3.1.1. Un ou deux sous-systèmes ?

L'hypothèse selon laquelle les relations spatiales catégorielles et coordonnées seraient mieux traitées dans deux sous-systèmes que dans un seul a été testée par Kosslyn, Chabris, Marsolek, et Koenig (1992) en utilisant un paradigme de partition de réseaux connexionnistes développé par Rueckl et al. (1989). Ce paradigme consiste à tester l'efficacité respective de deux types de réseaux de neurones dans la réalisation de deux tâches. Pour cela, deux réseaux ont été élaborés. Chaque réseau était composé de trois couches d'unités : une couche d'unités d'entrée, une couche d'unités cachées, et une couche d'unités de sortie. Dans l'un des réseaux (non-divisé), toutes les unités d'entrée étaient connectées à toutes les unités cachées qui étaient elles-mêmes connectées à toutes les unités de sortie. Dans l'autre réseau (divisé), une partie des unités cachées étaient connectées aux unités de sortie d'une des deux tâches et une autre partie était connectée aux unités de sortie de l'autre tâche. Dans l'une des tâches (catégorielle), les réseaux devaient déterminer si un point était au-dessus ou au-dessous d'une barre. Dans l'autre tâche (coordonnée), les réseaux devaient déterminer si la distance entre le point et la barre était supérieure ou inférieure à une distance critique. L'entraînement des réseaux était réalisé en utilisant un algorithme de rétro-propagation de l'erreur (Rumelhart, Hinton, & Williams, 1986). Cette méthode consiste schématiquement à faire effectuer un premier appariement entrée-sortie au réseau. La sortie produite est alors comparée à la sortie voulue. En cas d'erreur, certains paramètres du réseau sont réajustés et un nouveau cycle d'appariements est effectué. S'il est à nouveau erroné, on remodifie les paramètres du réseau et ainsi de suite jusqu'à ce que l'appariement soit bon. Pour mesurer l'efficacité des réseaux, le taux d'erreur est évalué au bout d'un nombre de cycles prédéfinis. Kosslyn et al. (1992) ont pu montrer, en utilisant cette méthode, que le réseau non divisé était moins performant que le réseau divisé. Ce résultat semble confirmer l'hypothèse selon laquelle les relations spatiales catégorielles et coordonnées sont conceptuellement distinctes. Cependant, on peut se demander si la supériorité du réseau divisé provient de la différence qualitative entre les appariements entrée-sortie nécessaires dans chaque tâche ou si les réseaux divisés sont, d'une façon générale, plus performants que les réseaux non divisés. Pour tester cette hypothèse, Kosslyn et al. (1992) ont conçu deux nouveaux réseaux, l'un divisé, l'autre non, et ils les ont entraînés à réaliser deux tâches demandant toutes deux un traitement coordonné (appariement entrée-sortie qualitativement similaire). Les résultats ont montré que, cette fois, c'est le réseau divisé qui était le moins performant. Cela indique qu'un réseau divisé n'est pas toujours plus adapté, mais qu'il l'est quand les tâches impliquent des appariements entrée-sortie qualitativement différents. Ces résultats montrent donc qu'un réseau divisé est plus efficace pour effectuer des traitements catégoriels et coordonnés. Cependant, ils n'impliquent pas que le cerveau humain ait besoin d'utiliser deux réseaux distincts pour traiter ces deux types de relations spatiales. Néanmoins, ces résultats montrent que les représentations spatiales catégorielles et coordonnées ne sont pas entrelacées (sinon un réseau non divisé aurait été plus performant) et ne nécessitent donc pas de dépendre d'un même traitement.

Kosslyn et al. (1992) ont aussi suggéré que l'asymétrie hémisphérique pour le traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées pourrait venir de la nature de l'information visuelle utile pour le traitement de chaque type de relation spatiale plutôt que d'une spécialisation de l'hémisphère gauche pour le traitement du langage et de l'hémisphère droit pour le déplacement rapide de l'attention dans l'espace (Kosslyn, 1987).