2-3 Les « Cartes Mentales » : l’instance cognitive révisée des données spatiales

2-3-1 La Carte Cognitive ou Carte Mentale : historique

La Carte Mentale ou Cognitive est une représentation d’une partie plus ou moins étendue de l’espace physique qui permet à un individu de se situer dans l’espace et de planifier un déplacement. Le concept de Carte Cognitive ou Mentale est fondamental dans les études sur l’orientation spatiale (aussi bien chez les animaux que chez l’être l’humain), bien que l’acception de carte soit encore largement discutée par certains auteurs. Elle est parfois remplacée par celle de ‘ « modèle mental spatial » (TVERSKY, 1991) ’ ou de façon plus générique par « représentations spatiales ».

Chez les anglo-saxons, SHEMYAKIN (1962) a introduit l’idée de « Mental Map », mais déjà en 1913, l’idée que les individus avaient une image comme une carte de leur environnement dans la tête était apparue chez TROWBRIDGE qui parlait de «imagery maps». C’est essentiellement avec les travaux de LYNCH que la notion de Carte Mentale fut utilisée, adoptée et considérée comme un outil expérimental intéressant. Par la suite, la terminologie s’est développée dans les différentes disciplines qui sont en rapport direct ou indirect avec l’environnement (géographie, urbanisme, architecture, sociologie, psychologie…mais aussi les neurosciences).

En 1948, le terme de Carte Cognitive a été introduit par TOLMAN E. C. en soutenant que le rat n’apprend pas simplement des réponses (tourner à droite ou à gauche) mais construit des Cartes Mentales de son environnement. D’après lui (p. 192). ‘ «...Les impulsions entrantes sont habituellement traitées et élaborées à travers l’image d’une carte-test et cognitive de l'environnement... Et c’est cette carte provisoire, indiquant les routes et les chemins et les relations environnementales qui finalement déterminent les réponses qui seront en définitive nécessaires» . (c’est nous qui traduisons)

Après les travaux de TOLMAN, les études sur l’orientation spatiale restèrent en retrait. La notion de Carte Mentale particulièrement fut passée sous éclipse en raison de l’influence du béhaviorisme en psychologie jusqu’aux années 60.

La théorie de Tolman qui s’opposait aux associations stimulus-réponse, envisageait alors une représentation plus dynamique de l’organisation des connaissances spatiales. Par conséquent, la théorie dynamique tolmanienne ne pouvait satisfaire le courant de l’époque.

C’est seulement au cours des années soixante-dix, avec des auteurs comme DOWNS et STEA que ce sujet fut re-dynamisé avec l’apparition d’une nouvelle terminologie : la mise en Carte Cognitive (en anglais « cognitive mapping »). Ce dernier concept désigne «un processus composé d’un ensemble de transformations psychologiques par lesquelles un individu acquiert, code, stocke, rappelle et décode l’information concernant les places relatives et les caractéristiques de son environnement spatial habituel » (DOWNS et STEA, 1973, p.7).

On constate que la conceptualisation cartographique mentale a évolué sur le plan terminologique et structurel selon les époques, les courants théoriques et les auteurs. En parallèle, d’autres concepts ont émergé chez les auteurs non favorables à la représentation, stricto sensu de carte afin d’expliquer les représentations de l’espace, des lieux, des situations, tels que les plans (GÄRLING ET GOLLEDGE, 1989), les frames (MINSKY, 1975), les scripts (SCHANK et ABELSON, 1977) les schémas (BREWER, 1987 ; MANDLER, 1984) et les modèles mentaux (JONHSON-LAIRD, 1980, 1983).

Dans cette recherche, nous insisterons plus longuement sur le contenu et la fonction des Cartes Mentales au travers de différentes études et expérimentations. Compte tenu des données récentes sur l’organisation des représentations spatiales, le concept de Carte Cognitive n’est plus radicalement évincé du vocabulaire des spécialistes. Une version plus dynamique de la carte lui confère une certaine crédibilité avec notamment des composants variés qui s’évanouissent pour mieux se recomposer au moment de l’évocation ou de la confrontation avec la réalité. La Carte Cognitive se décline au pluriel en fonction de ces modes d’acquisition et du type d’environnement qu’elle doit traiter et organiser. Ces cartes couvrent à la fois des informations obtenues à partir d’une carte papier (plan urbain, carte IGN, mappemonde) ; des indications d’itinéraire selon la logique linéaire du discours ; de schémas griffonnés ou non par un interlocuteur humain, des informations obtenues directement à partir de l’action, (c’est-à-dire du déplacement vers un but immédiatement perceptif ou non) ainsi que des micro-éléments informationnels. Toutefois, si la notion de «Carte Cognitive» est réfutée, le processus cognitif qu’elle représente l’est moins car il peut être formulé autrement. Plutôt que d’utiliser la notion de carte mentale certains auteurs préfèrent parler de ‘ « modèle mental » (TAYLOR 1991 ; DENIS et DENHIERE, 1990) ’ quand il s’agit d’évoquer des connaissances spatiales.

De notre point de vue, la Carte Cognitive se définit comme l’instance cognitive qui rassemble toutes les données que nous avons en mémoire (de la MCT à la MLT) sur notre environnement sans distinction entre les données acquises directement par la navigation ou les données extraites de supports. Toutes ces données forment les connaissances déclaratives auxquelles il faut ajouter, car fortement associées, les connaissances procédurales.