2- La loi de 1988 : exemple de quelques villes concernées

Loi 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation. Article 57.

‘"A compter du 1er janvier 1988, l'ensemble des dispositions applicables aux communes classées stations balnéaires, thermales ou climatiques, sont étendues aux villes ou stations touristiques constituant la ville principale d'une agglomération de plus de 500 000 habitants et participant pour plus de 40%, le cas échéant avec d'autres collectivités territoriales , au fonctionnement d'un centre dramatique, d'un orchestre national et d'un théâtre d'opéra présentant en saison une activité régulière d'au moins vingt représentations lyriques".’

La nouvelle catégorie de communes concernée par cette loi doit répondre à trois critères : démographique, touristique et culturel. Pour la première fois depuis 1907, les possibilités d'implantation d'un casino sont élargies et notamment aux grandes villes comme Lyon, Bordeaux, Toulouse ou Marseille. Paris reste soumis à la loi de juillet 1931 qui interdit les casinos dans un rayon de 100 kms autour de la capitale. On aurait pu penser que les villes concernées allaient toutes se dépêcher de profiter de cette nouvelle opportunité, mais ce n'est pas le cas. Il va falloir attendre 12 ans pour que le premier casino qui bénéficie de cette loi ouvre ses portes : Le Grand Casino de Lyon construit dans l'hôtel Hilton de la Cité Internationale de Lyon (mars 2000). Le prochain casino concerné sera implanté dans la ville de Bordeaux. Des villes qui pourraient bénéficier de cette loi comme Marseille ou Toulouse par exemple ont refusé d'accueillir un casino dans leurs murs. Dominique Baudis, maire de Toulouse, s'est vivement élevé contre cette opportunité 299 . Mais son argumentation relève pourtant du même modèle que celui des municipalités qui ont fait accepter un casino à leurs conseils municipaux. Il n' y a pas selon lui de "nécessité absolue" pour construire un casino dans la ville de Toulouse : en effet la ville est en bonne santé financière ; l'activité économique est importante ; la ville n'est pas endettée. "‘La capitale de la région Midi-Pyrénées correspond parfaitement, admet-il, aux critères définis par le texte législatif et par les établissements de jeux. Un casino, ajoute-t-il, peut créer des emplois. Il pourrait même amener à la municipalité une recette budgétaire supplémentaire par le biais de l'impôt’" 300 . Mais, pour le maire de Toulouse, la construction d'un casino comporte aussi des risques, et il préfère rester sur sa position et attendre de voir comment les choses évolueront pour les grandes villes qui choisiront d'avoir un casino comme Lyon. "‘Certains élus pensent qu'il y a un risque électoral à créer un casino dans leur ville’" affirme Philippe Lazare, directeur général du groupe Barrière. "‘C'est lié au fait que le jeu ne fait pas forcément l'unanimité, qu'il n'a pas forcément une bonne image’" 301 . Comme nous le verrons dans le cas de la ville de Lyon, Raymond Barre, même s'il a donné son feu vert pour la construction du casino, a fait preuve d'une attitude très réservée dans ses opinions.

La ville de Marseille est une de celles qui ont refusé d'avoir un casino. En effet, cette ville, affligée déjà d'une mauvaise réputation liée aux affaires mafieuses qui l'ont agitée, notamment concernant l'exploitation non autorisée des machines à sous dans certains bars de la ville, le maire ne voulait pas donner une raison supplémentaire à l'opinion publique de discréditer l'image de la ville 302 . "‘Quand Lyon ou Bordeaux font un casino, personne ne sourit. Mais Marseille n'a pas la même réputation. Chez nous, il aurait été assimilé au grand banditisme et aurait nui à notre réputation" explique Renaud Muselier, qui suit la position du maire’ ‘ 303 ’ ‘. Il est vrai que de toute façon les casinos fleurissent sur le littoral autour de Marseille donc il n'y a pas de besoin réel d'un nouvel établissement.. Mais pour René Muselier de toute façon, "Un jour, Marseille aura son casino’" 304 .

Bordeaux rentre dans un cas de figure différent. La ville a une réputation plutôt tranquille. La construction d'un casino pourrait se révéler un atout supplémentaire sous le point de vue du tourisme. C'est ce que pense Alain Juppé, maire de la ville en 1997 quand il donne son accord le 24 février. Par contre la construction du casino ne se ferait pas en centre ville mais dans le quartier du Lac au milieu d'un centre hôtelier et à proximité des infrastructures accueillant les salons et congrès 305 . Alain Juppé voit aussi un moyen dans cette décision de faire "de substantiels profits économiques" à la ville de Bordeaux 306 . Le casino se dotera aussi d'une salle de spectacle polyvalente, ce qui représente un atout supplémentaire pour la ville. Hugues Martin, premier adjoint au maire, avait défini ce projet avant qu'il ne soit adopté en ces termes : "‘au nom de la nécessité d'animation de la ville à travers le tourisme l'une des priorités d'Alain Juppé’" 307 . L'appel d'offre mettra en concurrence quatre candidats dont le groupe Partouche (les autres sont le groupe Accor, le groupe Barrière et le groupe Moliflor). C'est le groupe Accor qui va être choisi pour réaliser ce projet qui normalement devrait voir le jour avant la fin de l'année 2000.

Comme nous avons pu le voir les casinos ne font pas l'unanimité auprès des hommes politiques locaux. La prise de décision et le risque qu'elle représente en terme d'image, la leur et celle de leur ville, fait que la plupart sont dans une position d'attente ou de rejet. Il est vrai que comme pour tous les sujets un peu sensibles la prise de position peut représenter un risque en terme électoral. Même si l'image du jeu et des casinos a beaucoup changé et que, de plus en plus, les casinos sont intégrés dans les communes comme des éléments du développement touristique, certains hommes politiques ne sont pas prêts à prendre ce risque.

Notes
299.

. Ceaux Pascal, "Les casinos tentent de conquérir les centres des grandes villes", Le Monde, 17/9/99.

300.

- Ibid.

301.

- Ibid.

302.

- P. C, "La guerre des machines à sous dans le milieu marseillais", Le Monde, 17/10/1999.

303.

- F.C, "Pourquoi Marseille a dit Non au casino", Lyon Capitale, du mercredi 10 au mardi 16 mars 1999.

304.

- Ibid.

305.

- Cherruau Pierre, "Bordeaux va se doter d'un casino", Le Monde, 24/10/99.

306.

- Cougoule J.C, "Feu vert municipal pour un casino", l'Hôtellerie, 3/4/97.

307.

- "Probable délibération en mars", Sud Ouest, 16/1/96.