2-2-3 Les mémoires transitoires

Il subsiste une polémique fonctionnelle et structurelle entre la MCT et MT (ou MDT) du fait d’une insuffisance de données empiriques, ainsi la question reste encore largement ouverte sur le plan théorique. Plusieurs conjectures s’opposent tout en accordant conjointement à la mémoire de travail un rôle actif en tant qu’entité de stockage d’informations temporaire et dynamique, comme le siège de la plupart des processus mentaux impliqués dans la recherche de solutions. En définitive, la discorde repose davantage sur le rôle de la MCT, prisonnière entre le RS, la MDT et MLT : rôle pivot ou charnière ; la portée ou l’étendue de ses compétences restant encore floue. Sa fonction au sein du processus mnésique étant incertaine, sa localisation dans le schéma ainsi que l’importance de ses effets ne peuvent pas être établies. Elle est soit tout simplement substituée au concept de la MDT, elle fait alors partie intégrante de la mémoire transitoire ; soit considérée comme un système distinct de la MDT (la MCT a pour rôle le stockage et la reproduction d’informations tandis que la MDT s’attelle à la transformation des informations suivie de la maintenance provisoire de celles-ci) ; soit la MCT représente la partie activée de la MLT alors que la MDT sert à maintenir l’information contextuelle pour opérer certains traitements sur les informations. Quoiqu’il en soit, il est irréfutable que certaines opérations de traitement sont exécutées automatiquement alors que d’autres le sont de façon intentionnelle et consciente.

Par ailleurs, la conception classique de la MCT, considérée comme un lieu de stockage passif de l’information est incompatible avec les résultats obtenus par BADDELEY et HITCH (1974). Ils ont montré qu’un sujet peut maintenir un certain nombre d’éléments en MCT (jusqu’à 6 éléments) tout en réalisant des opérations cognitives complexes, apprentissage, compréhension, raisonnement. Ces résultats ne sont pas cohérents avec un modèle unitaire. BADDELEY (1993) a proposé un modèle alternatif pour rendre compte du fonctionnement de la mémoire intermédiaire, la «mémoire de travail» (MT) (Working Memory) (figure 2-3). La mémoire de travail proposée serait composée de deux sous-systèmes spécialisés l’un dans le traitement verbal (boucle articulatoire ou phonologique) et l’autre dans le traitement visuel et spatial (calepin visuo-spatial), ces systèmes esclaves seraient entièrement assujettis au contrôle de l’administrateur central. L’originalité de ce modèle est justement l’introduction de cet exécutif central.

La boucle articulatoire comporte une unité de stockage phonologique à court terme assistée par un processus de contrôle reposant sur l’auto-répétition articulatoire. BADDELEY a démontré que ce simple modèle peut expliquer une série de facteurs ayant une influence sur l’empan mnésique, y compris la similarité acoustique, la longueur des mots, le discours non écouté et la suppression articulatoire (1993, p.110).

Quant au calepin visuo-spatial , il est responsable de la formation et de la manipulation des images mentales (nous reviendrons plus en détails sur le rôle et le contenu du calepin visuel et spatial, voir 2-2-3-1).

L’ Exécutif Central (EC) ou le contrôleur d’attention peut servir pour désigner l’ensemble des traitements et des transferts d’informations qui sont réalisés sous contrôle volontaire de la part du sujet. Ce processeur est impliqué dans la planification, la prise de décision, la résolution de problème, et certains aspects de la compréhension du langage. Il se présente inévitablement comme un médium utilisable pour les traitements complexes, soutenu par les deux systèmes temporaires de stockage.

En conclusion, il semble exister des différences fonctionnelles importantes entre un système de mémoire dont la fonction est de maintenir à un certain niveau d’évocabilité des informations pendant une période de temps restreinte (les mémoires transitoires), et un système dont le but est d’organiser et de stocker ces informations pour les utiliser ultérieurement (la mémoire permanente).