Université Lumière – Lyon 2
Institut de psychologie
Traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées : approche neuropsychologique
Thèse en psychologie cognitive
sous la direction d’Olivier KOENIG
soutenue le le 7 janvier 2000
Composition du jury :
Muriel BOUCART, Chargée de Recherche, Rapporteur
Ken KNOBLAUCH, Maître de conférence
Olivier KOENIG, Professeur, Directeur de Thèse
Jacques VAUCLAIR, Professeur, Rapporteur

Remerciements

Je tiens tout d'abord à remercier Le Professeur Olivier Koenig pour m'avoir donné envie de faire cette recherche et m'avoir fourni tous les moyens nécessaires pour la mener à bien. J'ai pu, durant toutes ces années, bénéficier de ses conseils et de sa rigueur scientifique. Enfin, son soutien et son enthousiasme m'ont, de nombreuses fois, redonné confiance, et aidé à réaliser ce travail.

Je remercie vivement le Docteur Muriel Boucart et le Professeur Jacques Vauclair pour avoir accepté d'être les rapporteurs de ma thèse. Je remercie aussi le Docteur Ken Knoblauch pour avoir bien voulu faire partie de mon jury.

J'ai, durant mes trois années de thèse, pu rencontrer de nombreux chercheurs et avoir avec eux des discussions scientifiques. C'est grâce à ces interactions que j'ai pu faire avancer mon travail. Je tiens donc à remercier, en particulier, le Docteur Nathalie Bedoin, le Docteur Muriel Boucart, le Professeur Jean-Claude Bougeant, le Docteur Sandrine Delord, le Professeur Glyn Humphreys et le Docteur Christoph Segebarth.

Je remercie aussi les nombreuses personnes qui ont accepté de participer à mes expériences et qui ont pris sur leur temps pour me permettre d'effectuer mes recherches.

Pour leur soutien, et leurs encouragements, je remercie les différents membres du Laboratoire d'Etudes des Mécanismes Cognitifs et en particulier Sandrine Bélier, Nathalie Bedoin, Baya Boudia, Céline Borg, Sandrine Delord, Frédéric Devinck, Pascale Michelon, Brigitte Nevers, David Sander, et Sandrine Honoré.

Ces remerciements ne pourraient être complets s'ils n'incluaient pas mes amis et ma famille. Merci à Candice, Eric, Estelle, Frantz, Frédéric, Isabelle, Jérôme, Karine, Ludovic, Nicolas, Patricia, Peggy, Romain, Sophie et Yves pour tous les bons moments passés ensemble et surtout pour m'avoir accordé leur amitié. Concernant plus particulièrement cette thèse, je remercie Yves d'avoir bien voulu ajouter cette volumineuse copie à toutes celles qu'il doit corriger chaque jour, et Karine et Romain, qui, traversant les mêmes épreuves que moi, m'ont été d'un grand secours.

Un petit mot en particulier à Cécile qui a fait ses premiers pas avec moi et que je considère comme une soeur. Je te souhaite tout le bonheur que t'apporte déjà, je crois, ton petit maxime.

Un grand merci à toute ma famille, et, en particulier, à mes parents, Yvan et Anne-Marie, sans qui cette thèse n'aurait sans doute jamais vu le jour. Merci d'avoir cru en moi, de m'avoir toujours soutenue, et poussée en avant. Merci à ma soeur, Valérie, à Yann, mon beau-frère, à Robin et à Jules, leurs enfants, qui m'ont énormément aidé, chacun à leur manière.

Enfin, je remercie la région Rhône-Alpes pour m'avoir permis de réaliser cette thèse dans les meilleures conditions possibles en m'apportant son soutien financier.

Avant-propos

Nous sommes capables de reconnaître et d'identifier la plupart des stimuli de notre environnement et cela malgré les diverses configurations que peuvent prendre certains objets et malgré les similarités qui peuvent exister entre deux objets.

Pour parvenir à cela, nous disposons d'un système visuel extrêmement complexe et élaboré qui ne doit pas être considéré comme un tout mais au contraire comme une entité divisible en différents sous-systèmes (ou groupes de neurones) traitant chacun un type particulier d'information et interagissant entre eux.

Parmi ces sous-systèmes, deux d'entre eux font l'objet de cette thèse : le sous-système d'encodage des relations spatiales catégorielles et le sous-système d'encodage des relations spatiales coordonnées (Kosslyn, 1987). Le premier spécifie les positions relatives des différents éléments les uns par rapport aux autres (e.g., au-dessus, à droite) et est particulièrement important pour reconnaître des objets vus sous différentes configurations. Le second spécifie les distances métriques séparant les éléments dans l'espace et est particulièrement important pour reconnaître des objets comme les visages, mais aussi pour diriger les mouvements dans l'espace.

