. En 1957, Jacques Brel va rester trois semaines à l'affiche du casino.

En 1963, le casino ouvre son restaurant "La Sangria" qui deviendra vite un haut lieu réputé de la gastronomie. Il fermera ses portes en 1988 pour laisser place à la salle des machines à sous. La première cascade artificielle est érigée dans les rochers qui surplombent le casino. A cette même époque apparaissent les premiers troubles financiers du casino géré à l'époque par le gendre d'André Bassinet, Michel Blanchon.

En 1974, André Bassinet démissionne de la Société des Eaux Minérales, qui est cédée à un promoteur immobilier de Vienne, Charles Paltbedrossian, associé à un industriel du verre. Des rumeurs circulent à cette époque selon lesquelles le casino aurait été acheté grâce à l'argent d'un hold-up commis à la poste de Strasbourg, hold-up qui n'a jamais été élucidé. Charles Paltbedrossian revend à son tour le casino qui devient la propriété de la banque Worms. Celle-ci en restera propriétaire jusqu'en 1985, date de son acquisition par Albert Raineau, industriel de la viande, passionné de courses, qui va, lui aussi, alimenter la rubrique des faits divers.

En 1988, toujours sous la houlette de Albert Raineau, le casino de Charbonnières change de nom pour devenir Le Lyon Vert. C'est aussi l'année où les machines à sous font leur apparition en France dans seize casinos autorisés à les exploiter : le Lyon Vert en fait partie. Il possède déjà à l'époque le plus grand parc de machines à sous de France, c'est à dire 180, qui sont implantées à la place de "La Sangria" du fait de l'urgence de l'installation et du manque d'espace disponible dans le périmètre du casino. .

La première affaire louche qui va entamer la réputation du casino et de ses propriétaires s'est produite en 1990. Norbert Broch, petit malfaiteur bien connu des services de police est froidement abattu sur le parking du casino. A partir de ce moment les choses vont aller de mal en pis.

Le 6 février 1991, les policiers de la sous-direction des courses et des jeux arrêtent cinq personnes du comité de direction du Lyon Vert, dont Albert Raineau, PDG de la Sathel, société exploitante du casino. Il sera inculpé le 13 février 1991 "d'abus de biens sociaux" et "d'infraction à législation sur les jeux". Le casino ferme ses portes, sous le coup d'une sanction du ministère de l'intérieur, et les 187 employés sont mis au chômage technique. C'est à ce moment que le groupe Partouche fait son entrée en scène.

En avril 1991, Isidore Partouche, déjà propriétaire de onze établissements de jeu, acquiert 34% des parts de la Sathel. En effet, il rachète 17% à Lucien Wilms, homme d'affaire belge, fils du fondateur des machines à sous Bally's et 17% à Lucien Rayneau. L'objectif à long terme d'Isidore Partouche est de racheter d'autres parts afin de détenir plus de 50% du capital de la Sathel. "J'ai acheté avec des garanties de réouverture" déclare-t-il dans une interview au Figaro 181 . Il faut dire quand même qu'il a racheté les parts du Lyon Vert à un prix nettement inférieur à celui qu'il aurait dû payer normalement pour un casino de cette envergure. Isidore Partouche devient le nouveau PDG, remplaçant Gérard Duvauchel qui reste responsable du développement hôtelier. Il nomme Hubert Benhamou, son gendre, 43 ans, directeur général du Lyon Vert. Ce dernier bénéficie d'une "excellente réputation" 182 , ce qui est très important pour la réhabilitation de l'image de ce casino dont la réputation est entachée par les différents scandales qui ont eu lieu. Sa stratégie est la suivante : "‘je veux faire du Lyon Vert le troisième établissement français. Nous allons changer beaucoup de choses ici, en commençant par revoir la décoration des lieux, vraiment trop tristounnets à mon goût’" 183 . Cette déclaration marque le début d'une politique de communication constante qui va viser à changer l'image de marque du casino.

Notes
181.

- "La "Magnifique" affaire de Monsieur Partouche", Le Figaro , 6/4/91.

182.

- "L'esprit Partouche", Le Figaro, 9/4/91.

183.

- Ibid.