3.3. Discussion

Cette expérience avait pour objectif de départager les hypothèses de Banish et Federmeier (1999), d'une part, et de Rybash et Hoyer (1992) et de Cowin et Hellige (1994), d'autre part. Plus précisément, nous avions fait l'hypothèse que l'observation d'un avantage général de l'hémisphère droit nous donnerait des arguments pour soutenir l'hypothèse selon laquelle l'effet de pratique, dans les tâches coordonnées, est dû à une catégorisation des régions près et loin par l'hémisphère gauche (Banish & Federmeier, 1999). Au contraire, l'observation d'un avantage de l'hémisphère droit restreint au premier bloc d'essais suggèrerait plutôt que l'hémisphère gauche est capable d'effectuer des jugements métriques (Cowin & Hellige, 1994 ; Rybash & Hoyer, 1992).

Les résultats que nous avons obtenus ont montré, comme dans les expériences 4 et 5, que les sujets étaient capables d'apprendre la tâche comme l'attestent l'amélioration de leurs temps de réponse et de leur nombre de bonnes réponses au fil des blocs. L'analyse portant sur le nombre de bonnes réponses et prenant en compte le facteur distance critique a montré que les sujets produisaient plus d'erreurs lorsqu'ils devaient juger la distance critique de 0.3° que lorsqu'ils devaient juger les autres distances critiques. Ce résultat montre que cette distance était la plus difficile à juger, comme le suggéraient les résultats des expériences 4 et 5.

Concernant les différences hémisphériques, nous avons, pour la première fois, observé un avantage de l'hémisphère droit en tant qu'effet simple. Par ailleurs, cet avantage était significatif dans le premier et le deuxième bloc d'essais mais aussi en fin d'expérience dans le cinquième bloc. Un avantage de l'hémisphère droit a aussi été observé dans les analyses prenant en compte le facteur distance critique pour les distances de 0.6° (analyse sur le nombre de bonnes réponses) et de 1.2° (analyse sur les temps de réponses).

Ainsi, ces résultats confirment à nouveau que l'hémisphère droit est prédominant pour effectuer des jugements de relations spatiales coordonnées (Kosslyn, 1987). Ce qui est plus important encore concerne l'implication de ce résultat sur l'interprétation de l'effet de pratique dans les tâches coordonnées observé dans les expériences 4 et 5 et dans de nombreuses autres expériences (Banish & Federmeier, 1999 ; Cowin & Hellige, 1994 ; Dépy et al., 1999, expérience 3 ; Hoyer & Rybash, 1992 ; Koenig et al., 1990 ; Kosslyn et al., 1989, expérience 3 ; Michimata, 1997, tâche perceptive ; Rybash & Hoyer, 1992). En effet, l'observation d'un avantage général de l'hémisphère droit suggère que les modifications effectuées dans l'expérience 6, c'est-à-dire la présentation de la distance critique à un des quatre angles de l'écran (et non au centre) et le changement de cette distance à chaque essai, ont effectivement empêché l'hémisphère gauche d'utiliser l'écran comme cadre de référence. Il semble donc que cette stratégie soit celle généralement utilisée par l'hémisphère gauche pour résoudre les tâches coordonnées. L'hypothèse d'une capacité de l'hémisphère gauche à réaliser des jugements coordonnés semble au contraire pouvoir être rejetée. En effet, étant donné que les jugements n'étaient pas plus difficiles dans cette expérience que dans l'expérience 5, l'avantage de l'hémisphère droit aurait dû disparaître après le premier bloc d'essais comme dans l'expérience 5 si l'hémisphère gauche était réellement capable d'effectuer des jugements métriques. Enfin, si le design de l'expérience rendait plus difficile la catégorisation de l'espace, elle n'était pas impossible, mais demandait qu'à chaque essai la distance critique présentée à un des angles de l'écran soit transposée mentalement au centre de ce dernier pour pouvoir être utilisable. Cette "gymnastique" a pu demander du temps avant d'être efficace mais le devenir suffisamment pour que l'avantage de l'hémisphère droit disparaisse dans le troisième et le quatrième bloc d'essais. Cependant, le coût de cette méthode aurait pu entraîner rapidement un effet de fatigue, ce qui expliquerait aussi la réapparition de l'avantage de l'hémisphère droit en fin d'expérience qui semble principalement être due à une augmentation des temps de réponses pour les stimuli présentés initialement à l'hémisphère gauche.