Cette thèse est divisée en deux grandes parties. La première constitue une introduction théorique et la seconde présente les différentes expériences réalisées afin de d'étayer nos connaissances sur la localisation, le fonctionnement et les interactions entre les deux sous-systèmes de traitement des relations spatiales définis précédemment.

La partie théorique est divisée en trois chapitres. Le premier est consacré à la synthèse de nos connaissances actuelles de l'anatomie et de la neurophysiologie du système visuel du primate, qui est généralement considéré comme un bon modèle du système visuel de l'homme. Les différentes données présentées concourent à montrer l'existence de deux voies de traitement distinctes de l'information visuelle : une voie ventrale, occipito-temporale, dédiée au traitement de la forme et de la couleur des objets et une voie dorsale, occipito-pariétale, dédiée au traitement de la position et du mouvement des objets.

Le deuxième chapitre s'inscrit en continuité du premier et montre que la distinction anatomique et neurophysiologique entre les deux voies de traitement est corroborée par les résultats d'études anatomo-fonctionnelles et comportementales réalisées chez le singe et chez l'homme. Ce deuxième chapitre met l'accent sur la notion de division du travail entre les deux voies de traitement et au sein de celles-ci. Il montre aussi qu'il existe des différences de traitement selon les hémisphères cérébraux.

Le troisième chapitre est plus spécifique et constitue une revue des arguments théoriques et expérimentaux qui sous-tendent la distinction entre deux sous-systèmes distincts, au sein de la voie dorsale, du traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées. En particulier, la plupart des études expérimentales, réalisées chez l'homme, montrent que le sous-système de traitement des relations spatiales catégorielles est sous-tendu par l'hémisphère gauche alors que le sous-système de traitement des relations spatiales coordonnées est sous-tendu par l'hémisphère droit, bien que la manipulation de certaines variables expérimentales ait parfois empêché l'observation d'une telle asymétrie. Si l'on considère que les sous-systèmes de traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées sont sous-tendus par les lobes pariétaux, la localisation exacte de ces sous-systèmes n'a cependant pas été recherchée. Par ailleurs, de nombreuses études, ayant utilisé la méthode de présentation en champs visuels divisés, ont montré que l'avantage initial de l'hémisphère droit pour les jugements de relations spatiales coordonnées disparaissait avec la pratique et que cet effet était généralement dû à une amélioration des performances de l'hémisphère gauche. Bien que diverses hypothèses aient été avancées, cet effet de pratique n'a pas été réellement approfondi. Enfin, il existe certaines controverses concernant, en particulier, le rôle de l'identification dans les jugements de relations spatiales catégorielles et coordonnées et l'influence, d'une part, des distances métriques sur les jugements catégoriels et, d'autre part, des positions relatives sur les jugements coordonnés.

Ainsi, si la distinction entre les deux sous-systèmes de traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées a trouvé de nombreux appuis, certains points demandent encore à être étudiés. Pour cela huit expériences ont été réalisées et sont présentées au sein de trois chapitres dans la partie expérimentale.

Le premier chapitre présente trois études, les deux premières (expérience 1 et 2) ayant utilisé la méthode de présentation en champs visuels divisés et la troisième la méthode d'imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf ; expérience 3). Les expériences 1 et 2 avaient deux objectifs. Le premier était de nous permettre d'établir le meilleur protocole pour l'expérience d'IRMf et notamment de choisir le meilleur délai de réponse à accorder aux sujets pour qu'ils aient le temps de répondre mais en même temps qu'ils soient contraints de rester concentrés. Le deuxième objectif était de tester si les contraintes temporelles pouvaient affecter l'effet de pratique observé dans les tâches coordonnées. L'expérience 1 nécessitait des sujets qu'ils traitent en continu (i. e., sans pause) des stimuli composés d'un carré et d'une barre. L'expérience 2 nécessitait, en plus du traitement en continu, que les sujets répondent dans un délai limité de 850 ms. Dans ces deux expériences, la tâche du sujet consistait à indiquer si la distance entre les deux stimuli était supérieure ou inférieure à une distance critique (tâche coordonnée). Les résultats de ces deux expériences ont montré, d'une part, qu'il n'était pas souhaitable d'imposer un délai de réponse inférieur à 850 ms et, d'autre part, que l'avantage initial de l'hémisphère droit (observé sur les temps de réponse dans la première expérience et sur le nombre de bonnes réponses dans la seconde expérience) disparaissait rapidement. Néanmoins, cet avantage réapparaissait en cours de test dans l'expérience 2. Ces résultats sont discutés en référence à la sensibilité, aux manipulations expérimentales, de la méthode de présentation en champs visuels divisés. L'expérience 3 (en IRMf) avait pour objectifs, d'une part, de localiser les aires cérébrales impliquées respectivement dans le traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées et, d'autre part, de vérifier que la disparition de l'avantage de l'hémisphère droit dans les tâches coordonnées était bien due à un engagement progressif de l'hémisphère gauche. Les sujets ont subi deux examens. Dans le premier, ils devaient réaliser des jugements coordonnés (i. e., indiquer si la distance entre un carré et une barre était supérieure ou inférieure à une distance critique) et, dans le deuxième, ils devaient indiquer si le carré se trouvait au-dessus ou au-dessous de la barre. Les résultats ont montré une activation plus importante du gyrus angulaire gauche que du gyrus angulaire droit dans l'examen "catégoriel" et une activation initialement plus importante du gyrus angulaire droit que du gyrus angulaire gauche dans l'examen "coordonné". De plus, dans l'examen "coordonné", l'activation du gyrus angulaire droit diminuait avec la pratique alors que l'activation du gyrus angulaire gauche augmentait. L'implication de ces différents résultats sur le plan théorique est développée.

