2-2-3-2 La théorie de KOSSLYN et ses modifications

La théorie de KOSSLYN, initialement computationnelle, avec une conception unitaire de l’image mentale, s’est élargie durant cette dernière décennie. L’évolution de l’intitulé de ses ouvrages, Images and mind (1980) et Image and Brain (1994), affiche la nouvelle orientation que veut donner KOSSLYN à ses travaux sur l’imagerie mentale. Les neurosciences lui ont permis initialement d’apporter la démonstration du rôle de l’imagerie, et confirmer, avec des arguments neuropsychologiques la thèse « imagiste ». Nous reviendrons dans le chapitre consacré à l’imagerie mentale (2-2-4) sur la proposition de KOSSLYN. Sa conception traite d’un autre aspect qui nous intéresse ici à propos de la reconnaissance d’objets et qu’il intègre dans la même théorie car cette même théorie peut expliquer comment nous pouvons reconnaître (percevoir) les objets en dépit de leurs changements d’orientation et (ou) de leur localisation et la génération d’images mentales de ces objets dans différentes orientations, positions... et comment nous pouvons les imaginer. Ses résultats révèlent, par exemple, que l’activité d’imagerie s’accompagne d’une activation des régions cérébrales typiquement impliquées dans la perception visuelle. ‘ «C’est ainsi que la génération d’une image semble bien résulter d’une activation des aires rétinoscopiques ’ ‘ 7 ’ ‘ au cortex occipital » (KOSSLYN et al., 1993).

Nous n’exposerons, dans cette recherche, que la quintessence de la théorie car la version récente et détaillée, dépasserait le cadre et l’objectif de notre problématique. Ainsi, un certain nombre de modules interagissent séquentiellement pour la mise en œuvre de la reconnaissance puis dans le sens contraire pour l’imagerie visuelle.

Dans l’organisation générale du modèle de KOSSLYN, le Buffer visuel est la structure centrale avec des fonctions capitales liées à la perception et à l’imagerie. Pour la perception visuelle, il conserve, notamment, une certaine quantité d’informations qui fera l’objet d’un traitement approfondi. Il sert également de support aux représentations imagées. L’organisation du Buffer est telle que, pour l’imagerie, elle permet de rendre accessible les informations implicites relatives aux propriétés des objets encodés en mémoire visuelle (taille, orientation, forme…). De plus, il peut faire appel à la « fenêtre d’attention » véritable tampon d’informations en cas d’inflations de ces dernières.

Un système ventral (du cortex occipital vers la partie inférieure du cortex temporal) qui encode les propriétés de la forme, couleur et texture donc des données purement visuelles. Tandis qu’un système dorsal (du cortex occipital au cortex pariétal) traite des propriétés complémentaires au premier puisqu’il s’agit des informations essentiellement spatiales de localisation, d’orientation et de taille.

La mémoire associative réunit ces informations et leur adjoint d’autres propriétés (nom, catégorie,…). A ce stade, l’objet est reconnu et dénommé. Si la reconnaissance n’est pas immédiate alors un test d’hypothèse va permettre une nouvelle recherche. La représentation en mémoire associative qui apparaît comme la plus probable est sélectionnée pour un test d’hypothèse. De nouveau, les systèmes présentés précédemment vont se mettre en action pour d’abord rechercher la propriété en défaut, puis rechercher de nouvelles propriétés physiques et spatiales qu’ils transmettront à la mémoire associative. Si celles-ci correspondent au niveau de la mémoire associative, alors l’objet est reconnu, sinon un nouveau test d’hypothèse se met en place.

Dans le cas de l’imagerie, le système fonctionne dans la même logique mais inversée c'est-à-dire que c’est l’entrée d’un nom en mémoire associative qui va entraîner une activation de la mémoire visuelle qui sera à son tour instanciée dans le buffer visuel. L’image est alors analysée, explorée, voire transformée (voir 2-2-4 sur l’imagerie mentale).

Une précision sur la prise en compte de la motricité dans la théorie de KOSSLYN introduira la partie suivante. En effet, les informations spatiales peuvent être également tributaires des actions faites sur elles. Par exemple, la taille d’un objet dépend également de la distance entre l’observateur et ce même objet. Il ‘ « considère le rôle de la motricité dans l’imagerie en lui accordant une fonction de guidage dans les images mentales de transformation » (cité dans BIDEAUD et COURBEOIS, 1994, p.162) ’. Il distingue deux types de transformations d’images : la « transformation avec mouvement encodé », reproduction imagée d’un objet en mouvement, et la « transformation avec mouvement ajouté » création mentale d’un mouvement sur un objet immobile perçu auparavant.

Notes
7.

Les aires rétinoscopiques conservent avec quelques distorsions l’organisation spatiale de la rétine.