2.3. Discussion

Cette expérience avait pour objectifs, d'une part, de montrer l'implication des gyri angulaires droit et gauche dans le traitement des relations spatiales coordonnées et catégorielles, respectivement et, d'autre part, d'évaluer la variation, avec la pratique, de l'activation du gyrus angulaire droit et du gyrus angulaire gauche.

Les résultats concernant les temps de réponse et le pourcentage de bonnes réponses pour les tâches catégorielles et coordonnées étaient comparables à ceux généralement observés dans les études en champs visuels divisés utilisant le même type de stimuli et de tâches (e.g., Hellige & Michimata, 1989 ; Kosslyn et al., 1989). Cela suggère que les sujets ont réalisé correctement les tâches lors de l'examen d'IRMf.

Les résultats que nous avons obtenus concernant le nombre de pixels ont confirmé que le gyrus angulaire droit était particulièrement activé lors du traitement des relations spatiales coordonnées alors que le gyrus angulaire gauche était particulièrement activé lors du traitement des relations spatiales catégorielles. Ces résultats sont importants puisqu'ils apportent un argument important pour soutenir l'hypothèse de Kosslyn (1987) selon laquelle les relations spatiales catégorielles et coordonnées sont traitées par deux sous-systèmes distincts. De plus, ils attestent de l'intérêt de l'utilisation de techniques d'imagerie cérébrale pour confirmer les données provenant d'études comportementales chez des sujets normaux ou d'études portant sur des patients cérébrolésés.

L'observation d'une diminution, au cours du temps, dans l'examen coordonné, du coefficient d'intercorrélation des pixels initialement activés au sein du gyrus angulaire droit et d'une augmentation concomitante du coefficient d'intercorrélation des pixels initialement activés au sein du gyrus angulaire gauche est cohérente avec les effets de pratique observés dans les études en champs visuels divisés (Banish & Federmeier, 1999 ; Cowin & Hellige, 1994 ; Dépy et al., 1999, expérience 3 ; Hoyer & Rybash, 1992 ; Koenig et al., 1990 ; Kosslyn et al., 1989, expérience 3 ; Michimata, 1997, tâche perceptive ; Rybash & Hoyer, 1992). Ces résultats confirment l'hypothèse selon laquelle la disparition de l'avantage de l'hémisphère droit, dans les expériences en champs visuels divisés, est bien due à un engagement progressif de l'hémisphère gauche. Ainsi, l'augmentation de la pratique peut conduire à un changement du réseau neuronal activé avant et après apprentissage (e.g., Raichle et al., 1994 ; Van Mier, Tempel, Perlmutter, Raichle, & Petersen, 1998). Néanmoins, si l'augmentation de l'activation du gyrus angulaire gauche signifie clairement une implication progressive de cette aire dans la réalisation de la tâche, la diminution d'activation du gyrus angulaire droit ne signifie pas forcément un "désengagement" de cette structure dans la réalisation de la tâche. En effet, certaines études d'imagerie cérébrale ont montré que l'augmentation de la pratique d'une tâche pouvait conduire à l'observation d'une diminution de l'activation cérébrale associée à une amélioration générale des performances (e.g., Haier et al., 1992 ; Schiltz et al., 1999). Pour Haier et al. (1992), cette diminution d'activation avec la pratique serait due à une réduction du nombre de circuits neuronaux ou encore du nombre de neurones par circuit nécessaires pour réaliser une tâche après apprentissage.

Les évolutions d'activation observées dans d'autres aires cérébrales que les gyri angulaires dans la tâche coordonnée sont difficiles à expliquer. L'apparition, en deuxième partie du scan, d'une plus grande activation du cortex préfrontal droit que du cortex préfrontal gauche pourrait être due à un couplage fonctionnel entre le sous-système d'encodage des représentations de relations spatiales catégorielles (gyrus angulaire gauche) et le sous-système de recherche de propriétés coordonnées qui serait sous-tendu par le cortex préfrontal droit selon Kosslyn (1994). Il est possible que les hypothèses émises par le premier sous-système soient vérifiées par le second. Concernant la diminution de l'activation du gyrus cingulaire postérieur gauche et du cortex visuel associatif gauche, nous n'avons aucune hypothèse explicative précise si ce n'est que l'activation de l'hémisphère gauche, non dominant pour les tâches coordonnées, pourrait progressivement se restreindre à la région de gyrus angulaire au fur et à mesure que de nouvelles stratégies de traitement sont développées par le sous-système d'encodage des relations spatiales catégorielles sous-tendu par cette aire.

En résumé, cette étude d'IRMf a fourni des résultats particulièrement importants permettant de soutenir l'hypothèse de l'existence de deux sous-systèmes distincts du traitement des relations spatiales catégorielles et coordonnées sous-tendus respectivement par le gyrus angulaire gauche et par le gyrus angulaire droit. Nos résultats ont aussi mis en évidence un effet de pratique dans l'examen coordonné se manifestant par une diminution de l'activation du gyrus angulaire droit et une augmentation de l'activation du gyrus angulaire gauche, entre la première et la deuxième partie du scan.