Le deuxième chapitre expérimental présente trois nouvelles expériences (expériences 4, 5, et 6) qui ont été réalisées afin de mieux comprendre l'effet de pratique observé dans les tâches coordonnées et de choisir entre deux grandes classes d'hypothèses qui ont été avancées pour expliquer cet effet. La première classe d'hypothèses est que l'hémisphère gauche développe, avec la pratique, de nouvelles catégories de positions. La seconde classe d'hypothèses est que l'hémisphère gauche apprend, avec la pratique, à effectuer des jugements coordonnés. Trois expériences, utilisant la méthode de présentation en champs visuels divisés, ont été réalisées. Pour chacune d’elles les sujets devaient réaliser un jugement coordonné : juger si la distance entre un carré et une barre était supérieure ou inférieure à une distance critique. Dans l'expérience 4, trois distances critiques étaient utilisées et les sujets réalisaient trois blocs d’essais consécutifs pour chaque distance. Dans l'expérience 5, la distance critique variait à chaque bloc. Enfin, dans l'expérience 6, une distance critique était présentée à chaque essai. Le changement de distance critique en cours d’expérience avait pour but d’augmenter la difficulté d’élaboration de nouvelles représentations de relations spatiales catégorielles afin de prolonger l’avantage de l'hémisphère droit. Dans les deux premières expériences, l’avantage de l'hémisphère droit n’a été observé que pour le premier bloc d’essais. Cependant, dans la troisième expérience, les résultats ont cette fois mis en évidence un avantage général de l'hémisphère droit. Les résultats sont interprétés en référence aux différentes hypothèses avancées pour expliquer l'effet de pratique dans les tâches coordonnées.

Le troisième chapitre présente deux expériences (expérience 7 et 8) ayant pour objectifs, d'une part, de mieux comprendre le rôle de l'identification dans les jugements catégoriels et coordonnés et, d'autre part, d'étudier l'effet des positions exactes sur les jugements catégoriels et des positions relatives sur les jugements coordonnés. Dans chacune de ces expériences, utilisant la méthode de présentation en champs visuels divisés, les sujets réalisaient soit une tâche catégorielle, soit une tâche coordonnée, sur des stimuli composés d'une barre, d'un carré et d'une croix. Dans la tâche catégorielle, les sujets devaient indiquer si le carré (expérience 7) ou la croix (expérience 8) était au-dessus ou au-dessous de la barre. Dans la tâche coordonnée, les sujets devaient indiquer si la distance entre la barre et le carré (expérience 7) ou entre la barre et la croix (expérience 8) était supérieure ou inférieure à une distance critique. Les expériences 7 et 8 différaient entre elles par la taille de la croix et celle du carré qui étaient plus importantes dans l'expérience 8 que dans l'expérience 7. Les résultats l'expérience 7 (conditions difficiles d'identification) ont révélé, au niveau des temps de réponse, une interaction entre les facteurs tâche et hémisphère avec un avantage de l'hémisphère gauche dans la tâche catégorielle mais pas de différence hémisphérique dans la tâche coordonnée. Cependant, un avantage de l'hémisphère droit a été observé dans l'analyse du nombre de bonnes réponses pour les sujets ayant réalisé la tâche coordonnée. Les résultats de l'expérience 8 (conditions faciles d'identification) ont aussi montré, au niveau des temps de réponse, une interaction entre les facteurs tâche et hémisphère avec un avantage de l'hémisphère gauche dans la tâche catégorielle et un avantage de l'hémisphère droit dans la tâche coordonnée. Cependant, un avantage général de l'hémisphère droit a été observé au niveau du nombre de bonnes réponses à la fois pour les sujets ayant réalisé des jugements coordonnés et pour les sujets ayant réalisé des jugements catégoriels. Concernant l'influence de la position exacte sur les jugements catégoriels et de la position relative sur les jugements coordonnés, les résultats obtenus différaient d'une expérience à l'autre. Ces différents résultats sont discutés en références aux données théoriques.

Une synthèse des différents résultats clôt ces trois chapitres expérimentaux. Quelques pistes de recherche sont ensuite proposées.