3.3.6.1. Effets de l'âge

La première étude que nous allons présenter a étudié les asymétries hémisphériques observées pour le traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées chez de jeunes enfants (Koenig et al., 1990) et les deux autres ont étudié ces asymétries chez des personnes âgés (Bruyer et al., 1997 ; Hoyer & Rybash, 1992).

La capacité des très jeunes enfants à former des représentations de relations spatiales catégorielles, comme dessus versus dessous (Antell & Caron, 1985, chez des nouveaux-nés ; Quinn, 1994, chez des bébés de 3 mois ; Quinn, Cummins, Kase, Martin, & Weissman, 1996, chez des bébés de 3 et 7 mois), à droite versus à gauche (Behl-Chadha & Eimas, 1995 ; chez des bébés de 3 et 4 mois), et entre versus hors (Quinn, Norris, Pasko, Schmader, & Mash, 1999, chez des bébés de 6 et 7 mois), a largement été mise en évidence. Cependant, seule une étude s'est intéressée à la dissociation entre encodage des représentations de relations spatiales catégorielles et coordonnées : celle de Koenig et al. (1990). Ces auteurs ont étudié les performances d'enfants de 5 et 7 ans (garçon et filles droitiers) en utilisant leur version (Kosslyn et al., 1989, expérience 3) du paradigme d'Hellige et Michimata (1989). Les résultats ont montré une interaction entre les facteurs tâche et hémisphère allant dans le sens des hypothèses de Kosslyn (1987), mais uniquement pour le premier bloc d'essais. Au delà, l'avantage de l'hémisphère droit dans la tâche coordonnée disparaissait tout comme l'avantage de l'hémisphère gauche dans la tâche catégorielle. Ainsi, les résultats obtenus chez des enfants sont similaires à ceux obtenus par Kosslyn et al. (1989, expérience 3) chez des adultes. Cependant, la disparition de l'avantage de l'hémisphère gauche n'avait pas été observée. Il est possible, selon Koenig et al. (1990), que cette disparition reflète une fatigue des enfants.

De leur côté, Hoyer et Rybash (1992) ont comparé les performances d'un groupe de femmes jeunes (19 ans en moyenne) à celles d'un groupe de femmes âgés (69 ans en moyenne) dans deux expériences différentes. Dans une expérience (expérience 1), Hoyer et Rybash (1992) ont repris le paradigme d'Hellige et Michimata (1989). Dans l'autre (expérience 2), ils ont utilisé le paradigme de Rybash et Hoyer (1992) que nous avons exposé précédemment (expérience de Cowin-Roth & Hellige, 1998). Rappelons que, dans ce paradigme, les stimuli sont composés d'une barre et deux points, les sujets devant décider si la barre est au-dessus ou au-dessous des deux points, dans la tâche catégorielle et si la barre peut, ou non, être contenue dans l'espace séparant les deux points, dans la tâche coordonnée. La moitié des sujets de chaque groupe effectuait les tâches coordonnées des deux expériences et l'autre moitié de chaque groupe réalisait les tâches catégorielles des deux expériences. Les résultats n'ont pas montré de différence entre les deux groupes si ce n'est un léger ralentissement chez les femmes âgées. Par ailleurs, pour l'ensemble des sujets, un avantage de l'hémisphère droit a été observé dans le premier bloc d'essais dans les tâches coordonnées mais aucun avantage de l'hémisphère gauche n'a été observé dans les tâches catégorielles. Ces résultats sont donc proches de ceux obtenus dans les études de Kosslyn et al. (1989) et d'Hellige et Michimata (1989) puisque l'avantage de l'hémisphère gauche n'était pas significatif. Par ailleurs, la disparition de l'avantage de l'hémisphère droit avec la pratique avait aussi été observée par Kosslyn et al. (1989, expérience 3).

Bruyer et al. (1997, expérience 4), en utilisant une expérience identique à l'expérience 3 de Kosslyn et al. (1989), ont comparé les performances de sujets âgés (moyenne d'âge de 68 ans environ) à celles de sujets jeunes (moyenne d'âge de 20 ans environ). Alors qu'une interaction entre les facteurs tâche et hémisphère a été observée chez les sujets jeunes pour l'analyse de la précision (Bruyer et al., expérience 1), l'analyse portant sur les résultats des sujets âgés n'a pas révélé une telle interaction. Par ailleurs, les sujets âgés semblaient particulièrement gênés par la tâche coordonnée où ils ont montré des taux d'erreurs et des temps de réponse significativement plus élevés que ceux des sujets jeunes. Dans la tâche catégorielle, une telle différence n'a pas été observée et même les sujets âgés tendaient à faire moins d'erreurs que les sujets jeunes. Ainsi, contrairement à Hoyer et Rybash (1998), Bruyer et al. (1997, expérience 4) ont observé un effet de l'âge sur le pattern de spécialisation hémisphérique observé pour les tâches catégorielles et coordonnées. Ce résultat pourrait indiquer que la distinction fonctionnelle entre les deux sous-systèmes de traitement spatial est moins prononcée chez les sujets âgés. Cela serait compatible avec les résultats de l'étude de TEP de Grady et al. (1992) qui ont montré que la distinction fonctionnelle entre voies ventrale et dorsale était moins marquée chez des sujets âgés (72 ans en moyenne).

Ainsi, ces études montrent que l'âge peut, ou non, avoir des effets sur l'observation d'un pattern d'asymétries hémisphériques. Compte tenu du petit nombre d'études, il est difficile de statuer sur la variabilité de ces résultats. Est-ce que l'observation (Hoyer et Rybash, 1998) ou non (Bruyer et al., 1997) du pattern attendu de spécialisation hémisphérique pour les tâches catégorielles et coordonnées provient de variations expérimentales ou des sujets testés ? Seules des études supplémentaires permettraient de répondre à cette question.