2-2-3-1 Le modèle de BADDELEY révisée par LOGIE 

Le modèle de mémoire de BADDELEY proposant des systèmes esclaves représentés par la boucle phonologique et le cache visuo-spatial repris par LOGIE (1995) (figure 2-4).

En raison de l’intérêt que nous portons à la composante spatiale, nous ne reverrons ici que les modifications apportées au cache visuo-spatial. Ainsi, dans cette version modifiée de la mémoire de travail, les matériels visuel et spatial sont traités au sein de composantes séparées à savoir un cache visuel qui opère en tant que réserve visuelle passive et un scribe interne, conçu comme un système spatial lié au mouvement et qui opère comme une interface entre le cache visuel et le processeur central de la MT. Ce modèle modifié suggère que l’input est modifié dans la MT, via l’activation des représentations en mémoire à long terme, plutôt que de l’être directement à partir de la perception.

Dans cette optique, la MT est conçue comme un espace de travail cognitif, et pas seulement comme une porte ouvrant sur la mémoire à long terme. L’hypothèse-clé qui apparaît dans de nombreux textes consacrés à la mémoire et dans certains modèles actuels, est que l’input perceptif entre d’abord dans la mémoire de travail avant d’être stocké de manière plus permanente. Cette hypothèse est particulièrement importante dans le modèle d’ATKINSON et SHIFFRIN (1968). Or, LOGIE et PEARSON (1997) rappellent certaines observations de sujets cérébralement lésés : chez ces patients qui conservent, en effet, un accès apparemment intact à la mémoire à long terme leur mémoire à court terme est en revanche sévèrement détériorée. Ce constat peut être interprété de deux manières :

  • Soit la mémoire à court terme comporte plusieurs composantes dont une seulement (la mémoire verbale) aurait été endommagée chez ces patients. L’accès à la MLT serait alors possible par la voie des autres parties intactes de la MCT (modèle de BADDELEY).
  • Soit l’input perceptif est indépendant de la MCT (ou MT) quant à son accès, ce qui expliquerait que la MLT ne soit pas endommagée (modèle MT, de RICHARDSON et al 1996, qui inclut l’information actuellement activée à partir de la MLT ce qui les conduit à ne pas considérer la MT comme un canal entre la perception et la MLT).

Ces résultats laissent à penser que l’interaction entre un objet et un système cognitif humain ne passe pas nécessairement par une mémoire sémantique c'est-à-dire une instance qui comporte essentiellement une signification conceptuelle de l’objet.

Apportons ici, et enfin, les explications sur le cache visuel et sur le scribe interne. L’information contenue dans la réserve visuelle est codée sous sa forme visuelle avec les relations spatiales inter-items. En d’autres termes, le cache visuel représente la localisation spatiale sous la forme d’une image visuelle. Quant au scribe, ‘ "il est impliqué à la fois dans la planification et l’exécution des mouvements ainsi que dans le rappel du contenu du cache visuel. Le scribe est encore impliqué dans l’extraction de l’information du cache visuel à plusieurs fins : il cible le mouvement et transfère la forme et la localisation visuelle de l’information au processeur central pour un traitement ultérieur et pour la combiner avec toute information disponible, verbale ou autre" (LOGIE, p.146).

Au cours de la représentation imagée, le cache visuel et le scribe interne sont censés opérer une sorte de stockage temporaire des informations spatiales et visuelles. Un test de reconnaissance est ensuite donné pour les couleurs ou les localisations, après un intervalle de mémorisation de dix secondes. LOGIE et MARCHETTI (1991) ont démontré en présentant des informations visuelles à des sujets (la couleur des carrés simultanément présentés) et des informations spatiales (la localisation de carrés séquentiellement présentés) que ces deux aspects de l’objet sont dissociables au niveau du stockage. Ces auteurs observent qu’une tâche concurrente de « tapping » réalisée pendant l’intervalle de rétention, perturbe la mémoire de localisation mais non celle de la couleur. Ces résultats permettent de conclure qu’il existe bien deux systèmes séparés et fonctionnels sous la dépendance de la MT.

La précision de cette théorie entre le traitement visuel et le traitement spatial, indépendants mais complémentaires, nous semble pertinente avec les données recueillies sur l’analyse de la Carte Cognitive. Notamment, la dichotomie dans le traitement des objets physiques peut être à l’origine des erreurs commises sur un trajet : on peut se souvenir d’une maison aux volets bleus sans précision sur sa localisation ou au contraire se souvenir de la position géographique d’une maison et hésiter sur sa couleur.