1.2.3. Discussion

Les objectifs de cette deuxième expérience étaient, d'une part, de vérifier qu'un délai de 850 ms était suffisant pour que les sujets aient le temps de répondre et, d'autre part, de déterminer si l'augmentation des contraintes temporelles pouvait permettre d'observer un maintien de l'avantage de l'hémisphère droit au-delà du premier bloc d'essais.

Les résultats portant sur les temps de réponse médians n'ont montré un avantage significatif de l'hémisphère droit que dans le quatrième bloc d'essais. Ce résultat attendu plutôt dans le premier bloc d'essais pourrait provenir de la difficulté de l'expérience due au délai de réponse très court accordé aux sujets, ce qui a pu repousser l'émergence de différences hémisphériques.

Les résultats concernant le nombre de bonnes réponses n'ont pas montré de compromis vitesse-précision et ont même révélé un avantage de l'hémisphère droit dans le premier et le dixième bloc d'essais. L'avantage de l'hémisphère droit dans le premier bloc d'essais est cohérent avec les résultats décrits dans la littérature et confirme un rôle prédominant de l'hémisphère droit dans les jugements coordonnés (Kosslyn, 1987). La disparition de cet avantage dès le deuxième bloc d'essais est aussi cohérente avec l'effet de pratique observé dans les tâches coordonnées (Banish & Federmeier, 1999 ; Cowin & Hellige, 1994 ; Dépy et al., 1999, expérience 3 ; Hoyer & Rybash, 1992 ; Koenig et al., 1990 ; Kosslyn et al., 1989, expérience 3 ; Michimata, 1997, tâche perceptive ; Rybash & Hoyer, 1992). Néanmoins, l'avantage de l'hémisphère droit est réapparu durant l'expérience, mais seulement dans le dixième bloc d'essais. Or, l'observation du nombre de bonnes réponses par bloc (Figure 11) montre clairement une chute des performances des sujets au milieu de l'expérience (bloc 7) qui pourrait être expliquée par une fatigue des sujets qui ne bénéficiaient pas d'une pause en cours d'expérience. Le nombre de bonnes réponses ne remonte significativement qu'à partir du neuvième bloc et c'est dans le bloc suivant que l'avantage de l'hémisphère droit réapparaît. Il est ainsi possible que l'hémisphère droit ait "repris le dessus" plus rapidement que l'hémisphère gauche, ce qui expliquerait que l'on observe, à nouveau, un avantage de l'hémisphère droit dans la deuxième partie de l'expérience. Ainsi, il semble que les contraintes temporelles aient pu provoquer la réapparition de l'avantage de l'hémisphère droit, même si elles n'ont pas réellement permis de le maintenir (disparition de l'avantage de l'hémisphère droit dans le deuxième bloc d'essais).

En résumé, cette expérience apporte des arguments supplémentaires en faveur de l'hypothèse de Kosslyn (1987) selon laquelle l'hémisphère droit serait dominant pour les traitements coordonnés. En effet, seuls des avantages significatifs de cet hémisphère ont été observés (bloc 1 et 10 au niveau du nombre de bonnes réponses et bloc 4 au niveau des temps de réponse). Par ailleurs, le fait que l'avantage de l'hémisphère droit n'ait pas été uniquement observé dans le premier bloc d'essais semble indiquer que les contraintes temporelles, inexistantes dans les expériences rapportées dans la littérature, ont limité l'effet de pratique se manifestant généralement par une disparition (sans réapparition) de l'avantage initial de l'hémisphère droit (Banish et Federmeier, 1999 ; Cowin & Hellige, 1994 ; Dépy et al., 1999, expérience 3 ; Hoyer & Rybash, 1992 ; Koenig et al., 1990 ; Kosslyn et al., 1989, expérience 3 ; Michimata, 1997, tâche perceptive ; Rybash & Hoyer, 1992). Enfin, au vu des résultats de cette expérience, il n'apparaît pas indiqué d'imposer un délai de réponse inférieur à 850 ms. En effet, le pourcentage de non-réponses, bien que faible, n'était pas nul (3.5 %) et non avons quand même dû éliminer près d'un tiers des sujets parce qu'ils avaient un taux d'erreurs supérieur à 30 %. De plus l'effet de fatigue, manifesté par la chute du nombre de bonnes réponses en milieu d'expérience, montre qu'il est difficile pour les sujets de s'améliorer régulièrement avec de telles contraintes temporelles.