5. Synthèse

Nous avons présenté, au tout début de ce troisième chapitre, l'architecture fonctionnelle de la vision de haut niveau développée par Kosslyn et ses collaborateurs. Nous nous sommes ensuite consacrés à la présentation des arguments théoriques et expérimentaux permettant de soutenir l'hypothèse selon laquelle les représentations de relations spatiales visuelles seraient encodées au sein de deux sous-systèmes distincts, l'un permettant l'encodage des relations spatiales coordonnées et l'autre permettant l'encodage des relations spatiales catégorielles. Les arguments expérimentaux ont été fournis par des études de simulation de réseaux de neurones, des études de patients cérébrolésés, une étude d'imagerie cérébrale chez des sujets sains, et des études comportementales utilisant la méthode de présentation en champs visuels divisés chez des sujets sains et même chez des babouins. Ces différentes études ont apporté des preuves en faveur de l'existence de deux sous-système distincts sous-tendus chacun par un hémisphère différent. Ainsi, l'hémisphère gauche serait prédominant pour le traitement des relations spatiales catégorielles alors que l'hémisphère droit serait prédominant pour le traitement des relations spatiales coordonnées. Cependant, les études comportementales, ayant utilisé la méthode de présentation en champs visuels divisés, ont aussi montré que l'asymétrie hémisphérique observée pour le traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées était sensible à de nombreuses facteurs expérimentaux, qu'il s'agisse des caractéristiques des stimuli, du mode de réponse, des tâches, ou des sujets testés. Ainsi, la distinction entre les deux sous-systèmes de traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées ne serait pas absolue mais seulement relative. Enfin, certaines des études comportementales ont aussi révélé un effet de pratique dans les tâches coordonnées se manifestant par une disparition de l'avantage initial de l'hémisphère droit.

D'une façon générale, l'hémisphère gauche serait donc plus apte à traiter les représentations de relations spatiales catégorielles alors que l'hémisphère droit serait plus apte à traiter les représentations de relations spatiales coordonnées.

Par ailleurs, un avantage de l'hémisphère gauche a aussi été observé dans des tâches nécessitant l'encodage catégoriel des propriétés physiques des stimuli, tout comme un avantage de l'hémisphère droit a été observé dans des tâches nécessitant un encodage précis de ces mêmes propriétés (Marsolek, 1995 ; Marsolek, Kosslyn, & Squire, 1992 ; Parrot, 1999). Une étude de simulation de réseaux de neurones réalisée par Jacobs et Kosslyn (1994) a aussi révélé que l'encodage catégoriel des formes (i.e., encodage prototypique insensible à des petites variations de formes) était mieux réalisé dans des réseaux ayant ou développant de petits champs récepteurs alors que l'encodage précis des formes (i.e., encodage d'exemplaires sensible aux petites variations de formes) était mieux réalisé par des réseaux ayant ou développant de larges champs récepteurs.

Ainsi, il semblerait que la spécialisation hémisphérique ne soit pas typique d'un type de traitement (i.e., les relations spatiales) mais puisse s'étendre aux traitements catégoriels et spécifiques en général (Parrot, Doyon, Démonet, & Cardebat, 1999). Ainsi, que ce soit pour le traitement de la forme (voie ventrale) ou pour le traitement spatial (voie dorsale), l'hémisphère gauche traiterait les stimuli en les assignant à des catégories discrètes alors que l'hémisphère droit traiterait les stimuli selon un continuum en gardant à chacun sa spécificité.