3.2.1. Brève revue des études ayant porté sur le traitement spatial chez des patients cérébrolésés

Dans le Chapitre II, nous avons passé en revue les effets des lésions cérébrales de la voie ventrale et de la voie dorsale. Nous avons souligné, quand c'était le cas, lequel des deux hémisphères était le plus souvent atteint lorsque les patients présentaient tel ou tel déficit. En particulier, nous avons précisé que les déficits de jugements de localisation et d'orientation étaient plus souvent observés à la suite de lésions de l'hémisphère droit. En regard de la théorie de Kosslyn (1987), cette observation est particulièrement intéressante. En effet, dans les études que nous avons citées (De Renzi et al., 1971 ; Hannay et al., 1976 ; Taylor & Warrington, 1973 ; Warrington & Rabin, 1970) les tâches nécessitaient un jugement de la position exacte des stimuli. Par exemple, dans la tâche de jugement de localisation d'Hannay et al. (1976), les patients voyaient d'abord un carton blanc avec un point dessiné à un endroit précis. Ensuite, on leur présentait un deuxième carton sur lequel les nombres de 1 à 25 étaient inscrits en différentes positions réparties sur toute la surface du carton. Les patients devaient indiquer le nombre qui se trouvait dans la position précédemment occupée par le point. Dans une deuxième condition, deux points étaient présentés aux sujets et ils devaient ensuite retrouver les deux nombres correspondant aux deux positions. Typiquement, ces tâches nécessitent le traitement de la position exacte des points. Or, les patients les plus gênés étaient ceux qui présentaient une lésion de l'hémisphère droit. Dans la tâche de jugement d'orientation de De Renzi et al. (1971), les patients voyaient une baguette, fixée à un support, dans une orientation définie. Leur tâche consistait à déplacer une seconde baguette fixée sur un autre support de telle sorte que les deux baguettes aient la même orientation. A nouveau, il s'agissait ici de juger d'une position exacte. Or, les patients les plus gênés pour réussir la tâche étaient ceux qui présentaient une lésion postérieure droite.

Par ailleurs, les études de Warrington et Rabin (1970) et de Taylor et Warrington (1973) ont utilisé des tâches différentes mais nécessitant toujours un jugement précis de localisation ou d'orientation et ont porté sur une large population de patients présentant des lésions, droites ou gauches, pariétales, temporales ou frontales. Cela leur a permis de montrer que le groupe de patients le plus gêné, pour juger des localisations ou des orientations précises, étaient les patients présentant une lésion pariétale droite.

Enfin, chez des patients héminégligents, on peut parfois observer un trouble surnommé "allochirie". Ce trouble de la sensibilité tactile, visuelle, auditive, est caractérisé par le transfert de la perception d'un stimulus au côté opposé où il est perçu lorsqu'une réponse motrice ou verbale est demandée (Meador, Allen, Adams, & Loring, 1991). Halligan, Marshall, et Wade (1992) ont montré, chez un patient héminégligent à gauche par lésion fronto-pariétale droite, que, dans le déplacement vers la droite des stimuli détectés à gauche, seules les relations spatiales coordonnées étaient perturbées alors que les relations spatiales catégorielles étaient préservées.

Ces différentes études soulignent donc l'importance du lobe pariétal droit pour des traitements de positions précises.

De plus, nous avons indiqué, dans le Chapitre II, que des lésions du gyrus angulaire gauche (lobe pariétal postéro-inférieur ou aire 39 de Brodmann) provoquent souvent l'apparition du syndrome de Gerstmann dont l'une des manifestations cliniques est la confusion gauche-droite. Typiquement, ce type de traitement requiert l'intégrité du sous-système d'encodage des relations spatiales catégorielles.

Ainsi, ces quelques données de la littérature sont congruentes avec l'hypothèse selon laquelle le sous-système d'encodage des relations spatiales catégorielles serait sous-tendu préférentiellement par le lobe pariétal de l'hémisphère gauche alors que le sous-système d'encodage des relations spatiales coordonnées serait sous-tendu préférentiellement par le lobe pariétal de l'hémisphère droit.

Par ailleurs, des études plus récentes ont directement testé l'hypothèse d'un engagement préférentiel de l'hémisphère droit dans les traitements coordonnés et de l'hémisphère gauche dans les traitements catégoriels (Kosslyn, 1987) chez des patients présentant des lésions plus ou moins étendues de l'hémisphère droit ou de l'hémisphère gauche touchant toujours, au minimum, le lobe pariétal (Laeng, 1994) et chez des sujets normaux en utilisant la TEP (Kosslyn et al., 1998, non publié).