a- Atlantic city - New jersey

Le référendum dans l'état du New Jersey qui a permis la légalisation des casinos dans la ville d'Atlantic city en 1976 a été le dernier auquel les votants ont répondu "oui". Par la suite, les autres tentatives dans les états de New York, de la Floride, du Texas et de la Floride ont échoué.

Dans les années 70 la ville d'Atlantic City était en plein déclin touristique. Les hôtels étaient devenus vieux et sales par rapport aux nouveaux "resorts" qui apparaissaient dans les Caraïbes. Le taux de remplissage avait chuté de 40%. La population locale avait diminué de 20%. La ville avait perdu 4500 emplois entre 1960 et 1970, le chômage était en hausse. Il fallait des mesures d'urgence draconiennes pour redorer le blason de la ville. En novembre 1974, les habitants du New Jersey avaient rejeté à 1,2 millions contre 800 000 voix la légalisation des casinos. Puis en 1976, un nouveau référendum a obtenu une majorité de "oui" et les casinos ont enfin pu voir le jour dans l'état mais seulement dans la ville d'Atlantic City 243 . L'échec de la campagne de 1974 est en partie attribué au fait qu'aucun endroit précis pour la construction des casinos n'était mentionné alors qu'en 1976 la campagne mentionnait la ville d'Atlantic City et seulement elle. En 1974, les gens avaient peur de voir des casinos s'établir près de chez eux, en 1976 ils étaient rassurés. Pour W N. Thompson et J.Dombrink 244 , le soutien d'hommes politiques tel que le gouverneur de l'état et autres législateurs (ce qui n'était pas le cas en 1974) a été déterminant. Les difficultés économiques qu'avait rencontré l'état, notamment avec la récession de 1974 qui avait abouti à une nouvelle taxe en 1975, avaient souligné le besoin de revitalisation des finances locales. En janvier 1976, le gouverneur donne son soutien à la campagne et désamorce l'opposition en insistant sur le fait que :

  • seule la ville d'Atlantic City aura l'autorisation de construire des casinos ;
  • le mode de gestion des casinos sera privé (il n'y aura pas d'argent public investi dans ce projet ; en revanche, les casinos rapporteront de l'argent aux finances publiques) ;
  • il y aura un dégrèvement des taxes grâce aux casinos pour les personnes âgées et les handicapés.

La ville avait besoin de nouvelles sources de financement pour son développement urbain. L'argent rapporté par le jeu à l'état permettrait de financer les nouveaux projets d'aménagement, de construire de nouveaux hôtels, de revitaliser toute l'industrie touristique de l'état. Mais aussi, cela permettrait de venir en aide aux plus défavorisés et de leur assurer un soutien, notamment au niveau médical, que la ville ne pouvait plus se permettre. Le gouverneur Byrne déclare que l'expansion des casinos sur la côte Est est inévitable et appelle au sens de la fierté et des responsabilités des habitants du New Jersey concernant leur état. Les casinos sont le seul moyen de sauver l'état de la faillite. Le gouverneur est suivi par la plupart des hommes publics de l'état dont le chef de la police W. Ten Brink. Tout est fait pour réhabiliter l'image du jeu et le soutien d'hommes publics influents légitime cette position. D'énormes fonds sont investis dans la campagne. Les enjeux économiques liés à la légalisation des casinos sont très élevés (et c'est l'argument majeur de la campagne), et les partisans de cette légalisation mettent tous les atouts de leur côté. L'homme choisi pour réaliser la campagne de communication est Sanford Weiner. Il a la réputation de réussir : sur 172 campagnes qu'il a menées, 157 ont été un succès. Les médias sont saturés de publicité et de témoignages en faveur des casinos, 245 notamment lors des moments d'indécision, et des milliers de tracts sont distribués. Le thème essentiel est que le jeu n'est plus un vice, mais un loisir sociablement acceptable. Contrairement à l'alcool et à la drogue, le jeu ne conduit pas nécessairement à la maladie. Les casinos seront un bien pour l'état. Certes il y a le problème de la mafia soulevé par les opposants. Celle-ci a la réputation d'être très liée au jeu aux États-Unis, avec l'exemple de l'origine de Las Vegas qui était gérée par la pègre (les gens ont conservé cette image, et elle "colle" au jeu). Cette peur mythique est très vite atténuée par la promesse de contrôles très stricts de la part de l'état (argument repris pour la construction d'un casino dans la cité internationale à Lyon. cf. infra). On fait appel à la conscience du bon citoyen : “When you vote "yes" for casinos in Atlantic City and only in Atlantic City — you'll helping yourself. Because every resident in New Jersey will benefit directly” 246 (il est prévu un revenu annuel des taxes de 58 millions de dollars). Ce qui est un moyen de dire : si vous votez "non", la ville péréclitera et ce sera votre faute. On culpabilise le citoyen pour l'amener à accepter la légalisation des casinos.

L'opposition à la légalisation des casinos en 1974 était surtout centrée autour de dirigeants de congrégations religieuses qui prêchaient contre l'amoralité du jeu. En 1976, ils renouvellent leur opposition contre le jeu et sont accompagnés par ceux qui réclament un renforcement des lois. Ces derniers sont préocupés par le fait que la légalisation des casinos amènera selon eux une infiltration du crime organisée dans l'Etat. Le procureur Jonathan Goldstein met en garde la population contre les casinos qui attireront les criminels à Atlantic City, causeront des dommages irréparables à la communauté et ne bénéficieront qu'à une toute petite partie des habitants. Selon ses propos, une augmentation des problèmes sociaux et familiaux s'ensuivra, il y aura une hausse de la criminalité et de la corruption des dirigeants de l'Etat. 247 Ils sont activement soutenus par le New York Time dans ses éditoriaux (par exemple : “Degrading Atlantic City”). Mais ils échouent, par manque de coordination et manque d'homogénéisation des différents groupes (notamment un manque d'unification des thèmes), mais aussi par manque de moyens financiers pour leur campagne (alors que les différents groupes religieux ont engagé $22 000 dans la campagne en 1976, les supporters des casinos en ont engagé $1,3 million pour faire basculer le vote en leur faveur). De plus la plupart des hommes politiques influents de l'Etat sont dans le camp opposé et trouvent des arguments pour combattre les angoisses de la population. Les casinos représenteront un potentiel de développement économique important pour l'Etat, un revenu fiscal élevé, ils seront contrôlés de manière très stricte. Ce ne sont pas des gangsters qui viendront, mais des touristes (argument repris à Lyon) attirés par les nouveaux "resorts" et attractions qu'offrira la ville et tout cela créera des emplois. Le débat est centré sur les bénéfices économiques et laisse peu de place aux questions sociales

Notes
243.

- Sternlieb G, W. Hughes James, T he Atlantic City gamble, Harvard university press, Massachsetts, 1983.

244.

- Thompson N William et Dombrink John , The last resort, University of Nevada press, Las Vegas, 1990.

245.

- Par exemple cette déclaration d'un propriétaire d'une station service dans le New York times, le 18 juillet 1976 : If we don't get it this time, you might as well put a fence around Atlantic city and put a sign "ghost town".

246.

- Ndt. “quand vous voterez "oui" pour l'implantation des casinos à Atlantic City et seulement à Atlantic City — vous le faites pour vous – parce que chaque habitant du New jersey en bénéficiera directement”

247.

- Thompson N William et Dombrink John , The last resort, University of Nevada press, Las Vegas, 1990.