2-2-4-3 Motricité et imagerie

Comme le stipulait Einstein, ‘ « la toute première étape du processus créateur est de nature visuelle et motrice » ’. Nous ajouterons que la part des aspects moteurs n’est pas seulement utile dans la création mais dans les activités où le corps est mis à contribution comme le déplacement ou d’une façon plus spécifique le sport.

Dans un article de DENIS, CHEVALIER et ELOI (1989) à propos des activités sportives, les effets de la répétition mentale sur l’acquisition d’habiletés motrice sont mis en relation avec le rôle des images mentales. Notamment, l’imagerie mentale est étudiée comme un processus susceptible de servir différentes formes du fonctionnement cognitif.- La contribution de l’imagerie à la répétition mentale est généralement reconnue par les chercheurs dans ce domaine - ainsi depuis quelques années, l’importance est accordée au rôle de l’image dans la mémorisation du mouvement. (CHEVALIER-GIRARD et WILBERG, 1980)

Deux théories s’affrontent tout en étant pourtant complémentaires : les théories musculaires et les théories cognitives :

1- Les théories musculaires mettent en relation les effets de la répétition mentale sur l’activité neuromusculaire minimale accompagnée de l’évocation mentale des mouvements qui est détectée au niveau des groupes musculaires normalement concernés par l’exécution de ces mouvements. L’hypothèse généralement admise est que cette activité laisse une trace en mémoire, une représentation du mouvement serait conservée et réutilisée par la suite dans le contexte de l’exécution effective du mouvement. Les arguments favorables à cette hypothèse sont que les sujets présentant le plus d’inclination à l’imagerie sont également ceux dont l’activité musculaire subliminale est la plus importante lorsqu’ils ’imaginent en mouvement.

2- Les théories cognitives attribuent l’efficacité de la répétition mentale au traitement cognitif accompagnant cette activité. Ainsi la répétition mentale tirerait son efficacité de la possibilité qu’elle offre au sujet de construire et d’examiner mentalement une représentation de la situation et de sa propre performance. Elle permettrait au sujet de mieux organiser sa représentation de la situation, sa représentation du mouvement à exécuter dans cette situation. Le rôle fonctionnel de la répétition mentale se situerait donc pour l’essentiel au plan de la représentation cognitive de la tâche en particulier des indices perceptifs indispensables à l’exécution de cette tâche.

L’accent est mis ici sur les facteurs centraux qui gouvernent l’apprentissage moteur et plus spécialement sur la représentation cognitive de la tâche. Alors que les premières théories mettent l’accent sur l’utilisation par le sujet d’information provenant de la périphérie.

Les deux théories peuvent se compléter avec les facteurs de planification et d’organisation de la séquence motrice et des facteurs relatifs à la programmation et d'autre part au contrôle de l’acte moteur (SAVOYANT, 1988).

La représentation mentale est davantage sollicitée pendant des tâches impliquant fortement l’activité visuelle et nécessitant des ajustements visuo-moteurs fins comme des tâches requérant la visée de cibles (tir à l’arc) que pour des tâches avec une composante motrice forte comme l’endurance musculaire. (DENIS, CHEVALIER et ELOI, 1989)

L’image constitue un mode de représentation qui permet à l’égard de la répétition mentale des propriétés particulièrement intéressantes. En effet, elle permet à l’individu de se représenter des objets physiques, les positions relatives des objets entre eux ainsi que les distances relatives entre ces objets, d’une manière telle qu’un degré élevé d’isomorphisme structural est atteint entre la représentation et l’objet de la représentation.

Depuis cette dernière décennie, KOSSLYN reconsidère d’une manière plus générale le rôle de la motricité dans l’imagerie en lien avec le guidage de l’action. Les transformations mentales ne seraient plus seulement liées au processus visuel mais plutôt comme une interaction complexe entre les processus moteurs et imagés. ‘ « Certaines informations relatives à la localisation spatiale des objets sont encodées sous une forme directement appropriées au guidage de l’action et, par la suite, la récupération de ces informations s’effectue grâce à l’exécution de programmes moteurs » (KOSSLYN, 1991 cité dans BIDEAUD et COURBOIS, 1998, p.83).