2-2-4-5 Langage et image

PAIVIO (1971), fondateur de la théorie du double codage, fait partie de ces auteurs qui marque le retour de l’image et son rôle dans le système cognitif, après la période du behaviorisme qui se limite aux variables observables du processus stimulus-réponse. PAIVIO considère ‘ « l’activité de représentation imagée comme un processus explicatif fondamental, qui est en ce sens non réductible des différentes formes de la vie mentale » (PAIVIO 1971 cité par DENIS et DUBOIS, 1976, p. 548) ’. Le système de PAIVIO se présente comme un modèle centré sur la notion de « processus symboliques destinés essentiellement à assurer certaines fonctions de représentation » (-id-). Par conséquent, l’imagerie et les processus verbaux sont considérés comme des « systèmes de codage » ou des « modes de représentation symbolique » (PAIVIO, 1971) dont le développement est lié, pour le premier, à l’expérience de l’environnement concret et, pour le second, à celle du langage. Ces systèmes peuvent être mis en jeu soit de manière isolée soit de manière associative comme dans une description d’itinéraire.

Le langage contient des mots concrets et des mots abstraits. La différence entre eux porte sur le référent à savoir si celui-ci a fait l’objet d’une expérience perceptive. Si tel est le cas, il sera alors désigné par un mot concret, dans le cas contraire il s’agit d’un mot abstrait. L’activité d’imagerie est rendue possible si, au préalable, existe une expérience sensorielle. L’influence perceptive sur les mots du langage est évaluée par la valeur d’imagerie qui se définit comme ‘ « la capacité à évoquer une image figurative chez l’individu » (DENIS, 1989, p.82) ’. Ainsi, la valeur d’imagerie est plus forte pour un mot concret que pour un mot abstrait. Cette valeur d’imagerie permet de prédire, d’après DENIS, les performances individuelles à propos de ces mots dans des tâches de compréhension et de mémorisation. Par conséquent, ‘ « dans l’ensemble, les énoncés fortement évocateurs d’images sont plus rapidement compris et mieux retenus que les énoncés peu propices à une telle évocation » (p.83) ’. Cependant, la règle n’est pas aussi simple, car la valeur d’imagerie pour les mots concrets est également fonction de l’orientation cognitive du sujet lors de l’apprentissage, c'est-à-dire s’il a concentré son attention sur les aspects figuratifs ou sur les propriétés fonctionnelles, donc plus abstraites. De cette manière, il apparaît clairement que certaines propriétés ou certains évènements ne peuvent s’exprimer au niveau cognitif sous une forme imagée. Ils appartiennent à un univers sémantique différent. DENIS (1975) compare une situation verbale à une situation radicalement différente puisque figurative, c'est-à-dire un dessin ou une photographie avec des référents identiques.

Par ailleurs, la valeur d’imagerie des représentations graphiques figuratives est encore plus forte que celle des mots concrets car les premières proposent directement aux sujets des indices visuels imagés.

DENIS pose une question fondamentale question concernant l’influence du format de l’information (symbolique et analogique) sur l’activité cognitive imagée. Le mot laisse effectivement une libre interprétation du référent contrairement au dessin qui « impose » une image. Prenons l’exemple du référent « église », le lecteur va soit instancier une église générique de la super-catégorie, soit un exemplaire comme « l’église de son village natal ». A l’inverse, le dessin va particulariser les traits de cette église et à plus forte raison si le dessin est remplacé par une photographie. DENIS n’est pas favorable, dans le cas de l’apprentissage de l’apport direct d’une représentation caractéristique car il estime que certains aspects ‘ « peuvent être étrangers à l’acquis cognitif du sujet » (p.88) ’. Il en conclue une distinction rigoureuse entre l’image mentale, fondamentalement schématique et générale, et l’image exogène, vigoureusement singulière qui est imposée au sujet. Il estime que l’image liée au dessin rentre en conflit avec l’image mentale en raison de ‘ « la difficulté à intégrer ou à maintenir les composantes spécifiques du dessin à l’intérieur du schème figuratif préalablement mis en jeu » (p.89)

Il préfère l’aspect suggestif des mots ce qui va le conduire à l’utilisation des modèles mentaux empruntés à JOHNSON LAIRD (1983).