1- L'implication de L'État dans la gestion des jeux d'argent 262 : le Québec

Le modèle québecois en matière d'intervention de l'Etat dans la gestion et la régulation des jeux d'argent est sûrement un des plus représentatifs. En effet, après s'être aperçu que le jeu illégal prenait des dimensions importantes au Québec, l'Etat a décidé de légaliser les jeux d'argent et de prendre en main la totalité de leur gestion. Elle relève de trois organismes principaux :

  • Le ministère des finances qui délivre des conseils au gouvernement sur les politiques économiques, fiscales et budgétaires.
  • La régie des alcools, des courses et des jeux, qui fait respecter la loi sur toutes les formes de jeux. Elle conseille le ministre de la sécurité sur les questions de criminalité et les répercussions sociales imputables au jeu.
  • La société Loto-Québec gère les loteries mais aussi les casinos d'État par le biais de sa filiale la Société des casinos du Québec.

Nous avons pris l'exemple du Québec car son mode de gestion nous paraissait intéressant du fait de cette forte intervention de l'Etat. La plupart des opposants à la légalisation des jeux d'argent au Québec s'accordent à dire que celle-ci est "‘un compromis acceptable, voire un mal nécessaire [...] au nom d'une stratégie de moindre mal’ 263 " puisque de toute façon une législation des jeux devenait obligatoire devant le développement trop important des jeux illégaux. Il est préférable que ce secteur relève de l'Etat plutôt que d'individus ou de groupes criminels. Les profits tirés de ce secteur d'activité seraient ainsi redistribués de manière peut-être plus équitable. "‘Ces sommes contribuent à l'équilibre financier et au maintien des activités de l'Etat, et l'intervention de celui-ci semble donc à cet égard tout à fait légitime et fondé’ 264 ". Ils constituent en particulier une source de financement pour diverses causes charitables ou organismes à but non lucratifs comme des associations de personnes âgées, des fondations au sein d'hôpitaux, etc. Depuis 1978, l'Etat leur a versé, grâce aux sommes provenant du jeu, des centaines de millions de dollars. Le fait que l'argent du jeu n'aille pas à des particuliers ou à des groupes d'investissements rend cette activité mieux acceptée par les opposants aux jeux. Cela confère aussi une sorte de légitimité à ce secteur d'activités du fait de l'honnêté reconnue de ses gestionnaires. Le seul problème rencontré, qui va dans le sens de l'argumentation, cette fois, des opposants à la participation de l'Etat dans la gestion des jeux, est l'augmentation significative du nombre de joueurs pathologiques. La facilité d'accès de ces jeux, notamment pour les vidéo-loteries, est pour ces opposants la première cause de cette croissance. Ils pensent aussi que cette expansion, même si elle est fortement encadrée, doit s'arrêter. Pour répondre à ces critiques, l'Etat a mis en place toute sorte de réponses avec notamment le subventionnement d'un programme de recherche et d'aide pour le traitement des joueurs pathologiques 265 . Le volet le plus important de ces décisions consiste dans la mise en place d'un programme de prévention sous forme d'une campagne de sensibilisation et d'information sur le jeu et ses conséquences possibles . Les casinos québecois ont aussi mis en place un certain nombre de mesure comme l'interdiction de crédit aux joueurs, l'interdiction de consommer de l'alcool dans les aires de jeux, une ligne téléphonique d'aide aux joueurs, et la mise à disposition de dépliants sur la maladie du jeu ainsi qu'un programme d'auto-exclusion . Encore une fois, dans l'opinion publique, cette méthode de gestion du jeu par l'Etat exige une réponse beaucoup plus rapide aux problèmes sociaux rencontrés que la gestion privée. Loto-Québec se veut une entreprise responsable et solidaire. Elle veut aussi avoir une image positive auprès du public pour légitimer son activité. C'est pour cela qu'elle essaie de "‘concilier les objectifs commerciaux et les impératifs de la société d'Etat qu'elle constitue’" 266 . A travers cet exemple se pose aussi la question du rôle de l'Etat notamment avec la question du "bien commun". Le dilemme consiste dans le fait que l'Etat doit faire contrepoids à une situation qu'il crée, car, en exploitant les jeux d'argent, il contribue à la ruine de la santé morale d'un certain nombre d'individus‘. "Mais le rôle de l'Etat est-il de protéger les individus contre eux-mêmes ?’" 267 L'argument avancé est que le jeu contribue à faire vivre un certains nombres d'organisations qui ne pourraient exister sans cela. Cependant il nous faut retenir dans cet exemple que la gestion du jeu par l'Etat semble rencontrer moins d'oppositions sur la question de la légalisation qu'une gestion privée.

Notes
262.

- Laflamme Ghislain, Régie des alcools, des courses et des jeux, Le "dilemme que pose la gestion du jeu par l'Etat, un mal nécessaire pour le bien commun", communication présentée à la Third European conference on gambling studies and policy issues, Munich, july 1998.

263.

- Ibid.

264.

- ibid.

265.

- Loto-Québec a subventionné la création d'un centre de recherche sur la prévention et le jeu pathologique dont le directeur Robert Ladouceur est mondialement reconnu pour ses travaux. Il a d'ailleurs reçu en 1996 le prix du Research Award du National Council on problem gambling des Etats-Unis.

266.

- Rapport annuel 1996-1997 de la société Loto-Québec.

267.

- Laflamme Ghislain, Régie des alcools, des courses et des jeux, Le dilemne que pose la gestion du jeu par l'Etat, un mal nécessaire pour le bien commun, communication présentée à la Third European conference on gambling studies and policy issues, Munich, july 1998.