Conclusions et question

Les divers points que nous avons abordés dans les deux premiers chapitres théoriques de cette thèse montrent que le système visuel est composé de différentes structures sous-corticales et corticales qui, ensemble, permettent de voir, reconnaître, identifier des objets mais aussi naviguer entre eux, les saisir, estimer leurs distances, leurs dimensions, leurs orientations. Par ailleurs, ces diverses capacités sont sous-tendues par des voies et des structures corticales différentes effectuant chacune un traitement spécifique mais collaborant entre elle pour donner une unité au monde visuel. Cette notion de modularité (Fodor, 1983 ; Marr, 1982 ; Seron, 1993), étayée à la fois par les données anatomo-physiologiques et fonctionnelles, a été largement exploitée par Kosslyn et ses collaborateurs (Kosslyn, 1987, 1994 ; Kosslyn et al., 1990 ; Kosslyn & Koenig, 1992) et leur a permis de développer un modèle du traitement visuel sous la forme d'une architecture fonctionnelle composée de nombreux sous-systèmes sous-tendus par différentes aires corticales. Deux sous-systèmes ont attiré notre attention dans le troisième chapitre théorique : le sous-système d'encodage des représentations de relations spatiales catégorielles et le sous-système d'encodage des représentations de relations spatiales coordonnées. Nous avons passé en revue l'ensemble des arguments théoriques et expérimentaux qui convergent tous vers une distinction fonctionnelle et anatomique de ces sous-systèmes avec un hémisphère gauche dominant pour le traitement des relations spatiales catégorielles et un hémisphère droit dominant pour le traitement des relations spatiales coordonnées.

Cependant, nous avons aussi souligné différents points qui nécessitent d'être approfondis. Tout d'abord, les aires corticales sous-tendant les sous-systèmes d'encodage des représentations de relations spatiales catégorielles et coordonnées n'ont pas été mises en évidence même s'il semble établi qu'elles se situent au sein des lobes pariétaux. En effet, le rôle des lobes pariétaux ne semble pas devoir être remis en question compte tenu des propriétés des cellules de ces aires (Chapitre I), des déficits observés suite à des lésions pariétales (Chapitre II), et de l'observation de déficits spécifiques du traitement des relations spatiales catégorielles ou coordonnées selon que les lésions affectent le lobe pariétal droit ou gauche (Laeng, 1994).

Ensuite, l'effet de pratique observé dans les expériences en champs visuels divisés demandant le traitement de relations spatiales coordonnées a conduit à la proposition de diverses hypothèses explicatives. Cependant, aucune étude n'a, jusqu'à présent, permis de trancher entre les différentes alternatives proposées.

Enfin, les mécanismes impliqués dans le traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées n'ont pas été clairement définis. Ainsi, le rôle de l'identification dans les jugements catégoriels et coordonnés n'a pas été exploré. Par ailleurs, le degré d'indépendance des traitements effectués dans chaque sous-système n'a été que peu étudié. Plus précisément, le sous-système d'encodage des relations spatiales catégorielles ignore-t-il les positions exactes des éléments ou est-il affecté par celles-ci ? De même, le sous-système d'encodage des relations spatiales coordonnées ignore-t-il les positions relatives des éléments ou est-il affecté par celles-ci ?

Les huit expériences que nous avons réalisées au cours des trois années de thèse ont eu pour objectifs d'essayer de répondre à ces différentes questions. Elles sont présentées dans trois chapitres expérimentaux.

Le premier chapitre répond à la question de la localisation cérébrale des sous-systèmes de traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées. Par ailleurs, il étudie aussi l'effet de pratique. La méthode de l'IRMf a été utilisée. Or, la seule étude d'imagerie cérébrale étudiant les aires impliquées dans le traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées a utilisé la TEP (Kosslyn et al., 1998, non publié). Les protocoles utilisés dans les études TEP et IRMf étant très différents, nous avons dû réaliser deux expériences préliminaires, utilisant la méthode de présentation en champs visuels divisés, pour élaborer le meilleur protocole possible pour l'IRMf.

Le second chapitre s'intéresse plus précisément à l'effet de pratique et présente trois expériences ayant utilisé la méthode de présentation en champs visuels divisés qui ont essayé d'explorer les mécanismes permettant à l'hémisphère gauche de s'impliquer de plus en plus dans les expériences demandant un traitement des relations spatiales coordonnées.

Le dernier chapitre présente deux expériences qui avaient pour objectifs d'étudier le rôle de l'identification dans les jugements catégoriels et coordonnés, et, secondairement, de déterminer jusqu'à quel point les deux sous-systèmes sont distincts.

Chaque chapitre expérimental présente la problématique, les expériences qui ont été réalisées, leurs résultats et les interprétations de ceux-ci. Concernant les résultats, hormis pour l'expérience d'IRMf, nous avons considéré en particulier les facteurs Bloc et Hémisphère. D'autres facteurs comme la Distance critique, la Position Relative et la Position Exacte des points ont parfois été étudiés, en fonction des caractéristiques des expériences et des objectifs poursuivis. Enfin, nous avons inclus le facteur Groupe comme facteur interindividuel. La main de réponse n'est jamais incluse dans les analyses présentées car ce facteur n'interagissait pas avec le facteur hémisphère.