2-2-2-1 La reconnaissance des objets via le processus de catégorisation

Se déplacer dans un environnement réel urbain demande au cerveau une capacité considérable à reconnaître les objets du milieu malgré les modifications multiples de l’apparence des objets en fonction des mouvements liés à la locomotion de l’observateur. La rapidité de l’exécution (en quelques dizaines de millisecondes) est possible grâce à une organisation adaptative des connaissances en mémoire qui va œuvrer pour l’optimisation de l’identification et la reconnaissance des objets en situation naturelle. Chaque objet perçu est classé, catégorisé : la perception implique un acte de catégorisation, ce qui représente l’idée essentielle introduite par BRUNER en 1958. Auparavant, la « re-connaissance » présuppose en filigrane la pré-existence d’un objet cognitif qui va servir de point de confrontation avec l’objet perçu. La comparaison ou l’appariement entre les deux objets est générée par un processus de catégorisation. « La catégorisation des objets du monde réel peut-être considéré comme la tractation à finalité adaptative entre les structure du sujet et celles de l’environnement » (BIDEAUD et HOUDE, 1989, p.87). Les deux principes fonctionnels de la catégorisation sont de réduire la diversité à un format unique (une catégorie) et parallèlement «d’étiqueter » les différents formats uniques. Cette pratique rappelle celle utilisée dans les bibliothèques où le classement des documents par catégorie et sous-catégorie facilite l’accès vers chaque document. Ces deux principes évitent ainsi la surcharge informationnelle dans la mémoire à long terme.

La littérature intéressée par les questions de la catégorisation se distingue selon la nature de l’objet perçu c’est-à-dire si l’objet est appréhendé suivant un point de vue abstrait, par le mot, ou un point de vue matériel, par la forme physique. Cette symétrie de points de vue rappelle la distinction apportée par LE NY (1989) entre les processus d’identification et de reconnaissance. Il considère que l’identification est rattachée au processus sémantique alors que la reconnaissance est inhérente au processus perceptif bien qu’il y ait «toutes les raisons de croire que ces deux processus distincts reposent sur le même mécanisme de base, l’appariement » (LE NY, 1989, p.54). De nombreuses études ont été réalisées pour comprendre le format des représentations d'objets, c'est-à-dire le type de description des objets en mémoire, ainsi que l’existence de différents niveaux de représentation et leur organisation. Nous ne présenterons que les travaux fondamentaux pour dégager le principe général de la catégorisation puisque ce processus semble intrinsèque à la reconnaissance des différents objets qui nous entourent. Notre recherche s’intéresse au comportement spatial des individus guidés par différents supports dans un environnement inconnu. Par conséquent, les interactions avec l’environnement sont dans cette finalité, principalement, orientées par la reconnaissance des objets qui le composent.

C’est d’abord la mémoire sémantique qui a suscité le plus grand engouement par des analyses propositionnelles avec notamment les travaux majeurs de ROSCH et ses collaborateurs (1976) qui portent sur les principes universels gouvernant la catégorisation des réalités naturelles. Ces théories se limitent à l’analyse du mot ou de la phrase. Alors, des structures de représentation plus complexes sont apparues et la notion centrale de « Schéma » a été introduite par RUMELHART et NORMAN dans les années 80. La préoccupation de ces auteurs est de pourvoir introduire des niveaux de structure représentationnel supérieurs à la phrase.

L’environnement de notre recherche est un environnement réel, urbain, par conséquent les objets environnementaux perçus sont prioritairement physiques c'est-à-dire qu’ils ont une forme, une surface et un volume. C’est pourquoi, en complément aux théories sémantiques ou supra-sémantique, nous évoquerons celles qui préconisent l’entrée des descriptions d’objets en mémoire à long terme, par les représentations « structurales » (il comporte les informations physiques des objets) et non pas par les représentations sémantiques contrairement aux théories du même nom.

Les études en situation réelle nous incitent à rejoindre l’affirmation de BOUCART (1996, p.51) qui souligne qu’«il est clairement établi que la mémoire des objets n’est pas un système unitaire mais un ensemble de niveaux de description comportant différentes informations sur les objets». Il est hors de l’objet de la présente recherche d’examiner si ce sont les représentations sémantiques ou les représentations structurales qui constituent le premier niveau de l’organisation des connaissances.